Cette Waremmienne de 54 ans souhaitait faire corriger sa silhouette, notamment les séquelles d'une opération de chirurgie de l'obésité. Elle a frôlé la mort suite à une opération de chirurgie réparatrice. Sa réanimation a eu de graves conséquences.
Véronique et son mari Didier traversent une épreuve aussi difficile qu'inattendue. Alors que Véronique était censée rester hospitalisée deux jours pour une intervention de chirurgie esthétique, elle poursuit encore aujourd'hui un vrai parcours du combattant suite aux graves complications de l'opération. Affaiblie, c'est essentiellement son mari, Didier, qui nous a raconté le "cauchemar éveillé" qu'ils ont vécu pendant presque une année entière.
Véronique s’est adressée au CHU de Liège pour minimiser les risques
Il y a 10 ans, Véronique a perdu 45 kilos suite à plusieurs opérations de chirurgie de l'obésité (un anneau gastrique converti en by-pass gastrique). Une telle perte de poids laisse des séquelles : un surplus de peau et, parfois, la persistance d’amas graisseux localisé. Pour les corriger, hôpitaux et cliniques proposent de la "chirurgie réparatrice". Véronique a pris connaissance de cette possibilité sur internet et a passé du temps à se documenter. Elle a décidé de subir une abdominoplastie et, dans le même temps, une opération de réduction mammaire.
Véronique s'est tournée vers le CHU de Liège parce qu'il s'agit d'un hôpital universitaire qui a bonne réputation, explique Didier. Avant l'opération, elle a eu 3 rendez-vous avec le chirurgien. "À son entrée elle a juste reçu un papier de l’hôpital disant que toute opération pouvait comporter des risques", raconte-t-il.
Nous avons interrogé Albert de Mey, professeur émérite en chirurgie plastique. S'il n'a pas opéré Véronique et ne connait pas ce cas particulier dans tous ses détails, il a accepté de nous éclairer sur ce type d'opérations qu'il connait bien. Pour commencer, le spécialiste valide le choix de l'hôpital pour ce type d'intervention. "Les interventions importantes, telle que celle subie par cette patiente, sont susceptibles de complications pendant ou après l’intervention et dès lors une hospitalisation doit être à disposition. Avant d’intervenir, le rôle du chirurgien est d’informer le patients des risques encourus et de prendre toutes les dispositions pour les éviter", explique-t-il. "Ce que j’ai toujours enseigné à mes étudiants, c'est qu'il faut informer les patients des complications les plus fréquentes", poursuit-il. Quelles sont les complications les plus fréquentes d'une plastie abdominale ? Le saignement, l'infection et les nécroses de la peau, indique le spécialiste.
Elle fait un malaise inexpliqué le lendemain de l’opération, puis un arrêt cardiaque
En prévision de son opération, Véronique qui travaille dans les ressources humaines à la caserne de Saffraanberg à Saint-Trond, a pris un mois de congé en février 2019. Tout s’est déroulé comme prévu… jusqu’à au lendemain de l’intervention. "À un moment donné, je lui parlais, puis je n'ai pas eu de réponse, raconte Didier. J'ai vu que ses yeux se révulsaient, étaient tout blancs et sa tête partait en arrière. J'ai crié au secours. Un groupe d'infirmiers est arrivé. Alors on m'a dit 'On embarque madame'".
Le couple ne connait pas la cause de ce premier malaise.
Véronique a subi plusieurs examens. Mais lors de la scintigraphie, elle a été victime d’un arrêt cardiaque. Ses reins se sont mis à l’arrêt. "Tout ça s’est lié. Si le cœur arrête de fonctionner, le sang ne circule plus. Donc, pour tous les organes, on risque la nécrose. Cependant, certains organes comme le cerveau ou dans le cas présent, les reins, sont particulièrement sensibles, entraînant ce qu’on appelle un blocage rénal", explique le professeur Albert de Mey.
