Confirmation de relaxe ou condamnation? La cour d'appel de Paris rendra son arrêt le 29 mars dans le procès de Jawad Bendaoud, jugé pour avoir logé deux jihadistes des attentats du 13 novembre 2015, un procès qui s'est achevé vendredi en rimes et avec un terrible lapsus.
Comme toujours dans les procès, les derniers mots ont été laissés aux prévenus. "Je voudrais m'excuser de mon attitude pendant ce procès", lance Jawad Bendaoud. Le président, qui a dû gérer depuis le 21 novembre les crises de colère et les cris du prévenu, lui répond aussitôt: "Je trouve votre attitude inexcusable". "Inexcusable mais je suis innocent!", rétorque Bendaoud.
Et de s'adresser aux victimes qui se sont constituées partie civile: "Vous dites tous que vous voulez la vérité. Je vous l'ai donnée". Après avoir crié son innocence pendant des semaines d'audience, il termine avec un terrible lapsus: "Si vous me condamnez, vous condamnez un coupable!". Des rires à peine étouffés s'élèvent de la partie civile. Enième anecdote dans ce procès qui, tant en première instance qu'en appel, ne s'est jamais déroulé dans la sérénité.
Juste avant Jawad Bendaoud, l'autre prévenu, Youssef Aït Boulahcen, jugé pour "non-dénonciation de crime terroriste", avait récité un long texte en rimes, devant des magistrats et des avocats ébahis.
"Vous tenez tant à ce que je paye l'addition. (...) Il y a eu beaucoup trop de mépris face à nos explications. (...) Je sollicite auprès de vous ma relaxation (relaxe, ndlr) et vous demande pardon pour mon comportement qui n'était pas une provocation".
L'avocate générale a requis cinq ans de prison
Les avocats de la défense ont plaidé la relaxe pour les deux prévenus. Jeudi, l'avocate générale a requis cinq ans de prison avec mandat de dépôt contre chacun.
Jawad Bendaoud, qui a été relaxé en première instance, encourt six ans de prison pour avoir mis à disposition d'Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats, et de son complice Chakib Akrouh, un squat où ils s'étaient repliés, à Saint-Denis. C'est là qu'ils sont morts dans l'assaut des policiers du Raid, le 18 novembre.
Son avocat, Xavier Nogueras, a démarré sa plaidoirie avec son "intime conviction": "Nous n'avons pas la preuve qui permet de répondre à la question: est-ce que Jawad Bendaoud savait" que ses locataires étaient des jihadistes? En première instance, les magistrats ont rendu une décision "honnête", selon Me Nogueras.
Aurait-il logé des terroristes pour seulement 150 euros? interroge l'avocat. "Non, s'il s'était rendu compte qu'il avait en face de lui quelqu'un qui aurait pu lui rapporter gros, il aurait demandé bien plus". La veille, l'avocate générale a estimé au contraire qu'il s'agissait d'un "prix d'ami".
Jawad Bendaoud, un délinquant multi-récidiviste de 32 ans, "se tire souvent des balles dans le pied. Il se défend avec des contre-arguments qui sont délictuels", mais pour l'avocat, il est bien "innocent".
"Il a été incarcéré comme un terroriste. (...) L'isolement l'a broyé"
Me Nogueras a présenté ses excuses pour le comportement de son client. "Il a été incarcéré comme un terroriste. (...) L'isolement l'a broyé. Et d'un coup, dehors (après sa relaxe, ndlr), il a été livré à lui-même". "Il a besoin de soins".
Youssef Aït Boulahcen, le cousin d'Abdelhamid Abaaoud, avait été condamné en première instance à quatre ans de prison, dont un an avec sursis. Selon l'avocate générale, cet homme a "une adhésion totale aux thèses jihadistes".
Pour son avocat, Florian Lastelle, "il n'a jamais caché que son ordinateur cachait des textes salafistes. Mais c'était uniquement personnel, il ne les a jamais diffusés". Et il est impossible qu'il ait su que son cousin organisait de nouveaux attentats: "aucun élément extérieur n'a pu l'amener à croire qu'Abaaoud était en France".
Youssef Aït Boulahcen, un ambulancier de 26 ans à l'allure soignée, encourt cinq ans de prison.
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