Par le récit des obstacles qu'il doit affronter lors de ses déplacements sur la voie publique ou en bus, un Liégeois d'une cinquantaine d'années nous rappelle les difficultés des personnes à mobilité réduite. Les institutions multiplient les aménagements pour améliorer la situation.
Pierre (prénom d'emprunt) n'a pas la vie facile. De multiples problèmes de santé ont réduit drastiquement la mobilité de ce quinquagénaire. Si auparavant, cet ancien agent de sécurité se déplaçait à l'aide de cannes, plusieurs arrêts cardiaques ont davantage encore fragilisé cet homme désormais contraint à utiliser une chaise roulante. Et là où il habite, rue d'Ougrée à Angleur (Liège), cela constitue un gros problème. Quand le PMR (Personne à Mobilité Réduite) qu'il est quitte son domicile. Il se retrouve sur un trottoir en grande partie occupé par les véhicules en stationnement de ses voisins. "Les habitants garent leur voiture sur le trottoir, ils n'ont pas d'autres places où se garer. S'ils se garent sur le bord de la route, ils prennent le risque que leur véhicule soit touché par les nombreux camions et bus qui passent par cette route", raconte Pierre qui nous a contacté via la page Alertez-nous pour sensibiliser la population aux problèmes des PMR.
Ses voisins se garent sur le trottoir: "Du j'en-foutisme, le monde est égoïste"
Privé de trottoir, l'homme en chaise roulante est donc obligé d'aller sur la route pour se déplacer. Il nous dit avoir signalé ces stationnements irréguliers à la police. Mais cela n'a fait qu'envenimer les choses. "Quand j'appelle la police, ça dégénère avec les voisins, ça tourne à la guerre", dit-il. Pierre habite cette rue depuis deux ans et demi et, sans jeu de mot, n'a jamais rien vu bouger. Nous avons joint par téléphone le responsable du commissariat d'Angleur. Son responsable est justement conseiller en mobilité et donc très sensible aux problèmes tels que ceux vécus par Pierre. Et il n'est pas inactif. Avec une dame en chaise roulante, il a déjà notamment fait le tour d'un quartier traversé par la rue d'Ougrée afin de repérer efficacement les obstacles. Mais la rue d'Ougrée, véritable route nationale, est très longue. Le commissariat confirme le problème d'absence de places de parking à proximité des habitations. Les riverains se garent donc sur le trottoir près de chez eux. Et comme celui-ci est étroit, le chemin se ferme à Pierre et sa chaise roulante. Le commissariat rappelle que les véhicules peuvent rogner légèrement sur le trottoir mais qu'ils doivent laisser au moins un mètre pour le passage. Ce qu'ils ne font apparemment pas, à en croire Pierre. "C'est vraiment du j'en-foutisme, le monde est égoïste" déplore-t-il.
Des normes d'accessibilité pour tous les réaménagements
Les voitures garées sur le trottoir de sa rue ne constituent pas la seule entrave à la mobilité réduite de Pierre dans Liège et sa périphérie. Dans certaines rues, les trottoirs sont tellement penchés qu'il est sur le point de tomber avec sa chaise et doit demander de l'aide, nous raconte-t-il. La Ville de Liège ne reste pas les bras croisés et désormais tous les travaux d'aménagements ou de réaménagements tiennent compte des difficultés que peuvent rencontrer les PMR. "Les abaissements de bordures, les dalles de repérage (soit de conduite, soit d’éveil à la vigilance, soit d’information), des trottoirs larges et confortables, des traversées sécurisées (avec une avancée sur chaussée par exemple),… sont autant de mesures qui permettent de rendre les cheminements accessibles à tous. Une centaine de traversées piétonnes ont déjà fait l’objet d’aménagements spécifiques. La Ville de Liège intègre ces normes d’accessibilité dans tous ses projets de réaménagement", assure-t-on sur le site web de la cité d'ardente.
Entrer dans le bus: une suite pénible d'opérations
Se mouvoir sur la voie publique n'est pas la source de tracas pour Pierre. Prendre le bus peut aussi se transformer en une véritable galère. "C'est tout un cirque pour y pénétrer", raconte notre interlocuteur. "Le conducteur ne peut pas quitter sa cabine", affirme Pierre qui nous décrit son entrée: "Je prends mes deux cannes, je plie ma chaise roulante, je rentre dans le bus puis je déplie ma chaise roulante et je me réinstalle dedans". "S'il est patient, le conducteur démarre quand toutes ses opérations sont achevées", dit Pierre. Mais ce n'est pas toujours le cas. "Il me laisse pas toujours le temps de redéplier ma chaise roulante et redémarre", précise-t-il, cependant compréhensif pour le chauffeur pressé: "On n'y peut rien, il faut qu'on se dépêche."
Promesse des TEC: la plupart des lignes de bus accessibles aux personnes en chaise roulante dans les trois ans
Les choses sont toutefois en train de changer. De plus en plus de bus TEC sont désormais accessibles aux PMR. Aujourd'hui, les lignes 4, 17 et 18 disposent d'un matériel roulant et de quais adaptés. Demain, on devrait en compter beaucoup plus. "D’ici 3 ans, la majorité des lignes de bus les plus fréquentées des TEC seront accessibles aux personnes en fauteuil roulant", annonçait les TEC, le 11 octobre dernier. Toute la Wallonie est concernée. Les arrêts des 186 lignes les plus importantes de Wallonie seront inspectés dans les trois ans. Le but est de définir quels sont, sur ces lignes, les arrêts conformes (répondant aux normes maximales d’accessibilité) et les arrêts praticables (répondant à des critères assouplis mais suffisants pour permettre le déploiement d’une lame d’embarquement en toute sécurité). Suite à ces inspections, un pictogramme sera apposé sur les arrêts afin que le public concerné sache sur quel type d’arrêt il se trouve.
Dans les 3 mois, les conducteurs des TEC recevront des instructions relatives à la prise en charge des PMR. Trois conditions doivent être réunies pour assurer l’embarquement ou la descente du véhicule, en toute sécurité et avec l’aide d’une tierce personne ou du conducteur. Ces trois conditions, cumulatives, sont : l'arrêt doit être au minimum praticable, le bus doit être équipé d’une rampe d’embarquement manuelle ou automatique, les conditions d'exploitation (approche de l'arrêt, charge du véhicule, sécurité des personnes…), que seul le conducteur est à même d'apprécier, doivent être favorables.
A côté du service standard, il y a aussi le bus 105. Il s'agit d'un service spécifique du TEC qui assure une desserte porte-à-porte dans une zone limitée. Le service est accessible à toute personne dont la mobilité est réduite temporairement ou durablement. En complément du Bus 105, certaines associations régionales organisent un transport spécifique pour personnes à mobilité réduite, au moyen de véhicules adaptés. Les personnes PMR peuvent joindre le Téléservice de Liège au 043420347.
Des efforts sont donc entrepris pour améliorer le sort de Pierre et les dizaines de milliers de gens comme lui. Nous leur laisserons le mot de la fin, par la voix de notre témoin: "Même si je suis à mobilité réduite, je suis toujours vivant et j'ai le droit de circuler en toute sécurité".
La définition exacte de PMR (Personne à mobilité réduite)
Les personnes à mobilité réduite (PMR) sont des personnes gênées dans leurs mouvements notamment en raison de leur taille, de leur état, de leur âge, d'une maladie aux effets invalidants, d'un accident, d'un handicap permanent ou temporaire. Cette définition englobe ainsi une population bien plus large que celle des seules personnes handicapées motrices.
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