"Comme ils l'ont sauvé en faisant le massage cardiaque, ils ont tout explosé"
Choc électrique, massage cardiaque… Véronique a pu être réanimée. Didier a retrouvé sa femme aux soins intensifs, "les yeux tout rouges, plein de piqures, plein d'instruments autour d'elle, les reins qui ne fonctionnaient pas et dans le coma", décrit-il. En effet, Véronique avait été plongée dans un coma préventif.
Si la réanimation a permis de sauver la vie de Véronique, elle a annihilé tous les bénéfices esthétiques de l’opération, les points de suture n’ayant pas résisté aux secousses. "Ils avaient reconstitué le nombril original. Ils l'avaient remis correctement pour que ce soit bien aligné, etc. Mais comme ils l'ont sauvé en faisant le massage cardiaque, ils ont tout explosé", raconte Didier. "Tout ce qui devait être esthétique ne l'est vraiment pas", constate-t-il.
Véronique est sortie du coma dix jours après. "Ça me faisait très drôle. Il m’a fallu le temps de réaliser que j’étais à la clinique", confie Véronique. Encore dans les limbes, elle a prononcé quelques mots indistincts à ses sœurs, Didier et sa fille qui étaient présents. Véronique a mis du temps à comprendre que quelque chose de grave s’était passé.
3 mois à l’hôpital et un enchaînement de complications sans fin
Véronique est restée aux soins intensifs pendant 15 jours. Un séjour marqué par des complications multiples : "un choc hémorragique sur ulcération gastrique nécessitant une gastrectomie partielle en urgence", peut-on lire dans un rapport du chirurgien. Elle est ensuite passée dans le service "middle care" pendant deux semaines, avant de rejoindre le service de chirurgie dirigé par le docteur qui l’a opérée.
Pour ne rien arranger, la plaie opératoire de Véronique s’est infectée. Un pansement aspiratif, appelé VAC, lui a été posé pour désinfecter et faciliter la cicatrisation. Il a fallu changer ce pansement chaque semaine. Une opération délicate nécessitant une anesthésie générale à chaque fois. La plaie ne cicatrisant pas correctement, une greffe de peau a été faite à partir de la cuisse sur le bas ventre.
En tout, 14 interventions sous anesthésie générale ont été nécessaires. Ses reins ne fonctionnant pas pendant un mois, une dizaine de séances de dialyse ont été nécessaires pour filtrer son sang. "C'est dramatique. Cette dame a fait toute la cascade de complications qu'on n'a jamais chez la même personne […] Je n'ai jamais rencontré ça", confie Jean-Luc NIZET, chef du service de chirurgie plastique et maxillo-faciale au CHU de Liège.
Un trou béant à la place du nombril
Après 79 jours d’hospitalisation au CHU, Véronique a pu regagner son domicile. Sans être tirée d’affaire pour autant. Elle devait désormais se déplacer en fauteuil roulant. Son incapacité à marcher reste à ce jour inexpliquée, mais est sans doute liée à la position couchée qu’elle a maintenue plusieurs mois.
Véronique a dû être soignée par une infirmière à domicile pendant deux mois parce qu’elle avait "un trou béant à la place du nombril", raconte son mari. Elle ne pesait plus que 51 kilos, contre 85 avant l’opération. Ne s’alimentant presque plus, elle "maigrissait à vue d’œil", poursuit Didier qui s’en inquiétait, à raison : un ulcère gastrique lui a été diagnostiqué à l’hôpital de Waremme, où elle a dû rester dix jours. Ensuite, elle a passé 1 mois dans un centre de revalidation à Nivezé, à Spa.
J’ai fait toutes les complications possibles et imaginables
Une erreur lors de l’intervention chirurgicale ?
"J’ai fait toutes les complications possibles et imaginables", constate Véronique qui semble avoir traversé ces épreuves avec un certain calme. Mais, entre le coma et les multiples anesthésies, elle n’avait plus les idées très claires. "Comme si j’avais été droguée", dit-elle. Malgré l’échec de l’opération, elle ne garde pas de rancœur contre le chirurgien qui l’a opérée. "L’esthétique, il n’y a rien d’esthétique... mais je suis toujours là", résume-t-elle.
