Les deux informateurs nommés par le roi (le libéral francophone Didier Reynders et le socialiste néerlandophone Johan Vande Lanotte, ndlr) ont débuté leur travail de consultation. Des discussions qui se déroulent dans la plus grande discrétion. Comment se passent ces négociations, côté coulisses? Pour le savoir, nos reporters Arnaud Gabriel et Michael Harvie ont rencontré Louis Michel, lui qui a été informateur en 1999.
Le 15 juin 1999, le roi Albert II nommait Louis Michel (MR) comme informateur. "J'interprète ça comme un honneur", avait alors dit le libéral aux journalistes postés devant les grilles du palais. La mission que le roi lui avait confiée était cruciale pour l'avenir de la Belgique: tenter de voir quelles étaient les formules possibles pour former un gouvernement. Louis Michel dit en avoir rapidement mesuré l'importance. "Vous ne visez plus qu'à sauver les meubles, sauver l'État, révèle l'homme politique, après 20 ans de recul. C'est une sorte de métamorphose un peu magique qui s'opère et vous prenez conscience que vous avez une énorme responsabilité [que vous portez] un peu seul".
Quels sont les premiers mots d'un informateur?
Une fois informateur, il faut rapidement se mettre au travail. Établir un agenda et faire une liste complète de toutes les personnalités politiques à rencontrer. Ce qui se dit lors de ces réunions reste souvent secret. Mais quels sont alors les premiers mots d’un informateur ? "En général, on se tutoie parce qu'on se connaît, en tout cas, lorsque les intervenants sont issus du monde politique. On dit 'Tu sais que la situation est difficile donc je demande à chacun de faire un effort, il faudra faire des concessions'. Ça, c'était l'accroche. Mais très rapidement, je disais 'Venons-en aux faits! Quel sont tes tabous?'", se souvient Louis Michel.
"Un interlocuteur m'a demandé un impôt sur la fortune, j'ai répondu 'Impossible'"
Chaque informateur a sa propre méthode pour avancer. "Je me souviens que j'avais une feuille devant moi lorsque je recevais les interlocuteurs avec une colonne de gauche et de droite, dévoile encore Louis Michel. Systématiquement, j'élaguais ce qui me paraissait impossible. Par exemple, un interlocuteur m'a demandé un impôt sur la fortune, et j'ai dit 'Ca, il faut l'oublier'".
Pendant sa mission royale, Louis Michel n’a jamais eu peur mais il a souvent douté. Aujourd’hui, difficile de ne pas se mettre à la place des deux informateurs choisis par le roi. "Je fais l'exercice pour rire comme on dit. J'imagine plein de scénarios et je me demande ce que je ferais. Mais cela dit, dans une période comme celle-ci, le mieux, vraiment, c'est de se taire. C'est ce que font ceux qui ont le sens de l'État".
Didier Reynders n'a pas appelé Louis Michel pour obtenir des conseils
Il y a 20 ans, l’informateur Louis Michel boucle son travail en cinq jours. Mais la situation actuelle est incomparable. Louis Michel se montre même sceptique. "Je pense que c'était déjà compliqué à l'époque, mais je pense que la situation est beaucoup plus compliquée aujourd'hui. De par la circonstance électorale que nous venons de connaître", estime-t-il.
Ce soir, l’ancien informateur de 1999 nous affirme ne pas avoir reçu d’appel de Didier Reynders pour d’éventuels conseils. "Je ne suis pas le mieux placé, étant le père de Charles (Charles Michel, le Premier ministre en affaires courantes, ndlr), c'est un peu difficile".
Pendant sa mission, la seule personne avec qui l’informateur reste en contact permanent est le roi.
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