A-t-il trop parlé ou s'est-il mal exprimé ? Le ministre de la Justice s'est défendu à la Chambre. Koen Geens qui a semé le trouble en laissant entendre que Salah Abdeslam aurait pu s'enfuir parce que les policiers ne sont pas autorisés à perquisitionner la nuit. L'opposition qui l'attendait au tournant reste sur sa faim.
Le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) a nié jeudi à la Chambre avoir déclaré que le suspect recherché pour terrorisme Salah Abdeslam avait pu échapper à la police à cause de l'interdiction d'effectuer des perquisitions la nuit. Le ministre a également affirmé n'avoir jamais déclaré qu'Abdeslam était présent à Molenbeek le 16 novembre, mais qu'il avait seulement fait allusion à une possible présence du suspect, ce que les services de sécurité devaient prendre en compte. Le ministre Geens a essuyé de vives critiques jeudi à la Chambre à la suite de propos tenus dans l'émission "Faroek" diffusée mercredi soir sur VTM, au sujet d'une perquisition effectuée à Molenbeek le lundi 16 novembre. La discussion a tourné autour du fait de savoir si Salah Abdeslam, principal suspect recherché dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 13 novembre à Paris, se trouvait bien à Bruxelles la veille de la perquisition et s'il avait pu échapper à la police en raison de l'interdiction légale de perquisitionner la nuit.
"Je n'ai jamais déclaré qu'Abdeslam avait échappé de peu à une arrestation"
Koen Geens a expliqué que les forces de sécurité ont investi la propriété située rue Delaunoy à Molenbeek le lundi à 10h00 du matin, mais que des préparatifs étaient en cours plusieurs heures auparavant. "Selon le parquet fédéral, l'heure du début de la perquisition a été choisi pour des raisons opérationnelles et d'opportunité. La perquisition dans cette habitation de Molenbeek, qui visait à déterminer si Salah Abdeslam s'y trouvait, s'est révélée négative." "Je n'ai jamais déclaré qu'Abdeslam était effectivement présent le 16 novembre à Molenbeek", s'est défendu le ministre. "Mais comme le parquet fédéral hier et mon collègue Jan Jambon dans la foulée, je faisais uniquement allusion à une éventuelle présence, ce que les services ont dû prendre en compte, comme en témoigne l'important déploiement de forces de sécurité sur place." "Pour être clair: je n'ai jamais déclaré qu'Abdeslam avait échappé de peu à une arrestation à cause du fait qu'il est interdit d'effectuer des perquisitions la nuit", a ajouté le ministre. "Mais nos services auraient pu mieux travailler s'ils avaient pu travailler entre 21h00 et 05h00. C'est la conclusion que je tire de Verviers, Paris et Bruxelles."
"On ne sait plus vraiment où est la réalité"
A ses yeux, la période légale durant laquelle les perquisitions sont autorisées constituent une obstruction dans certaines situations d'urgence, notamment en matière de terrorisme. "Dans certaines circonstances, la possibilité d'agir la nuit, en plus du facteur temps et tactique, permet d'agir avec une plus grande sécurité, tant pour la police que pour le voisinage ou les passants", a déclaré M. Geens. Le gouvernement a dès lors décidé de permettre les perquisitions de nuit dans les dossiers liés au terrorisme, a--t-il rappelé. Du côté de la majorité, Carina Van Cauter (Open Vld) a estimé que le secret de l'enquête s'applique si la police et le parquet sont sur une piste. "Une chose est claire dans une enquête en cours: le silence est d'or", a-t-elle indiqué. Denis Ducarme (MR) a pour sa part dénoncé "un emballement médiatique avec de multiples contradictions." "On ne sait plus vraiment où est la réalité", a-t-il dit, en insistant sur "l'exigence de transparence".
"Vous ne comprenez pas vos propres propos"
Les partis d'opposition ne se sont pas montrés convaincus par les propos de M. Geens. "Vous ne luttez pas contre le terrorisme pour rechercher le buzz médiatique. La lutte contre la terreur n'a pas besoin de show médiatique", a lancé Özlem Özen (PS). "On fait passer nos services pour des amateurs à cause de ministres qui font les "guignols" dans les médias." Son collègue Gilles Vanden Burre (Ecolo) a souligné que l'opposition avait toujours compris et respecté le fait qu'il est impossible de tout communiquer sur une enquête en cours. "Mais, en une interview, vous brisez le silence. Cessez cet amateurisme dans la communication", a-t-il exhorté. Hans Bonte (sp.a) a pour sa part voulu savoir s'il était vrai que le "suspect numéro un en Europe" a pu échapper aux services de police en se cachant dans une armoire. "Vous ne pouvez pas répondre parce qu'il ne s'est pas passé ce qu'il devait se passer. Chaque bourgmestre sait que, lorsqu'il existe un danger, on établit un périmètre de sécurité. Qui est responsable de cette bévue élémentaire? ", s'est-il interrogé. La députée cdH Vanessa Matz a indiqué pour sa part que "cet événement n'est pas à prendre à la légère". "Vous ne comprenez pas vos propres propos", a ironisé Olivier Maingain (Défi), parlant de "fiasco".
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