Si il y a bien un domaine qui touche au quotidien des habitants à Bruxelles, c’est la question du stationnement. Mariam et son mari habitent une rue de Molenbeek qui fait office de frontière avec la commune de Koekelberg. Alors qu'ils accumulent les amendes, une nouvelle règle de stationnement validée il y a plus d'un an attend toujours d'être appliquée. Le système, qui propose à chaque automobiliste de customiser sa propre zone de parking, est la solution à leurs problèmes. Alors, qu'attendent les communes?
Chaque jour, de nombreux Bruxellois sillonnent en voiture les rues de leur quartier à la recherche d’une place où ils pourront se garer, sans payer d’amende. Si les habitants peuvent posséder une "carte riverain" afin de stationner au sein de leur commune, encore faut-il qu’ils y trouvent une place.
700.000 voitures en circulation aux heures de pointe, 265.000 places disponibles
A Bruxelles, on compte 265.000 places disponibles en voirie… mais 500.000 voitures y circulent tous les jours. "Quelques-uns disent qu’il y a trop de voitures, d’autres qu’il n’y a pas assez de place. Ce qui est certain, c’est que l’offre et la demande ne se rejoignent pas du tout !", remarque François Robert, porte-parole de Parking Brussels, l'agence du stationnement de la Région de Bruxelles-Capitale.
A Molenbeek, on compte 13.000 places disponibles pour 100.000 habitants. "Mais dans notre commune, la moyenne d’âge est faible, tient à souligner Olivier Mahy, échevin de la mobilité, il y a beaucoup d’enfants et d’adolescents qui ne conduisent pas". Malgré tout, ce chiffre, qui équivaut à une place libre pour près de 8 habitants, n’est pas très réjouissant et ce n'est pas Mariam et son mari qui diront le contraire, eux dont la localisation est quelque peu singulière.
"A droite, c’est Molenbeek, à gauche, c’est Koekelberg"
L’avenue où habitent Mariam et son mari se situe à cheval sur deux territoires différents. "A droite, c’est Molenbeek, à gauche, c’est Koekelberg", commence Mariam qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. "Mon mari et moi possédons deux voitures, nous payons deux fois la carte riverain de Molenbeek et c’est normal, jusque-là nous sommes d’accord", poursuit-elle. Dans sa commune, le prix à payer pour deux voitures est de 80 euros. (50 pour la première, 30 pour la seconde).
Une dérogation pour pouvoir se garer de l'autre côté de la rue
Mais, résidant sur une rue qui fait office de frontière avec Koekelberg, Mariam souhaiterait également posséder une carte riverain de cette commune voisine. "J’ai fait l'impossible pour l’obtenir afin de me garer librement dans mon propre quartier, mais on m'a dit que c’est impossible", rapporte-t-elle. Néanmoins, elle et son conjoint ont reçu une dérogation leur permettant de se garer des deux côté de la rue où ils vivent. Mais pas un mètre de plus au-delà.
"Se garer 5 mètres plus loin, c'est 25 euros à payer"
"Si je dépose ma voiture 100 mètres à gauche ou 5 mètres à droite, c'est 25 euro à payer", souligne l’habitante de Molenbeek, qui a déjà payé la note plusieurs fois car "même si je peux désormais me garer des deux côtés de la rue, il est souvent impossible d’y trouver une place", se plaint-elle.
Résultat, quand par miracle ils repèrent un espace où stationner leur voiture, Mariam ou son mari saute sur l’occasion, tout en sachant pertinemment le risque qu’ils encourent si leur véhicule se trouve sur la commune de Koekelberg. "Ma porte d’entrée se situe sur le côté de l’avenue qui appartient à Molenbeek, mais mon balcon donne sur une rue de Koekelberg", précise Mariam. "Il n’y a jamais de place sur l’avenue, mais il y en a parfois sous mon balcon. On m'a dit que je n’avais pas le droit de me garer sous mon balcon, car je n’habite pas à Koekelberg."
Près de 1000 euros d'amende en deux ans
En moins de deux ans, le couple a déjà payé près de 1.000 euros d’amendes. Sachant qu’à Koekelberg, le prix de la carte riverain qu’ils convoitent coûte 5 euros, Mariam et son mari ont donc déjà déboursé de quoi s’offrir 200 autorisations ! "C’est catastrophique. Au secours ! J’ai besoin d’une solution !", supplie Mariam.
"Ca nous coûterait peut-être moins cher de payer un parking"
Le mari de Mariam est passé plusieurs fois devant le juge pour tenter de les sortir de cette situation. "J’ai essayé de m’expliquer, mais ça ne sert strictement à rien", raconte-t-il. "On m’oblige chaque fois à payer. Il y a un règlement à suivre, alors on n’a pas le choix, on paye, et cela s’ajoute à mes impôts, mon cadastre, mes taxes de circulation. Nous avons déménagé il y a un an et demi ici. Finalement, avec toutes ces amendes en plus, ça nous coûterait peut-être moins cher de payer un parking que de nous garer dans la rue."
Une solution existe depuis plus d'un an
Une nouvelle règle de stationnement a été validée par le gouvernement bruxellois et est d’application depuis le 1er janvier 2017, soit il y a plus d’un an. Le ministre Bruxellois de la Mobilité, Pascal Smet annonçait :"Prendre une amende parce qu’on est stationné à la frontière de deux communes. C’est fini ! Les changements apportés à la politique de stationnement vont permettre de clarifier les choses sur le terrain. L’objectif était de simplifier, de clarifier et d’harmoniser. C’est chose faite". A la lecture du témoignage de Mariam et son mari, on comprend que le ministre se disait à l’époque satisfait de cette avancée.
Plus de frontières communales pour se stationner!
