Ce matin, Bruno Wattenbergh, notre expert économique, évoque les premières estimations sur la croissance qui intègrent le conflit russo-ukrainien et ses conséquences …
Pour la première fois, l’on dispose en Belgique d’estimations sur notre croissance économique qui intègrent les conséquences de la guerre en Ukraine ?
La semaine passée, le gouvernement fédéral publiait des nouvelles plutôt rassurantes sur le budget de l’état. Le hic, c’est que ces nouvelles ne tenaient pas encore compte du conflit russo-ukrainien. Le budget de l’état dépend étroitement de la croissance économique, du niveau de PIB, le Produit Intérieur Brut. Et il est logique et évident que la croissance européenne - et même mondiale - va être freinée par cette guerre. Le Premier ministre a donc demandé au Bureau fédéral du Plan une première réévaluation macroéconomique. Celle-ci n’est pas encore officiellement publiée, mais elle a fuité hier soir dans le journal l’Echo.
Et quelles sont ces estimations de croissance ?
Pour cette année, le Bureau du Plan table sur une croissance qui passerait de 3 à 2,5%. Si cela se réalise, ce serait plutôt une bonne nouvelle puisque l’OCDE, l’organisation des pays les plus développés tablait la semaine passée sur une baisse de 1,4% pour l’Europe.
Qu’est-ce que peut signifier ce demi-pourcent de perte de croissance ?
D’abord et très certainement un nouveau round d’économies budgétaires. Une partie des recettes de l’état provient de la fiscalité directe et indirecte sur cette croissance économique. Si la croissance baisse à cause de la guerre, ce sont les recettes de l’Etat qui baisse. On peut compenser cette baisse soit par de nouvelles recettes, de nouvelles taxes, ce qui freinerait la reprise économique, soit par des économies. Il faut donc s’attendre ce week-end à un premier tour de table des ministres fédéraux pour ajuster le budget. Ce n’est pas exceptionnel puisque cela se fait plusieurs fois par an. Et ce contrôle budgétaire est d’autant plus important qu’à priori, la Commission européenne ne semble pas avoir l’intention, après les fortes augmentations des dettes liées au COVID, de relâcher la discipline budgétaire de ses Etats-membres.
Quelles sont les mécanismes qui vont nous faire perdre de la croissance économique ?
Nous sommes un pays qui importe beaucoup et qui exporte beaucoup. Le premier frein sera provoqué par le ralentissement de nos exportations. Vers certains pays en guerre, mais aussi de manière générale à cause du ralentissement de la croissance mondiale. Les entreprises belges devront donc produire moins pour répondre à la demande étrangère, elles auront donc besoin de moins de personnel. Selon le Bureau du Plan, 3.000 emplois pourraient être mis en parenthèse, voire disparaître.
Ensuite, le Belge va moins consommer. D’abord à cause des prix en forte hausse qui vont diminuer son pouvoir d’achat. Mais aussi parce que face aux événements et à l’incertitude ambiante, il va très certainement aussi épargner. Moins de consommation, c’est aussi moins de croissance économique. C’est le deuxième frein à notre croissance.
Alors on peut aimer ou pas la croissance, mais dans l’état actuel des choses, c’est cette croissance, autour des 2%, qui nous permet de préserver notre modèle et notre paix sociale.
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