Le couple soupçonne qu’une erreur ait été commise lors de l’opération. "En mon âme et conscience, je pense qu'il s'est passé quelque chose", confie Didier, qui ne compte pas poursuivre l’hôpital en justice pour autant. "Je n’ai pas les moyens financiers donc je ne le saurai jamais", dit-il.
Pour le professeur Albert de Mey, le problème n’est pas lié directement au geste chirurgical de la plastie abdominale ou la réduction mammaire, mais à l’arrêt cardiaque. En effet, "lors d’une intervention de longue durée, telle que celle subie par cette patiente, la surveillance et la gestion de l’anesthésie est primordiale. Il faut gérer, la tension artérielle, la perte de sang éventuelle mais aussi la réaction aux drogues d’anesthésie qui peut être très différente d’un patient à l’autre", explique-t-il.
Son mari veut remettre en question le bien-fondé de telles chirurgies
Didier met en garde quant aux risques de ce type d’opération : "Il y a plein de femmes qui disent qu'elles sont trop rondes, trop ceci… Il ne faut pas qu'elles fassent la chirurgie réparatrice". Le professeur Albert de Mey affirme pour sa part qu’il s’agit d’"un cas isolé" dont on ne peut tirer de conclusions aussi drastiques. "Les complications sont très rares et sont les mêmes que celles que l’on peut observer après toute interventions. Dans le public, l’acceptation d’une complication d’une chirurgie esthétique est plus difficile qu’après une chirurgie fonctionnelle. Voila pourquoi, il est primordial d’informer le patient mais aussi de prendre toutes les précautions indispensables. Les examens pré opératoires, l’infrastructure hospitalière et l’équipe de soins doivent être optimales. Cela reste de la chirurgie ! Mais dans la mesure où les interventions esthétiques sont pratiquées chez des patients en bonne santé, les risques sont théoriquement réduits. C’est un petit peu comme si vous lisiez une notice de médicaments, vous avez les indications, les contre-indications, ça arrive dans un cas sur mille, 10.000, 100.000… c’est un peu la même chose pour la chirurgie."
"Il n'y a pas de petites chirurgies, ajoute le docteur Jean-Luc Nizet. Il y a toujours des complications potentielles. Il faut essayer de le faire dans des endroits le plus sécurisés possibles mais, apparemment, même dans un hôpital universitaire, on peut avoir des soucis."
Une facture de 80.000 euros dont le remboursement a fait l’objet de discussion
Outre les problèmes de santé de sa femme, Didier a dû faire face à des factures colossales. L’hospitalisation prolongée au CHU de Liège a coûté 80.000 euros. Et le remboursement par son assurance, la DKV, n’allait pas de soi : "On nous a dit ‘l'assurance ne va pas pouvoir rembourser’. Imaginez-vous mon désarroi, j’allais devoir vendre ma voiture, ma maison pour payer". "Après 5 rapports médicaux du chirurgien, on a eu l'accord que DKV allait rembourser. Une épine hors du pied", confie-t-il.
Après un an de galères, le couple voit le bout du tunnel
En 2019, Didier a eu l’impression d’un enchaînement de "tuiles" sans fin et était au bord de la dépression. "Je suis obligé de prendre des médicaments pour dormir, autrement je ne dors plus du tout. Tout me tracasse", confiait-il au mois de décembre. Et d'ajouter : "C'est comme si c'était un film d'horreur et j’étais acteur dedans. Moi je ne pourrais pas supporter tout ce qu'elle a supporté".
Aujourd’hui, Véronique est suivie par un gastrologue, un néphrologue, un psychologue, un orthopédiste, une diététicienne et un psychothérapeute. "Elle va un peu mieux", se réjouit Didier. Véronique a pu reprendre son activité, à temps partiel, en janvier, alors qu’elle n’avait plus travaillé depuis son opération.
Le couple sait que le pire a été évité de justesse et entend repartir du bon pied en ce début d’année. Didier se veut optimiste : "Maintenant les nouvelles vont dans un sens positif, donc là on se sent beaucoup mieux. On a jeté 2019 derrière nous à deux mains, et on espère que 2020 sera meilleur !"
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