Dans sa chronique Bel RTL Eco ce lundi matin, Bruno Wattenbergh est revenu sur les grèves à la SNCB. "Un sujet complexe, qui fait couler encre et salive, mais finalement assez révélateur de l’époque dans laquelle nous vivons."
Nous reparlons ce matin du préavis de grève déposé par les syndicats de la SNCB. Au-delà de l’irritation des usagers, pourquoi serait-il si détestable?
D’abord, parce que ce qui est demandé aux travailleurs des chemins de fer belges, c’est d’augmenter leur productivité. C’est-à-dire, pour les mêmes coûts, produire plus. Parce que si vous et moi travaillons en moyenne 220 jours par an, à la SNCB, le nombre de jours réellement prestés serait de 25% inférieur, pour des salaires comparables au marché.
En quoi est-ce contestable? A la limite, on pourrait se dire "tant mieux pour les travailleurs de la SNCB"?
Oui, tant mieux, si ce n’était la collectivité qui paie pour un statut que l’on peut qualifier de "royal". Les usagers ne paient qu’une partie du budget de la SNCB. Pour le reste, c’est vous et moi qui finançons les chemins de fer belges. Et c’est positif pour l’environnement et la mobilité. Mais à partir du moment où je contribue pour assurer un statut qui est extraordinairement plus favorisé que le commun des travailleurs, que ces conditions royales empêchent de faire des investissements, empêchent d’augmenter la qualité du service où la fréquence, et bien cette productivité devient le problème de chacun et chacun des citoyens peut exprimer une légitime colère.
Mais il y a quand même des métiers lourds, difficiles ou avec des enjeux de sécurité à la SNCB?
Bien sûr ! Et ces personnes-là peuvent, doivent légitimement avoir une productivité plus faible, ne travailler que 165 jours par an quand vous en travaillez 220 en moyenne. Les conducteurs de train par exemple. Pas de problème. Mais pourquoi est-ce que ces conditions royales, héritages d’un siècle passé, d’un monde qui n’existe plus pour tous les autres travailleurs ou presque, pourquoi doivent-elles continuer à exister pour tous les travailleurs de la SNCB? Si l’on devait écrire aujourd’hui un statut pour cette SNCB, jamais on ne serait aussi généreux. Imaginez qu’aujourd’hui tous les secteurs font des efforts ou presque, que l’on demande aux gens de travailler plus, d’être plus productif, de maîtriser la croissance salariale, de payer plus d’impôts… et de l’autre côté, ces efforts, induits par la crise, servent en partie à financer des privilèges d’un temps révolu.
Mais ce sont des droits acquis...
Oui effectivement. Mais par rapport à ces droits acquis, l’on peut se poser deux questions. La première c’est qu’après 5 années de lentes régressions sociales, des régressions qui s’accélèrent, après 5 années d’efforts des travailleurs, ces droits acquis sont rabotés un peu partout! Pourquoi est-ce que les travailleurs de la SNCB ne pourraient pas eux aussi contribuer à la place de prendre en otage une population qui les finance généreusement? La deuxième question, étant est-ce que cette position dure et exigeante n’est pas la voie royale pour justifier la privatisation du rail ou pour provoquer une 2ème nuit du 4 août 1789, cette fameuse nuit où les privilèges ont été abolis?
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