L’idée ? Découper la Région en 320 mailles, équivalant chacune à un secteur d’une superficie de 40 hectares en moyenne.
Les frontières communales sont oubliées et pour les habitants, le point de repère devient le lieu où ils habitent. Le secteur où chacun peut se garer tourne autour de l’habitation. En plus de la maille correspondant à la maille où se trouve leur maison ou leur appartement, chaque habitant peut choisir 3 mailles supplémentaires ou 4. "L’avantage, c’est qu’il n’y a plus de frontière communale. Pour ceux qui par malchance, habitent entre deux communes, cette nouvelle règle solutionnera leur problème !"
Une zone de parking à customiser
Concrètement, chaque automobiliste disposant d’une carte riverain peut choisir des bouts de territoires, obligatoirement contigus, pour définir lui-même une zone où stationner légalement, équivalant à 1,5 kilomètre autour de son habitation.
Cette décision règle aussi d’autres déséquilibres. "Si on analyse le stationnement à Bruxelles, il y a des aberrations", note le porte-parole de Parking Brussels. "Chaque habitant peut se garer sur le territoire de sa commune, mais la commune de Saint-Josse par exemple, fait à peine plus de 100 hectares, alors qu’à l’extrême, la commune d’Uccle en fait plus de 2.000."
Treize mois se sont bientôt écoulés depuis l'adoption de la nouvelle règle mais rien n'a bougé à Molenbeek et dans d'autres communes. De quoi faire enrager Mariam et son mari car la possibilité de définir eux-mêmes leur zone de parking constituerait la solution à tous leurs problèmes.
Qu’est ce qui empêche les communes d’agir ? Les raisons seront essentiellement d'ordre pratique et matériel. "C’est la Région qui a pris cette décision et toutes les communes doivent la suivre. Mais entre la décision, l’ordonnance sur le stationnement et la mise en application, il y a plusieurs actions à faire, il y a toujours du temps," souligne le porte-parole de Parking Brussels.
Une autre raison réside dans la création indispensable d’un "logiciel qui puisse faire la part des choses". "Ce qui manque avant tout pour mettre en œuvre l’ordonnance, c’est une application informatique", nous dit Olivier Mahy à Molenbeek qui ajoute que "Parking Brussels fait développer une application de contrôle".
Impératifs techniques et encodage laborieux
Mais du côté de l'Agence du stationnement, on semble attendre le feu vert et la coopération des communes. "La première chose qu’on doit faire, c’est délimiter parfaitement ces mailles. Nous devons d’abord tout paramétrer, et tant que les communes n’ont pas décidé formellement les secteurs compris dans chaque maille, on ne peut pas le faire", explique le porte-parole de Parking Brussels, François Robert.
"C’est un impératif technique terrible, car après, viendra l’étape d’encodage. Elle sera très laborieuse, car on ne peut pas se permettre d’erreur", dit le porte-parole, en nous laissant imaginer le nombre d’informations à encoder pour délimiter précisément les territoires des 320 futures mailles de stationnement. "Après cette étape, on pourra paramétrer nos banques de données à insérer dans l’ordinateur de contrôle des stewards qui s’occupent des contrôles".
Pas d'ultimatum: "Cela prendra le temps que ça prendra"
"C’est une matière très compliqué et difficile à mettre en œuvre. En choisissant des mailles, un habitant peut empiéter sur la commune voisine. Cela doit absolument être fait avec un accord de réciprocité entre les communes.C’est dans leur intérêt, sinon on ne peut pas travailler. Mais, la loi, c’est la loi", rappelle le porte-parole de Parking Brussels.
"Il ne faut toutefois pas jeter la pierre aux communes", tempère-t-il. "Pour elles, c’est quelque chose de tout à fait neuf, elles doivent changer de règlement communal et des tas d'autres choses. Même si nous sommes arrivés à un accord politique, tout n’est pas réglé et ce n’est pas évident. Il y a une ordonnance, mais on travaille avec les communes et pour les communes. Il n’y a pas d’ultimatum, on ne force pas les choses et ça prendra le temps que ça prendra".
Le système en application à Jette et Ganshoren cet été?
Malgré les nombreux obstacles évoqués, certaines communes ont décidé de mettre le pied à l’étrier. "Deux communes se lancent dans l’opération ! Jette et Ganshoren ont mis la sectorisation à leur agenda", se réjouit François Robert. "Il faut bien se lancer à un moment donné !"
D’ici l’été, les deux communes espèrent lancer le nouveau système de stationnement sur leurs voiries. "Dès que le mouvement est lancé les autres communes vont suivre", pense François Robert de Parking Brussels.
Laisser Jette et Ganshoren se mouiller avant de plonger
Après avoir laissé les communes de Jette et Ganshoren partir en éclaireur, et peut-être, au casse-pipe, on peut donc espérer que les 17 autres communes emboîtent le pas et fasse le grand saut elles aussi.
Mais il faudra sans doute attendre l’après 14 octobre prochain, car derrière l’énorme frilosité des communes, se cache aussi un événement important marqué en rouge sur leur calendrier : les élections communale de 2018. Aucune n’ose l’avouer, mais cette perspective paralyse sans doute la mise en œuvre d’un si gros chantier, surtout quand celui-ci touche à une question qui inquiète autant les citoyens.
D’ici-là, certains profiteront peut-être de ce laps de temps pour trouver une alternative à la voiture pour ne plus mordre son volant ou cesser d'accumuler les amendes. Métro, train, tram, bus, les transports en commun sont toujours bien actifs à Bruxelles. Et si vous préférez voyager en solo, pensez à la voiture partagée, ou même au vélo,… D'ici à l'application des nouvelles règles de stationnement par toutes les communes, le soleil sera de retour!
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