La mort récente de Tidiane et Sofiane, tués par balles dans la cave d'un immeuble sur fond de trafic de drogue, a plongé Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) dans la stupeur. Vendredi soir, environ 350 personnes ont marché à la mémoire des deux jeunes, passant devant deux points de deal de la ville, selon une source policière.
"C'est l'occasion de sensibiliser les jeunes à sortir de cet univers du trafic qui est très lucratif pour eux", a détaillé Abdellatif Hedda, un des organisateurs, qui a assuré que la marche, composée d'une majorité de jeunes et sans les familles des victimes, se passait "dans le calme".
A l'entrée du bâtiment 2 de la cité Soubise, où les deux jeunes de 17 et 25 ans ont été abattus dans la nuit du 14 au 15 septembre, les riverains ont affiché leurs peurs quotidiennes sur les murs.
Des phrases écrites sur des tracts - "Nos jeunes se font assassiner dans notre cité", "Combien de familles détruites faudra-t-il ?" - dominent les gerbes de fleurs et les bougies qui recouvrent les taches de sang encore visibles au sol.
Tidiane et Sofiane étaient connus de la police pour trafic de stupéfiants, un mal qui "gangrène" cette ville populaire au nord de Paris, où la concurrence entre les points de vente de la drogue a dégénéré, selon les habitants du quartier, en véritable "guerre des territoires".
Tidiane, 17 ans, vivait quartier Arago. Déjà interpellé plusieurs fois par la police, il a été condamné à trois mois de prison avec sursis le 14 septembre, quelques heures à peine avant sa mort, lors d'une audience à laquelle il ne s'était pas présenté.
Le profil de Sofiane, l'autre victime, interroge davantage.
En 2019, il avait créé une association "pour que les jeunes s'intéressent à la politique et ne tombent pas dans le trafic", se souvient Cassandra De Sousa, ancienne présidente de Jeunesse Saint-Ouen (JSO) et amie proche.
C'est avec Maxime Desrues, rencontré au lycée, que Sofiane a eu l'idée de "JSO". Ensemble, ils organisaient des "ateliers de réflexion" sur les jeunes, le logement, contre le trafic. "Il était toujours très motivé pour organiser des événements, surtout depuis que la ville était passée à droite", précise-t-il.
- "Quel gâchis! " -
"C'était une figure locale du Vieux Saint-Ouen et du quartier Soubise, il était tout le temps dehors en train de discuter avec tout le monde", se souvient Jamila M'Barki, une voisine qui le connaissait de longue date.
Tous rejettent l'idée que Sofiane ait été un "dealer". "Être une figure du trafic local, c'est un boulot à plein temps. Or je ne vois pas un dealer s'embêter à coller des affiches de campagne", assure de son côté Mélanie Mermoz, une autre militante associative.
"Il pouvait connaître des gens peu fréquentables, oui, mais c'est normal quand tu as grandi dans un quartier comme Soubise, tu les vois tous les jours", concèdent d'autres amis, qui déplorent les "rumeurs qui le tuent une deuxième fois".
Certains faits écornent pourtant l'image du jeune homme souriant et "très engagé": Sofiane était sous contrôle judiciaire depuis une mise en examen pour tentative d'homicide volontaire en 2017.
Pour l'ancienne maire PCF de Saint-Ouen, Jacqueline Rouillon, "personne ne s'attendait à cette mort pour Sofiane, quel gâchis !". "Il essayait de tout faire pour vivre autre chose que du trafic, il était ambitieux et voulait faire des études", assure celle auprès de qui ce grand échalas s'était engagé lors des municipales en 2014 et 2020.
Proche de la gauche locale, il a également milité aux côtés de LFI lors des élections législatives et européennes, où il a rencontré Eric Coquerel. "Je savais que Sofiane avait eu des soucis avec la justice, mais pour moi tout ça c'était du passé, lié justement à un contexte pas simple pour les jeunes de quartiers", résume le député La France Insoumise.
Sofiane avait-il réellement raccroché ? Depuis la fusillade, les investigations se poursuivent pour retrouver le ou les tireurs et éclaircir les faits, selon une source proche de l'enquête. Treize personnes ont déjà été placées en garde à vue, toutes relâchées.
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