Emmanuel voulait trouver un moyen de réduire son empreinte carbone (donc la quantité de CO2 que son mode de vie produit). Il s'est attaqué à la durée de nos douches, via une application. L'occasion de s'attarder à nos habitudes et au coût de cette opération quotidienne à laquelle on ne prête pas ou peu d'attention…
C’est en constatant que sa fille prenait des douches interminables qu’Emmanuel, un Belge de la région de Tournai, a pris conscience que l'eau courante était un bien précieux, et qu'il fallait en limiter au maximum son utilisation.
“Notre consommation d’eau chaude a un impact considérable sur notre production quotidienne de CO2”, nous a expliqué ce comptable de formation, après avoir contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous.
Il se définit comme "un citoyen lambda" désirant changer ses habitudes. "Je voulais faire quelque chose pour, d'abord, réduire mon impact carbone".
Il a donc décidé de créer une application pour smartphone (uniquement iPhone pour l'instant), "avec une entreprise indienne" qui s'est chargée du développement. Cette appli, c'est Shower Timer.
125 litres par jour pour la douche de sa fille
Tout a commencé par un constat, il y a environ deux ans. "J'ai remarqué que ma fille – j'espère qu'elle ne va pas m'en vouloir – passait énormément de temps sous la douche. Et que c'était un gâchis environnemental et énergétique".
18 minutes de douche, d'après les calculs d'Emmanuel, ça représente 125 litres d'eau potable versée dans l'égout, direction la station d'épuration. Tous les jours.
"Parallèlement, on entend souvent parler des problèmes climatiques" et de la fragilité de notre environnement, malmené par l'Homme depuis deux bons siècles, en gros depuis la révolution industrielle.
Emmanuel s'est rendu compte – constat évident - qu'il était possible de réduire son impact carbone en réduisant sa consommation d'eau (et surtout d'eau chaude). Il a alors cherché dans l'AppStore (le magasin d'application de son iPhone) une application qui permettrait de calculer effectivement le temps passé sous la douche. "Je n'ai rien trouvé, donc j'ai décidé de la faire moi-même".
Des mois de calculs…
Il a "peaufiné le projet" pendant quelques mois, mettant à profit sa formation comptable pour "définir les bases de calcul, créer un algorithme". Ce qui permettait de transformer une minute sous la douche en litre d'eau chaude, un litre d'eau chaude en production de CO2. Il a collaboré ensuite avec une entreprise de développement d'application basée en Inde pour mettre cet outil dans la poche des gens…
Le principe de base de l'application, c'est de calculer le temps passé sous la douche, et ensuite les économies (CO2, euros) qui sont faites si on parvient à réduire ce temps. En 6 mois d'utilisation de l'application, Emmanuel, qui faisait déjà attention auparavant, "a économisé 153€ et 168 Kg de CO2".
Pour faire simple: il y a un minuteur (réglé sur 7 minutes par défaut) à lancer en rentrant dans la douche. Il sert à vous rappeler de sortir, mais surtout il compile les données: les statistiques sont transformées en économie (CO2, euros), du moins si vous êtes un bon élève.
Une application déjà disponible avec pas mal d'options (vous pouvez par exemple lui demander d'utiliser le micro du smartphone pour détecter de manière plus précise pendant combien de secondes l'eau chaude coule), mais qui "est amenée à évoluer". Emmanuel espère avoir beaucoup de téléchargements, ce qui permettrait d'avoir du feed-back, et d'améliorer encore le concept. Il y a consacré du temps et de l'argent, mais ne pense pas pour l'instant à un quelconque retour sur investissement.
Sensibiliser avant tout, et espérer des actes…
Le but ultime des calculs et de l'application d'Emmanuel, c'est la sensibilisation. "Je voulais donc qu'un individu puisse voir facilement et simplement les économies qu'il ferait en restant moins longtemps sous la douche".
Car d'après lui, "la majorité des gens ne savent pas exactement combien de temps ils passent sous la douche". "Quand je pose la question, on me répond vaguement: 'Peut-être 7 minutes, peut-être 10 minutes'. Mais les gens ne le savent pas clairement".
