Entre septembre et décembre, un malfrat a utilisé l'identité et l'adresse d'une vieille dame vivant dans le sud de la France pour mettre en œuvre ses arnaques dont Laurent aurait été victime. L’octogénaire a reçu une dizaine de colis dont elle n’a jamais passé commande, nous dit-elle.
En septembre dernier, Laurent (prénom d’emprunt car il veut garder l'anonymat) décide de vendre son iPhone XS. Pour ce faire, il dépose une annonce sur le site iOccasion, un site de ventes entre particuliers spécialisé dans les produits de la marque à la pomme. Son téléphone proposé au prix de 950 euros trouve vite preneur mais Laurent nous explique via le bouton orange Alertez-nous que tout ne va pas se dérouler comme prévu.
Une femme originaire du sud de la France se dit intéressée. Plusieurs mails sont échangés afin de convenir des modalités de la transaction. La potentielle acheteuse, se faisant appeler "Maryse", transmet à Laurent son adresse postale, afin d’y envoyer le téléphone, nous raconte-t-il. Laurent s’exécute et expédie le colis via Bpost.
Fausse inscription PayPal
Afin d’effectuer le paiement, l’acheteuse demande à Laurent de créer un compte PayPal. Notre alerteur pense alors entamer les démarches nécessaires auprès du service de paiement mais réalise rapidement être face à une arnaque. "Je devais acheter 3 cartes NEOSURF de 100 euros afin de valider mon compte PayPal, affirme-t-il. J’ai trouvé la démarche surprenante étant donné que normalement je devais recevoir de l’argent".
Laurent constate que ces instructions lui sont transmises par des mails provenant de l’adresse “servicetransactionpaypal@outlook.com”. Il comprend qu’il ne s’agit pas de l’adresse officielle de PayPal et interrompt les démarches. “Je n’ai pas effectué le paiement de ces trois cartes”, assure-t-il. En reprenant contact par mail avec la prétendue "Maryse", celle-ci l’accuse d’être malhonnête car il ne souhaite pas effectuer la transaction.
Une première plainte déposée
Laurent décide de se rendre au commissariat de Bruxelles pour signaler être victime d’une arnaque et porter plainte. Il se rend également auprès du bureau de poste afin d’annuler l’envoi de son colis. Mais il est trop tard : "L’employée m’a informé que l’envoi était déjà en cours et qu’elle ne pouvait rien faire pour le stopper."
En parallèle, Laurent entreprend ses propres recherches. Il découvre sur internet un numéro de téléphone relié au nom et à l’adresse de son acheteuse. Alors, quand l’application mobile de Bpost indique la réception du colis à l’adresse d’envoi, Laurent décide d’appeler le numéro de téléphone qu’il a trouvé. Au bout du fil, une femme assure ne jamais avoir commandé de colis et ne pas être à l’origine de l’arnaque puis met rapidement un terme à la discussion.
Maryse, 89 ans, débordée par les colis
Nous avons également pu trouver ce numéro de téléphone lié à l’adresse postale indiquée par l’acheteuse potentielle. Au bout du fil, une femme presque nonagénaire explique : "J’ai reçu plus d’une dizaine de colis. Des chaussures, du matériel pour chevaux… Je ne sais même pas ce que c’est. Ça a duré environ deux mois. D’habitude je n’ouvre même pas mais une fois j’ai reçu une enveloppe, je ne pouvais pas savoir que c’était encore une de ces erreurs, il y avait un chèque à l’intérieur. Et je renvoie tout systématiquement."
Le témoignage de cette dame semble avéré. Elle justifie sa version : "Savez-vous quel âge j’ai ? J’ai 89 ans. Vous comprenez, je n’ai même pas internet. Beaucoup de gens m’ont embêtée, ils n’ont pas arrêté de m’appeler en me disant qu’ils m’avaient envoyé leur colis mais je n’ai rien demandé moi". Devoir se déplacer sans arrêt au bureau de poste pour retourner ces colis est ce qui l’incommode le plus, nous confie-t-elle. Mais elle affirme que la réception des colis s’est finalement interrompue mi-décembre.
