Alain Mathot (49 ans) a comparu lundi devant la 4e chambre bis de la cour d'appel de Liège, où il répond notamment de faits de faux, de corruption passive et de blanchiment. L'ancien député-bourgmestre de Seraing, acquitté en première instance, a de nouveau contesté les faits et évoqué une instruction réalisée contre lui exclusivement à charge.
Alain Mathot avait répondu devant le tribunal correctionnel de Liège de faits de corruption passive, de faux, de blanchiment, d'abus de biens sociaux et d'infractions aux enchères publiques.
L'ex-député-bourgmestre de Seraing était suspecté d'avoir commis ces faits dans le cadre de la construction de l'incinérateur de déchets Uvelia à Herstal.
À l'analyse approfondie du dossier, le tribunal n'avait relevé aucun élément permettant de retenir que l'ex-député-bourgmestre de Seraing aurait reçu des fonds de Philippe Leroy, son principal accusateur.
Alain Mathot avait, par contre, été reconnu coupable d'une fraude fiscale dans le cadre du non-paiement de 4.800 euros de TVA pour des travaux de rénovation de sa maison. Il avait bénéficié d'une suspension du prononcé pour une durée de trois ans.
Alain Mathot se défend
Interrogé par la présidente de la 4e chambre bis, Alain Mathot s'est présenté comme un indépendant, en instance de divorce, actif dans le secteur de l'immobilier. Il a répété devant la cour qu'il est innocent des faits de corruption qui lui sont reprochés. Il a soutenu avoir été ciblé, parce qu'il était politicien et député, par une instruction menée exclusivement à charge.
"Cela fait 15 ans, soit un tiers de ma vie, que je supporte l'opprobre. Personne n'imagine ce que cela fait de porter cette culpabilité qu'on m'attribue. Je suis sidéré par la manière dont l'enquête a été réalisée et par la façon dont j'ai été trainé dans la boue. Les fuites orchestrées dans la presse ont toujours eu lieu à des moments précis et toujours à charge. Durant ma jeunesse, j'ai supporté les accusations contre mon père. Puis, je suis rentré en politique et je suis devenu député en 2003. Un jour, mon monde s'est écroulé parce qu'on a raconté cette histoire dingue. On m'en a estimé capable, parce que je porte le nom de Mathot", a exposé Alain Mathot.
Alain Mathot conteste l'existence d'une dette familiale d'un million d'euros qui aurait été remboursée par l'argent de la corruption. Il se dit sidéré des différentes thèses élaborées contre lui, variables selon le panachage du ministère public ou selon les déclarations de son accusateur. Il conteste avoir rencontré à Paris Philippe Leroy, le patron d'Innova, pour toucher l'argent de la corruption. "Je suis tellement sidéré par la manière dont l'enquête a été réalisée et par la façon dont j'ai été trainé dans la boue. Il est aberrant de voir que Philippe Leroy se trompe quand il tente d'être précis. Rien ne tient dans ses accusations. A mon sens, il a mis les mains dans le pot de confiture. Menacé de prison par le juge d'instruction, il a donné le nom "Mathot", car c'était sa carte "sortie de prison". Par un document écrit, sa société a couvert l'ensemble de ses frais de justice et de condamnation. Il a protégé son patrimoine privé. Sa seule obligation, c'était de ne pas révéler avoir personnellement empoché de l'argent", a soutenu Alain Mathot.
Intradel a perdu près de 9 millions
Les parties civiles, Intradel et Innova, ont déjà plaidé. L'intercommunale Intradel évoque un préjudice global de 8.901.384 euros, dont seuls 265.600 euros ont été récupérés à ce jour.
Un total de 72 communes forme l'intercommunale Intradel. Son avocat, Me Eric Lemmens, a rappelé lors de sa plaidoirie que c'est en août 2005 qu'un appel d'offre par marché public avait été lancé pour la construction d'une nouvelle usine de valorisation des déchets. Le marché, évalué à 170 millions d'euros au départ, avait finalement représenté un coût de 194 millions d'euros. C'est en 2007 que des faits de corruption avaient été dénoncés de manière anonyme. "Tout le produit de ce système d'escroquerie, de corruption et de trafic d'influence a été pris à charge d'Intradel. L'intercommunale a surpayé son usine, car le coût de l'escroquerie a été inclus dans le prix final", a exposé Me Lemmens.
À ce stade de la procédure, l'avocat réclame un euro provisionnel. Mais le préjudice d'Intradel se situerait à 8.901.384 euros, plus les intérêts. "À ce jour, Intradel a récupéré 265.600 euros, dont 170.000 euros qui avaient été saisis durant la procédure. Le préjudice est colossal mais le système est cadenassé et la récupération des fonds à l'étranger est difficile. Ce système a surtout été extrêmement préjudiciable au fond public", a plaidé l'avocat.
Condamnée par la cour d'appel pour corruption, la société Innova se présente néanmoins comme partie civile. Pour une prévention d'abus de biens sociaux à laquelle elle n'est pas liée, elle réclame un dommage de 36.200 euros. Mais elle fait aussi intervention volontaire, car, selon son avocate, la condamnation d'Alain Mathot pourrait avoir un impact à la baisse sur le montant de la confiscation qui avait été prononcée contre elle. Une position qui est qualifiée de "tour de prestidigitation" par l'avocat d'Intradel.
La journée de mardi sera consacrée au réquisitoire de l'avocat général Véronique Truillet.
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