Les opérateurs télécoms sont des entreprises privées (même si elles ont comme actionnaire l’Etat, les Régions ou des communes) : ils doivent donc respecter des impératifs de rentabilité. Investir dans des tranchées, du câblage et des cabines pour atteindre des zones isolées n’est pas rentable. Il y a donc des zones dites “blanches” en Wallonie.
Même si la Belgique fait figure de pays privilégié en Europe, grâce à sa grande densité de population, il y a tout de même des zones rurales, surtout en Wallonie, où l'accès à Internet est encore très relatif.
On l'a déjà expliqué avec le cas de Jordan, Etienne, ou Arnaud: dans certaines régions/villages/quartiers, les investissements nécessaires des opérateurs ne seraient jamais rentabilisés par la poignée d'abonnements haut-débit qu'ils pourraient rapporter…
Néanmoins, et surtout pour ceux qui passent d'une connexion normale à une connexion très lente, la rupture est brutale. Et a des conséquences de plus en plus importantes. C'est la raison pour laquelle Thierry nous a contactés. "Sous prétexte de non investissement au profit de la rentabilité je me sens un citoyen de seconde zone ! Merci Proximus, merci Voo !", a-t-il ironisé via le bouton orange Alertez-nous.
De Bruxelles à Andenne suite à la perte de son emploi
Ce n'est pas de gaité de cœur que Thierry et une partie de sa famille ont quitté Bruxelles, d'où ils sont originaires, pour la province de Namur. "On était concierge, on avait un logement de fonction". Donc en plus de se trouver avec des revenus de substitution, notre témoin a perdu un toit.
Il fallait donc trouver une location abordable pour Thierry, sa compagne, sa fille aînée et l'enfant de celle-ci. "On a cherché dans les petites annonces, et on a trouvé quelque chose sur Bonneville, c'est dans l'entité d'Andenne".
Content d'avoir trouvé une maison, "une nouvelle construction" dans "un nouveau lotissement" du centre du village, Thierry a vite déchanté quand il s'est rendu dans une boutique Proximus pour acter son déménagement.
La TV, il ne fallait même pas en parler, et pour internet, on ne pouvait avoir que du 4 MBps
Du haut-débit à 4 MBps
En effet, après avoir signé le bail, "on est allé à Andenne et comme à Bruxelles on était chez Proximus, on a été dans une boutique de l'opérateur, pour faire transférer notre abonnement".
Très vite, il a été fixé. "Le gars a tapé notre nouvelle adresse dans son ordi, et il a dit 'Ouille, ça va pas être possible'. Il nous a expliqué que la TV, il ne fallait même pas en parler, et que pour internet, on ne pouvait avoir que du 4 MBps". Et tout ça "pour le même prix que ma connexion haut-débit à Bruxelles, bien entendu". De plus, il n'aurait droit qu'à un quota de téléchargement mensuel de 20 GB. "Qu'est-ce qu'on fait avec 20 GB ? Si je surfe une semaine, mes 20 GB, ils sont partis! A Bruxelles, on était en illimité…"
Notre témoin est tombé de haut, et n'avait aucune idée de ce qu'il attendait. "Il faut dire que ce n'est pas le genre de choses qu'on met dans une annonce", reconnait-il.
Il n'a pas souscrit à un abonnement chez Proximus… "Quand j'ai su que ce sera 4 MBps, je n'ai pas poussé plus loin. J'ai connu les modems 56k, je sais ce que c'est: on a le temps de se préparer un café pendant que la page charge. C'est pour devenir fou ".
Difficile de s'en passer…
Pour une famille, il est cependant devenu difficile au fil des ans de se passer d'un accès à internet et à la télévision. "Je dois chercher un emploi, donc je dois passer par internet. Tous les services sont en ligne, désormais, au niveau des administrations, des banques, etc. Et j'ai une petite-fille qui aiment bien regarder la télé de temps en temps".
Thierry s'est renseigné auprès de l'opérateur Voo: "Ils peuvent nous donner la télé, mais pas internet. Et encore, toutes les chaînes ne seraient pas en HD".
