Thierry Wauters, un cardiologue belge, raconte avoir contracté le coronavirus début mars. Malade durant une dizaine de jours, il a depuis passé trois tests sérologiques de détection rapide des anticorps dont les résultats lui permettent de dire qu'il est immunisé. Il se demande pourquoi les autorisés n'envisagent pas la création d'un "passeport immunitaire" qui permettrait d'éviter certaines obligations mises en place par le Conseil national de sécurité (CNS).
Infecté par le coronavirus en mars dernier, Thierry Wauters, un cardiologue bruxellois, dit avoir pleinement récupérer ses capacités physiques.
Après cette épreuve, le médecin a décidé de passer plusieurs tests sérologiques de détection rapide des anticorps "IgG" (signe d'une infection ancienne).
Aucune mesure n’est prévue pour nous qui, sauf mutation actuellement non démontrée du virus, sommes protégés contre la maladie
Six mois plus tard, il dresse le constat qu'il est "immunisé" face à un virus qui menace encore fortement l'ensemble de la société. "J’ai déjà fait trois tests d’anticorps, un en avril, un en juin et un en août, et je garde un taux élevé et tout à fait stable d’anticorps", assure-t-il. "Je ne dois sûrement pas être le seul sur Terre dans ce cas. Or, aucune mesure n’est prévue pour nous qui, sauf mutation actuellement non démontrée du virus, sommes protégés contre la maladie et ne devraient même plus être porteur sain. Dès lors, nous devrions être dispensés du port du masque et être dispensés de quarantaine ou des restrictions de voyage dans les zones à risque par exemple", estime-il.
C’est comme si j’étais déjà vacciné
Le docteur Thierry Wauters aimerait ainsi qu'une attention plus importante soit portée aux personnes qui possèdent des anticorps. "C’est comme si j’étais déjà vacciné. Je trouve illogique qu’on ne tienne pas compte de cet état. Jamais personne ne parle des gens qui sont immunisés, et je trouve qu’il faudrait tenir compte de cette fraction de la population belge."
Il demande ainsi aux experts et au monde politique d'envisager la création d'un "passeport immunitaire". Un tel passeport permettrait aux personnes déjà infectées et guéries d'être identifiées et de pouvoir reprendre des activités "normales". "Pourrait-on avoir une carte d’immunité sur soi pour pouvoir voyager? Que les gens puissent montrer lors d’un contrôle de police ou autre qu’il ne risque plus d’être malade car ils sont immunisés?", demande-t-il.
"Il a été dit dans la presse et par certains experts que ces anticorps baissent. Or, je constate chez moi que ces anticorps ne baissent pour l'instant pas...", insiste-t-il.
Personne ne peut dire aujourd’hui qu’à partir de tel degré d’anticorps, on est protégé
La création d’un document papier ou numérique qui faciliterait le retour à des activités "normales" comme se déplacer sans aucune contrainte est-elle envisageable ? La réponse est non pour Yves Van Laethem, le porte-parole interfédéral Covid-19. Il argumente en trois points.
1. A partir de quel moment est-on suffisamment protégé contre le coronavirus?
"Le dosage d’anticorps effectué suite aux tests passés par ce cardiologue est un dosage tout à fait global, qui contient les anticorps neutralisants qui servent vraiment à quelque chose et d’autre anticorps qui disent juste 'on a vu le virus'", indique l'infectiologue.
"Pour le coronavirus, il y a donc un mélange des deux. On sait à présent que dans la majorité des cas, quand on a des anticorps, on a une proportion importante de neutralisants (qui protègent). Mais, personne ne sait exactement s’il y un taux d’anticorps qui vous protègent un peu, beaucoup, passionnément. D’autant plus qu’on pense qu’il n’y a pas que les anticorps mais aussi l’immunité cellulaire qui joue un rôle. Personne ne peut donc dire aujourd’hui qu’à partir de tel degré d’anticorps, on est protégé."
