La position ferme du cdH, qui a exclu la députée bruxelloise Mahinur Özdemir hier car elle refusait de reconnaitre le génocide arménien comme le code de déontologie du parti le prévoit, met la pression sur les autres partis. Que va décider le PS, confronté au même problème avec certains de ses élus, comme sa locomotive à Bruxelles, Emir Kir?
"Il y a une pression forte sur les autres partis, en particulière le PS et le sp.a qui comptent d’avantage d’élus d’origine turque ou kurde. Cependant, la Belgique en tant qu’Etat n’a pas encore pris une position officielle sur la question du génocide arménien. Ça pourrait être une position de repli stratégique de certains partis politiques", analysait Benoit Rihoux, professeur en science politique à l’UCL, au micro de Philippe Courteille et Gaëtan Lillon dans le RTLINFO 19H.
Botter en touche est donc actuellement possible, mais plus pour longtemps. En effet, une proposition de loi pour la reconnaissance officielle du génocide par l'Etat belge fait son chemin et arrivera bientôt à la Chambre. Un vote aura alors lieu et Emir Kir, qui est député fédéral, devra lui aussi voter. Aurélie Henneton et Patrick Lejuste ont demandé au président du PS ce qu’il déciderait en cas de vote contre cette loi par Emir Kir.
Elio Di Rupo s’est montré certain que son député suivra la ligne du parti. "Quand il y aura le vote à la Chambre, Emir Kir fera ce qu’il doit faire en fonction de la décision du groupe socialiste. C’est la décision qui a été prise. Il va suivre ce que le groupe décidera. Si le groupe socialiste décide de voter en faveur d’une reconnaissance du génocide, il votera comme le groupe socialiste l’a décidé." Et s’il vote contre la ligne du parti, "on avisera", a-t-il déclaré sans vouloir se projeter.
Une ligne qui devrait aller dans le sens d'un vote pour la reconnaissance du génocide. En effet, la semaine suivant l'absence d'Emir Kir à la minute de silence en hommage aux 100 ans du génocide, le PS avait rappelé dans un communiqué: "Le PS réaffirme qu'il considère que les massacres programmés et les déportations organisées dont furent victimes les Arméniens constituent un génocide perpétré dans l'Empire Ottoman... Personne ne peut impunément nier la violence toute particulière subie par ce peuple qui est un martyr de l'histoire et le PS rappelle à l'ordre celles et ceux, parmi ses mandataires, qui s'écartent de cette position."
Reste à savoir si le député Emir Kir sera présent à la Chambre le jour du vote...
Difficile d'aller contre la position de la Turquie
Mais pourquoi est-ce si compliqué pour les élus d’origine turque de reconnaitre ce génocide historiquement prouvé et reconnu internationalement ? On l’a vu en ce début de mois, lors de la venue du président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan à Hasselt : l’Ethias Arena était comble, avec 14.000 Belgo-turcs ou Turcs de Belgique venus acclamer le dirigeant. Une ferveur et une fierté en faveur de leur pays d’origine est importante au sein de la communauté turque de Belgique, forte de 150.000 à 200.000 électeurs, dont la moitié rien qu’à Bruxelles. Et quand on sait qu’en Turquie, reconnaitre le génocide arménien est passible d’une peine de prison, puisque c’est un délit pénal, il devient difficile pour les élus belgo-turcs d’aller à contre-courant de leurs propres électeurs. On leur a en effet appris, à eux et à leurs parents, une toute autre histoire concernant ce fait historique.
Les partis politiques, eux, en tiennent compte, puisque les Belgo-turcs sont un électorat important pour eux. "Il permet de capter un électorat (qui vote traditionnellement à gauche, ndlr) de manière relativement stable, lié à des candidats qui ont un fort ancrage local et dans des organisations culturelles, sportives ou religieuses", expliquait encore M. Rihoux.
Un point final ne pourra être mis à ce débat que le jour où la Belgique légifèrera pour punir le négationnisme du génocide des Arméniens par l’Empire Ottoman de la même manière que celui des Juifs par l’Allemagne nazi est punit aujourd’hui.
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