La décision du Palais royal de recevoir ce mercredi matin le président du Vlaams Belang en audience est "lourde de conséquences", selon l'analyse de constitutionnalistes. Mais, d'après eux, choisir l'option inverse aurait également eu une signification politique importante.
D'un côté, le roi Philippe évitera un discours de victimisation et de rejet de la part du parti d'extrême droite. Mais de l'autre, il accepte tout de même de recevoir le président d'un parti ouvertement xénophobe et homophobe, mettent en avant ces experts.
A l'issue du scrutin de dimanche, le Belang est le 2e parti au nord du pays, avec 18,5% des voix et 18 sièges à la Chambre. En 2003, le Vlaams Blok avait décroché le même nombre de sièges fédéraux - et 11,6% des voix - mais n'avait pas été invité par Albert II. La dernière rencontre officielle entre un souverain belge et un leader de l'extrême droite remonte à 1936. A l'époque, Léopold III avait invité Léon Degrelle, à la tête du parti Rex. En 1978, le roi Baudouin avait également invité Karel Dillen, président du Vlaams Blok, mais ce dernier avait décliné l'invitation en raison de l'aversion de son parti pour la monarchie.
Pour Christian Behrendt, consitutionnaliste à l'ULiège, le roi Philippe dispose d'une liberté d'action "particulièrement large" dans la période de consultation et d'information qui suit les élections, même si, formellement parlant, le gouvernement est responsable constitutionnellement des actes politiques du souverain. "Tout le monde reconnait que le roi dispose d'une de manoeuvre plus grande en période de crise. Cela ne signifie pas pour autant qu'il peut faire n'importe quoi et qu'il pose des choix seul", interprète, de son côté, Marc Verdussen, constitutionnaliste à l'UCLouvain. Selon ce dernier, "toute initiative que le Roi prend durant le déroulement de la crise est supposée être couverte par le Premier ministre en poste. Lorsque celui-ci signera l'arrêté royal stipulant la désignation de son successeur, ce geste validera d'une certaine manière tout le processus de résolution de la crise. Cela couvrira juridiquement tous les actes que le Roi a pris dans ce but."
"Mais dire aujourd'hui que la décision du Palais est couverte est illusoire", ajoute Marc Verdussen, rappelant que le gouvernement fédéral actuel est déjà démissionnaire et que cela ne pourrait donc pas mener à une sanction à la Chambre, lorsque celle-ci aura été constituée. La décision est surtout "politique et très lourde de conséquences sur le plan symbolique", analyse-t-il. "C'est la première fois depuis très longtemps que le Roi reçoit un président d'un parti homophobe, xénophobe et qui véhicule la haine."
"Le Roi faisait face à deux mauvaises options: recevoir le Vlaams Belang en audience ou non. Il n'y avait pas d'alternative", résume Christian Behrendt. Toutes deux ont une signification politique et présentent des inconvénients importants, relève-t-il. "D'un côté, cela peut mener à une consolidation du cordon sanitaire et un potentiel discours de victimisation du parti d'extrême droite et de ses 811.000 électeurs. De l'autre, le Roi tend la main à ces électeurs, dont certains sont protestataires. Tous ne sont en effet pas des extrémistes de droite. Il les inclut dans sa réflexion et met le Belang à l'épreuve." "Le Palais peut aussi donner à cet entretien un standing moins élevé que ceux des autres présidents de partis par quelques gestes", imagine le constitutionnaliste de l'ULiège. "Il peut ainsi veiller à mettre une certaine distance ou jouer sur la durée de l'audience royale", conclut-il.
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