Il s'est alors tourné vers l'opérateur mobile Orange: "On a essayé leur Flybox 4G. A Andenne, dans la boutique, ils nous avaient dit que ça irait. 20€ par mois pour 150 GB, il y avait de quoi faire". Hélas, le résultat est catastrophique. "Ils conseillent de placer la Flybox près de la fenêtre, mais même en la mettant dehors avec une rallonge, rien, rien du tout…"
Reste l'option satellite, "mais on ne peut pas forer dans la façade, et il faudrait orienter une antenne vers l'Est, or à l'Est il y a une maison…"
Son plan, donc, c'est "de faire sans internet et sans télé jusqu'à ce que Proximus ou Voo se décide à moderniser un peu leur réseau".
Comment Proximus modernise-t-il son réseau ?
Pour atteindre des zones plus isolées, Proximus a plusieurs solutions à sa disposition. Mais il faut garder une chose en tête avant d’en parler: le but final de l'opérateur, à moyen et long terme, est d'apporter sa fibre ultrarapide (la vitesse théorique est énorme, mais dans la pratique on est entre 200 et 500 Mbps) dans tous les foyers, toutes les entreprises. Donc investir dans des solutions alternatives se fait au cas par cas...
Parmi ces solutions, on a beaucoup parlé dernièrement de Tessares, une jeune société (spin-off) issue d'un laboratoire de l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve. "Mais c'est une solution parmi d'autres", nous a expliqué Haroun Fenaux, porte-parole de Proximus.
L'opérateur évoque notamment "des collaborations régulières avec les gestionnaires de réseau électrique (genre ORES, RESA): on profite de leur structure aérienne pour fixer notre câble", au lieu de creuser des tranchées coûteuses. Il y a "déjà des exemples concrets en Wallonie".
Autre piste: "dans certains endroits où creuser des tranchées coûte trop cher (par rapport aux quelques maisons à qui elle offrirait le haut-débit, NDLR), on propose aux communes de nous prévenir quand elles prévoient des travaux. Et quand elles refont une route ou des égouts, on place à nouveau notre câble, et d'un coup, il y a une rentabilité possible pour raccorder des quartiers isolés".
Troisième exemple avant d'évoquer Tessares: "le faisceau hertzien: si la topographie des lieux le permet, on place des paraboles sur des mats pour faire transiter un signal d'un point à un autre, mais il ne peut pas y avoir d'obstacle entre les deux". Donc, "dans certains cas, on utilise cette technologie, et on place une cabine pour amener la fibre, puis le VDSL, dans un hameau isolé, par exemple".
Tessares, la solution la plus innovante
Née en 2015 suite à des travaux concluants dans un laboratoire d'université, Tessares est ce qu'on appelle une spin-off de l’UCL.
Proximus a rapidement investi dans cette jeune entreprise qui a trouvé le moyen de fusionner un faible signal DSL (internet fixe) et un signal 4G. Ces deux sources de connexion au réseau sont réunies pour apporter un internet de meilleure qualité dans certains foyers. C'est ce qu'on appelle une approche multipath (“acheminement multiple”) de l'accès à internet.
“On a déjà déployé cette solution dans 5.000 foyers”, nous a expliqué Proximus. En réalité, ce n’est pas un produit commercialisé par l’opérateur, ni une option, d’ailleurs. “Car à nouveau, c’est au cas par cas: il faut que le client ait une connexion DSL lente, mais surtout un accès de bonne qualité à l’antenne 4G la plus proche, capable de compenser réellement le filaire. Si c’est pour que le client gagne 2 MBps, ça ne sert à rien”.
Comment faire si vous pensez être dans le bon cas de figure ? “Le client peut contacter le service clientèle de Proximus, qui bien sûr n’est pas au courant de tous les paramètres. Donc un technicien sera envoyé pour faire des tests dans l’habitation”. Si ceux-ci s’avèrent concluant, donc si la 4G captée par un boitier supplémentaire placé près d’une fenêtre est suffisamment puissante, alors le client pourra bénéficier de la technologie développée par Tessares et Proximus. "Il n’y a pas de supplément, ce n’est qu’un moyen d’amener le meilleur accès possible à internet jusqu’au client”.
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