Une arnaque repérée et fichée
Et pour cause, l’arnaque semble avoir duré. L’adresse mail à son origine est désormais fichée sur plusieurs sites répertoriant les arnaques. Plusieurs internautes y témoignent du même procédé employé : "La personne souhaite acheter un article suite à une annonce. Elle propose d'abord un paiement par Paypal. Après refus, elle propose d'envoyer un chèque par DHL et pour recevoir le chèque il faut payer 100 euros soi-disant pour les frais d'assurance".
Ces témoignages vont du 16 octobre au 07 novembre. Un de ces internautes confirme avoir été approché par ce même arnaqueur et affirme : "Maryse est une mamie qui reçoit des colis sans arrêt, la pauvre est harcelée au téléphone car elle n’a jamais rien acheté". Il suppose également que pour les arnaqueurs, "le but est de soutirer de l’argent, votre colis ne les intéresse pas".
Que deviennent ces colis ?
Pourtant, près de deux mois plus tard, Laurent reçoit des nouvelles de son colis. Un avis de passage est laissé chez lui par Bpost le 06 décembre. Ce document atteste que le colis a été refusé par le destinataire. Laurent se rend alors au bureau de poste de Saint-Josse pour récupérer son dû.
Quelque chose dérange Laurent : le paquet lui semble anormalement léger. Il demande alors à l’ouvrir en présence de l’employé qui le lui a remis. En l’ouvrant, il constate que l’iPhone ne s’y trouve pas. Le colis a été refusé par le destinataire, comme l’attestent les étiquettes laissées sur le paquet et ce que confirme la version de l’octogénaire domiciliée à l’adresse d’envoi, que nous avons contactée. Pourtant, le contenu a bel et bien disparu.
Plainte pour vol
Laurent se rend de nouveau au commissariat afin de déposer une plainte pour vol. II suspecte alors un employé de Bpost d’avoir dérobé son GSM. Rien ne peut le prouver.
Contacté par nos soins, le porte-parole du service postal affirme qu’il est tout à fait possible d’ouvrir un colis, de garder son contenu avant de le refuser et de le retourner à son expéditeur. "Il y a bon nombre de renvois de vêtements après avoir essayé le vêtement à domicile, cite même en exemple Bpost. Tout dépend de ce que les deux parties concernées dans cette vente ont convenu entre eux".
Le service postal précise que "des mesures sévères" sont prises "dans les centres de tri et les bureaux de poste pour prévenir des vols". Ces mesures ne peuvent pas être dévoilées par mesure de sécurité, nous indique le porte-parole.
Une pratique inédite
Nous avons exposé cette affaire à Olivier Bogaert, commissaire au sein de la computer crime unit de la police fédérale. Selon lui, un tel procédé consistant à usurper l’identité d’une personne et faire envoyer des colis à son domicile n’a jamais véritablement été rencontré. L’arnaqueur pourrait avoir repéré la vulnérabilité de la vieille dame en question afin de profiter de son absence sur internet, suggère le commissaire.
Toutefois, le malfrat pourrait n’avoir aucun intérêt pour les colis selon Olivier Bogaert, comme l’affirme également un internaute. Les arnaques sur internet ont plus souvent comme objectif de soutirer de l’argent aux victimes.
La méthode du compte PayPal et des cartes Neosurf est très connues. Il est fréquent que les auteurs des arnaques mentionnent des prétendus frais supplémentaires pour l’envoi de colis. L’adresse de la vieille dame originaire du sud de la France servirait ici à convaincre la victime de l’authenticité de la personne qui la contacte. Le malfrat pourrait désormais utiliser une autre identité, ce qui expliquerait que la véritable "Maryse" ne reçoit plus de colis. Mais la question de la disparition de l’iPhone de Laurent demeure sans réponse. Selon lui, le policier qui l'a reçu lui a même conseiller "de ne pas atteindre grand chose de cette plainte".
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