Une Parisienne qui avait aperçu le tireur au Musée juif de Belgique le 24 mai 2014 a indiqué, lundi après-midi devant la cour d'assises de Bruxelles, que Mehdi Nemmouche correspondait au tireur.
Un couple de Parisiens qui avaient aperçu le tireur au Musée juif de Belgique sont venus témoigner devant la cour lundi. "Le tireur ressemblait-il à l'un des accusés?", s'est adressée la présidente de la cour à la femme. "Oui", a répondu celle-ci. Afin d'évacuer tout doute quant à la personne qu'elle désignait dans le box des accusés, le procureur Yves Moreau a précisé la question: "Celui qui se trouve entre les deux hommes cagoulés (soit Mehdi Nemmouche, NDLR) ou celui entre les deux policiers (Nacer Bendrer, NDLR)?". "Celui entre les deux hommes cagoulés", a affirmé d'une voix tremblante la jeune femme.
Son compagnon, lui, a indiqué ne pas pouvoir reconnaître l'individu qu'il avait aperçu. "On se rendait au festival de jazz en descendant la rue du musée. On a entendu un grand bruit puis on s'est avancé et j'ai vu, dans l'entrée du musée, un homme accroupi avec une arme", a déclaré le témoin devant la cour, précisant qu'elle et son compagnon marchaient sur le trottoir d'en face par rapport à l'entrée du Musée juif de Belgique, rue des Minimes à Bruxelles. "Il avait une casquette et des lunettes de soleil. Il m'a regardée et il a encore tiré. Il était très calme", a-t-elle poursuivi, visiblement ébranlée. "Je n'ai pas compris tout de suite ce qu'il se passait mais son calme m'a rassurée. Il était tellement calme que je me suis dit que ce n'était rien de grave". "C'était un homme à la peau et aux cheveux bruns, rasé de près", a-t-elle ajouté.
Lors de son audition à la police, elle avait déclaré qu'il s'agissait d'un homme de type européen, au menton carré, avec une casquette et des lunettes à monture fine au niveau du nez, style Ray-Ban ou aviateur. La présidente a fait montrer à la témoin les lunettes "Springfield" retrouvées dans les affaires de Mehdi Nemmouche. Cette dernière a indiqué que ces lunettes ressemblaient à celles portées par le tueur du Musée juif.
Les deux témoins ont encore affirmé que l'homme qu'ils ont vu était habillé avec des vêtements foncés, "comme un policier ou un vigile". Au moment où la jeune femme est invitée à confirmer son témoignage avant de pouvoir disposer, cette dernière s'est attardée quelques secondes sur le visage de Mehdi Nemmouche. Reprenant le micro d'une main timide, elle a acquiescé. La présidente Laurence Massart a alors demandé qu'elle soit raccompagnée par une assistante d'aide aux victimes.
La question de l'absence d'ADN
L'argument de la défense de Mehdi Nemmouche selon lequel son absence d'ADN sur la poignée de la porte du local d'accueil du Musée juif constitue une preuve de son innocence a une nouvelle fois été relativisé par le témoignage de l'expert belge qui est intervenu dans le dossier.
Les victimes Emanuel Riva et Dominique Sabrier ont aussi touché cette poignée, sans y laisser d'ADN, a fait remarquer lundi matin devant la cour d'assises de Bruxelles l'avocat général Yves Moreau.
L'expert, qui devait initialement témoigner avec son homologue français, est revenu sur les analyses qu'il a menées à la demande des juges d'instruction. Il a confirmé avoir retrouvé l'ADN de Mehdi Nemmouche sur la kalachnikov utilisée au Musée juif, sur des éléments retrouvés en sa possession lors de son arrestation et sur des objets découverts dans l'appartement qu'il a occupé à Molenbeek.
La défense de Mehdi Nemmouche avait argumenté avec force, dès l'entame du procès, que l'absence d'ADN de l'accusé sur la poignée de la porte du musée, alors que le tueur l'a touchée à plusieurs reprises, était une preuve de son innocence. Comme son confrère français l'avait déjà expliqué à la cour, l'expert a souligné qu'on ne laissait pas forcément son ADN sur quelque chose que l'on touche. Il a en outre précisé que si l'ADN de Mehdi Nemmouche n'avait pas pu être formellement identifié, les analyses montraient qu'il était "cent fois plus probable" que l'accusé ait touché la porte plutôt que le contraire.
"L'absence d'ADN n'est pas une preuve négative"
L'avocat général s'est emparé de ce témoignage et a demandé à revisionner des images de vidéo-surveillance sur lesquelles on voit successivement Dominique Sabrier, Emanuel Riva et le tueur toucher la poignée. Les victimes n'y ont pas laissé de trace alors qu'elles semblent mettre davantage d'intensité dans leur geste, a relevé Yves Moreau, qui s'en est ainsi pris aux conclusions présentées à ce sujet dans l'acte de défense. Son interprétation a été confirmée par l'expert, qui a donc invalidé l'argumentaire des avocats de Mehdi Nemmouche sur ce point.
Me Courtoy a tenté de redresser la barre, en se penchant principalement sur l'absence d'ADN de son client sur le revolver. Il a relevé que le tueur avait tiré à cinq ou six reprises avec cette arme, dont la détente est en métal comme celle de la kalachnikov. "Est-ce possible, lors d'une même scène de 60 secondes, de laisser une trace à un endroit et pas à un autre?", a interrogé l'avocat. "Oui, c'est possible", a répondu l'expert.
Les analyses faites en France n'ont pas conclu à une absence d'ADN sur la détente du revolver, elles ont montré qu'il n'y avait pas d'ADN "exploitable", c'est-à-dire que la quantité ou la qualité des traces n'étaient pas suffisantes, a-t-il précisé. Une conclusion qui ne permet donc pas de facto d'écarter Mehdi Nemmouche. "L'absence d'ADN n'est pas une preuve négative", a résumé l'expert.
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