2. Combien de temps pourrait-on être protégé?
"On ne sait pas si ce monsieur sera encore protégé pour trois mois ou plus. Est-ce que ce passeport immunitaire serait valable quelques mois, un an, cinq ans ? On n’en sait rien. Si on imaginait ce passeport ou le carnet jaune comme pour les vaccinations, on ne sait pas dire pour quelle période. On pense de plus en plus qu’on stimule des cellules mémoires qui nous donne sans doute une protection à plus longue que simplement le taux d’anticorps, mais cela reste encore une supputation. C’est probable mais pas certain."
3. Peut-on encore transmettre le virus à d'autres personnes si on est immunisé?
"On ne sait pas si on est encore à risque d’être porteur du virus, même si on ne devient pas malade. Ce cardiologue peut traverser le feu mais en important un peu de feu avec lui, il va faire flamber l’endroit où il va aller s’asseoir après. C’est le problème. Si ça a un sens peut-être pour lui de se dire, 'je peux aller n’importe où, je ne serai pas malade', on a encore aucune preuve qu’une personne pas malade ne peut pas être porteuse du coronavirus et le transmettre à quelqu’un d’autre qui va faire la maladie."
Yves Van Laethem souligne que posséder des anticorps ne permet pas de se prémunir des règles d’hygiène car on risque de transporter sans le vouloir une maladie. "C’est un problème par rapport au vaccin, car on ne sait pas si ce dernier va empêcher de faire partie d’une chaîne de transmission du virus. Ce passeport d’immunité est biaisé par les trois points présenter ci-dessus. Ces tests d’anticorps sont intéressants pour lui. Il peut se dire que pendant un certain temps il sera sans doute à l’abri d’une infection grave, mais c’est tout ce que ça lui apporte. Cela lui donne une certaine garantie pour l’hiver, on va dire. Le gros problème en santé publique est de savoir si on est encore capable par ricochet de toucher quelqu’un, même si on n’a rien. Les précautions qu’on prend, c’est pour les autres", a conclu l'infectiologue.
Le pourcentage de Belges possédant des anticorps reste constant autour de 5%
Depuis fin mars, l'Institut de santé publique Sciensano surveille l'évolution des anticorps des donneurs de sang, d'une part, et auprès des travailleurs du secteur des soins de santé, d'autre part. Depuis le 30 mars, 10.453 échantillons ont été étudiés et les analyses les plus récentes font apparaître qu'environ 5% des donneurs de sang ont développé des anticorps détectables contre le coronavirus. Ce pourcentage reste stable depuis avril 2020, ont expliqué le 18 septembre dernier en conférence de presse le SPF Santé publique, le Centre de crise national et Sciensano.
Il faut malgré tout interpréter ces résultats avec la prudence qui s'impose, fait remarquer Sciensano qui a effectué ces relevés en collaboration avec le Service du Sang de la Croix-Rouge et la Croix-Rouge section Flandre. Les donneurs de sang (18-75 ans) constituent en effet un groupe spécifique de la population, en bonne santé au moment de la prise de sang.
La même étude est également en cours -et jusque fin avril 2021- chez les travailleurs de la santé dans les hôpitaux belges. Pour celle-ci, Sciensano collabore avec l'Institut de médecine tropicale d'Anvers et suit un groupe de 850 travailleurs de la santé depuis fin avril. Les résultats font apparaître que le pourcentage de travailleurs de la santé ayant fabriqué des anticorps contre le virus n'a pas changé d'une manière significative sur toute la période et qu'il oscille autour de 8%.
Sur les 81 participants chez qui on a trouvé des anticorps, 5 (6%) ne présentaient pas symptômes. Chez 2 de ces 81 participants seulement, plus aucun anticorps n'était présent dans le sang au bout d'un moment. Chez ces deux participants, dont les symptômes se limitaient à des maux de tête, les anticorps ont disparu environ deux mois et demi après la date probable de l'infection.
Il ressort clairement des résultats de ces deux études menées depuis des mois que l'existence d'une immunité collective est encore très éloignée, largement en dessous des 70% préconisés pour pouvoir en parler.
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