Une étudiante liégeoise a porté plainte suite à une agression sexuelle qu'elle aurait subi durant une fête estudiantine. Au cours de leur enquête, nos journalistes Vincent Jamoulle et David Muller ont pu se procurer un rapport qui révèle les chiffres inquiétants sur les agressions sexuelles dont sont victimes les étudiants francophones. Un étudiant sur cinq a déjà été touché par une tentative de viol. Souvent, les victimes sont des jeunes femmes, agressées principalement lors de beuveries.
Une fête estudiantine a tourné au cauchemar pour une étudiante liégeoise. Dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 novembre, elle a participé à une guindaille organisée dans un hangar situé à l'extérieur de la Cité ardente, un lieu bien connu des étudiants de la région.
Durant l'événement, la jeune fille a été victime d'un viol digital, c'est-à-dire perpétré avec le doigt. "La police de Liège a été appelée par une connaissance de la victime vers 3h du matin pour dénoncer des faits de viol", a expliqué Catherine Collignon, premier substitut du procureur du roi de Liège. Le témoin qui a prévenu la police a vu le suspect agresser sexuellement son amie et est intervenu pour mettre fin aux actes.
Le suspect ne reconnaît pas les faits
"Le témoin a livré sa version des faits. La victime a été entendue également. Le suspect a été interpellé. Lui ne reconnaît pas les faits, il dit que ce n'était pas lui. Il a néanmoins été privé de liberté, déféré devant un juge d'instruction et libéré sous conditions. Il reconnaît avoir consommé une grande quantité d'alcool et a terminé son audition en disant que l'abus d'alcool a peut-être provoqué un trou de mémoire. En tout cas, il ne reconnaît pas les faits", indique Catherine Collignon.
Le suspect est inconnu de la justice et n'a jamais eu affaire aux forces de l'ordre.
L'alcool rend plus vulnérable la victime
Le contexte estudiantin et alcoolisé des faits ne constitue en aucun cas une excuse, et l'affaire est prise très au sérieux par la justice liégeoise. "Ce n'est pas du tout une excuse, et c'est la raison pour laquelle l'intéressé a été privé de liberté, il y a eu une réaction très rapide de la police et du parquet. On ne peut tolérer une atteinte à l'intégrité physique d'une personne", explique la substitut du procureur du roi.
"Ici, les faits ont été commis dans un milieu festif où l'alcool a pris une grande place. Cet alcool a pour effet de diminuer la vigilance des victimes, et il faut conscientiser l'ensemble des jeunes à ces effets pervers de l'alcool. Car il pousse aussi certains auteurs à commettre des faits qu'ils n'auraient jamais commis s'ils n'avaient pas consommé d'alcool", précise Catherine Collignon.
Beaucoup de plaintes après des soirées privées, au Carré ou des fêtes estudiantines
Si le parquet de Liège ne dispose pas de statistiques précises sur les faits qui touchent plus particulièrement les étudiants, le nombre de plaintes dans ce type de circonstances ne semble pas anodin. "Nous avons assez bien de plaintes de personnes, soit directement soit indirectement, qui se déclarent avoir été victimes de faits d'attentat à la pudeur, de tentative de viol ou de viol, à la sortie du Carré, de fêtes estudiantines ou même lors de soirées privées", explique la représentante du parquet de Liège.
Dans les cas les plus graves, les peines de prison peuvent atteindre les 15 ans d'emprisonnement.
Une enquête révèle les chiffres inquiétants des crimes sexuels chez les étudiants
Si la procédure judiciaire suit son cours, une enquête menée auprès de 800 étudiants francophones a été réalisées sur les faits de viol, de tentatives de viol ou d'attouchements sexuels. RTLinfo a pu obtenir certains résultats de cette enquête:
- Un sondé sur trois affirme avoir subi un comportement à connotation sexuelle imposé (caresse, baiser, etc.).
- Un sondé sur cinq dit avoir subi une tentative de viol.
- Environ 7% des répondants disent avoir subi un attouchement sexuel ou un viol.
- Dans 85% des cas d'attouchement ou de viol, la victime connaissait son agresseur.
- Un étudiant sondé sur quatre admet avoir été l'auteur d'un comportement sexuel non consenti.
Le passage de l'adolescente à l'âge adulte
Nous avons rencontré Serge Garcet, professeur de victimologie à l'Université de Liège, pour tenter de comprendre ce phénomène inquiétant. "C’est quelque chose qui existe et dont on ne parle malheureusement que trop peu parce que les victimes, en général, gardent ça pour elle et ne portent pas plainte. Maintenant, ce qu’il faut peut-être prendre le temps de faire, c’est remettre cette question de l’agression sexuelle dans un contexte plus large que simplement le contexte d’un campus universitaire ou d’une haute école. Et d’envisager le phénomène d’agression sexuelle dans le cadre de cette période de la fin de l’adolescence et du début de l’âge adulte. Là, on constate effectivement que les chiffres sont parfois un peu inquiétants", explique l'expert.
Les garçons sont naturellement plus enclins à considérer comme moins grave d’agresser sexuellement une fille
Selon Serge Garcet, jeunes hommes et jeunes filles n'abordent pas la sexualité est les crimes sexuels de la même façon. "Les garçons étant naturellement plus enclins à considérer comme moins grave le fait d’agresser sexuellement une fille. Néanmoins, on constate également, par exemple, que le fait d’avoir été victimisé ne va pas modifier la perception que l’on a de cette tolérance et elle reste également fort importante chez les filles puisqu’on observe qu’environ 17% d’entre elles vont considérer qu’il est compréhensible qu’un garçon agresse sexuellement une fille si celle-ci a accepté des avances ou s’il s’agit de son ancien petit-ami, par exemple", précise le spécialiste.
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