"Je suis Bruxellois", a lancé le secrétaire d'Etat américain John Kerry arrivé vendredi dans la capitale belge endeuillée par les attentats jihadistes pour offrir la compassion et le soutien des Etats-Unis dans la lutte antiterroriste à la Belgique où l'enquête a progressé.
Après les attentats revendiqués par l'organisation Etat islamique (EI) qui ont fait au moins 31 morts et 300 blessés, la police a procédé tard jeudi à six interpellations en Belgique, au moment où la France annonçait avoir déjoué un projet d'attentat avec l'interpellation d'un Français de la mouvance jihadiste condamné en Belgique.
Mais si l'enquête belge semblait progresser, et une nouvelle importante opération antiterroriste était en cours vendredi à la mi-journée, deux suspects des attentats de mardi étaient toujours dans la nature.
Place de la Bourse à Bruxelles, des personnes apportaient des fleurs, des drapeaux, priant ou pleurant.
"Je suis Bruxellois"... "Ik ben Brussel", a lancé M. Kerry dans les langues des deux principales communautés de Belgique, le français et le néerlandais, lors d'une conférence de presse au côté du Premier ministre belge Charles Michel, témoignant sa sympathie aux victimes des attentats.
"Pour tous les être chers et ceux que l'on nous a cruellement enlevés, dont des Américains, et pour les très nombreux blessés dans ces ignobles attentats, les Etats-Unis prient et sont en deuil avec vous", a lancé M. Kerry.
Un responsable américain a précisé qu'il y avait au moins deux morts américains confirmés. Le décès de trois Néerlandais, deux Belges, un Britannique, un Français une Péruvienne, une Marocaine et un Chinois ont été confirmés par leur pays.
M. Kerry devait rencontrer, outre M. Michel, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker et Philippe, roi des Belges. "Les attentats de Bruxelles soulignent le besoin de répliquer à l'extrémisme violent et mettre fin à Daech" (acronyme arabe de l'EI), a écrit M. Kerry dans un tweet.
- Projet d'attentat avancé -
La police continuait de traquer au moins deux hommes repérés sur des images de vidéosurveillance avec les trois kamikazes qui ont semé mardi la mort à l'aéroport de Bruxelles et à la station de métro de Maelbeek, en plein quartier européen.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, six personnes ont été interpellées dans le cadre de l'enquête. Trois d'entre elles étaient "devant notre porte", a précisé un porte-parole du parquet fédéral dont les bureaux se trouvent en plein centre de Bruxelles, à côté du Palais de justice.
Selon le quotidien La Libre Belgique, ces trois personnes étaient dans une voiture en face du bâtiment du parquet fédéral.
Le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé de son côté que la France avait mis "en échec un projet d'attentat, conduit à un stade avancé", après l'interpellation jeudi soir d'un homme lié à la mouvance jihadiste qui a conduit à la découverte de fusils d'assaut et d'explosifs dans un appartement d'Argenteuil (région parisienne).
Ce Français de 34 ans, ayant résidé à Bruxelles, Reda Kriket, un ancien braqueur, avait été condamné en son absence avec Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attentats de novembre à Paris, en juillet 2015 à Bruxelles dans un procès de filière jihadiste vers la Syrie.
Le gouvernement belge a promis de faire "toute la lumière" sur ces attaques, qui auraient pu être encore pires.
Des médias belges et internationaux rapportaient ainsi vendredi que la cellule terroriste bruxelloise responsable des attentats de mardi avait prévu une attaque à l'arme de guerre dans les rues de Bruxelles, type 13 novembre à Paris, et la fabrication d'une "bombe sale" radioactive après une surveillance vidéo par deux des kamikazes, les frères El Bakraoui, d'un "expert nucléaire" belge.
L'identification des victimes avançait très lentement. Les noms de seulement quatre d'entre elles étaient connus.
Certaines dépouilles sont déchiquetées, les familles vivent parfois à des milliers de kilomètres de Bruxelles, ce qui complique les comparaisons d'ADN ou les identifications.
Facebook, où une page "Recherche Bruxelles" a été ouverte, et Twitter relayaient des centaines de messages de proches demandant désespérément des nouvelles tandis que les survivants livraient leur témoignage.
"Je me souviens d'une première explosion à la pharmacie de l'aéroport, puis j'ai dû perdre connaissance", a raconté à la chaîne ABC Sebastien Bellin, un basketteur américain professionnel qui était en partance pour les Etats-Unis, "et après je me suis dit: il faut que je tienne, il faut que je tienne".
- Lavage de cerveau -
Jeudi la polémique avait monté sur les ratés dans le suivi d'un des suspects, intercepté puis expulsé par la Turquie l'été dernier.
M. Michel a toutefois refusé la démission des ministres de l'Intérieur et de la Justice, Jan Jambon et Koen Geens, qui avaient reconnu "des erreurs".
"Il ne pourra pas y avoir d'impunité. Il ne pourra pas y avoir de zones d'ombre", a insisté M. Michel, sur la défensive après que la Turquie a regretté le manque de réaction des autorités belges après qu'elle a expulsé d'Ibrahim El Bakraoui, en liberté conditionnelle après sa condamnation pour un braquage, qui s'est fait exploser à l'aéroport.
Les noms des deux frères Khalid et Ibrahim El Bakraoui, qui se sont respectivement fait sauter dans le métro de Bruxelles et à l'aéroport, figuraient dans les fichiers antiterroristes américains, croit savoir la télévision américaine NBC.
"Comment un homme peut se faire laver le cerveau en si peu de temps ?" se demandait un ancien camarade de Najim Laachraoui, l'un des deux kamikazes de l'aéroport de Bruxelles, un jeune homme qui n'était ni "un tueur" ni "débile" et "faisait des tournois de frisbee tous les week-ends?".
Frappée dans sa capitale, l'Union européenne a une nouvelle fois été pointée du doigt pour sa lenteur à mettre en place un système efficace d'échange de données et de renseignements, à lutter contre le trafic d'armes ou introduire un registre européen de passagers aériens (PNR).
Les trois kamikazes de Bruxelles ont été directement associés aux commandos de Paris et ont sans doute accompagné dans sa cavale Salah Abdeslam.
C'est une perquisition de routine qui a permis le 15 mars de capturer ensuite Salah Abdeslam, seul survivant des commandos de l'EI qui ont fait 130 morts à Paris le 13 novembre dernier.
La Belgique a abaissé jeudi soir à 3 le niveau de la menace terroriste, soit un risque "possible et vraisemblable" d'attentats. Mais fortement endommagé, l'aéroport de Bruxelles ne rouvrira pas avant lundi.
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