Comme c'est le cas avec la surveillance de sa consommation électrique (on avait parlé de Smappee, une autre invention belge, en 2014), on peut effectivement partir du principe qu'en se rendant compte du nombre de litres d'eau propre jetés à l'égout, et de l'énergie nécessaire pour la chauffer, il y a prise de conscience. Et parfois, cette prise de conscience induit une envie d'améliorer les choses, de diminuer son impact sur l'environnement… bref, de changer.
Emmanuel insiste: "Toute diminution de consommation d'eau chaude est forcément un gain au niveau énergie, et donc forcément un gain au niveau de la production de CO2".
Et ça marche: "J'ai un fils de 8 ans qui me demande mon téléphone avant de prendre sa douche", avec à chaque fois l'envie de faire mieux (donc de rester un peu moins longtemps). "Il faut que les mentalités changent, que les gens prennent conscience".
Notre témoin sait bien que son application "n'est qu'une manière parmi des dizaines" de réduire son empreinte carbone, mais "si les gens changent leur mode de vie, leur mode de fonctionnement, ils peuvent faire la différence".
Combien ça coûte de prendre une douche ?
D'après les informations qu'Emmanuel a pu rassembler, un pommeau de douche moderne débite environ 7 litres d'eau par minute (10 litres pour les plus anciens).
L'eau coûte environ 5€ TTC par mètre cube (1.000 litres) actuellement. Ce qui signifie qu'une minute de douche coûte 0,03€. Une douche de 10 minutes (c'est la moyenne en Belgique, voir plus bas) revient donc à 30 centimes au niveau de l'eau proprement dite.
Nettement plus compliqué: le coût pour chauffer cette eau. Ça dépend du moyen utilisé: un boiler électrique, une citerne d'eau chauffée par une chaudière au gaz ou au mazout, un chauffe-eau solaire, etc. A prendre en compte également: le prix variable du carburant, la qualité d'isolation des tuyaux, la déperdition de chaleur du boiler, etc.
Après une brève recherche sur internet, on a trouvé quelques chiffres qui nous semblent fiables: le coût d'une douche de 40 litres (donc 6 minutes environ) est de 0,317€ tout compris si on dispose d'une chaudière au gaz ou au mazout avec citerne d'eau. Avec un boiler électrique, c'est plus du double : 0,690€ la douche ! Ces données sont tirées d'une enquête de Sibelga en 2018.
Quelles sont les habitudes des Belges sous la douche ?
A bien lire une récente étude sur les habitudes sous la douche, l'application développée par Emmanuel devrait être utilisée par une bonne partie des Wallons…
Dans ce sondage réalisé l'été dernier auprès de 1.150 Belges par iVOX, on apprend que 9 personnes sur 10 ont une douche chez eux. La moitié des sondés prend une douche "au moins une fois par jour", l'autre moitié des sondés se lave "un jour sur deux ou quelques fois par semaines". Seuls 12% des Belges ne lavent qu'une fois par semaine.
En dehors de ces considérations très généralistes, l'étude révèle quelques mauvaises habitudes: la durée moyenne d'une douche est 10 minutes (mais ça se base sur l'impression des gens, pas sur des mesures précises). Seuls 3 Belges sur 5 se lavent en "5 minutes maximum". Or Grohe, qui a commandité l'étude, a d'autres chiffres qu'Emmanuel: une douche consommerait en moyenne… 10 litres d'eau par minute ! Ce qui fait 100 litres par personne et par douche.
On apprend également que les jeunes et les célibataires se douchent globalement plus longtemps que les + de 55 ans et les gens en couple. C'est donc un public cible pour l'application d'Emmanuel, d'autant plus que ces jeunes prennent également des douches plus chaudes, et qu'ils l'admettent dans l'étude: 41% d'entre eux ne se préoccupent pas de leur consommation d'eau…
Enfin, autre très mauvaise habitude: seulement 42% des Belges coupent l'eau en se savonnant, tandis que 63% la laissent carrément couler pour qu'elle soit bien chaude avant de rentrer dans la douche.
Bref, la sensibilisation à laquelle s'attaque Emmanuel a encore de beaux jours devant elle…
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