Mi-décembre, des Soudanais renvoyés vers leur pays par la Belgique auraient été torturés à leur arrivée au Soudan. Le temps d’une enquête, les expulsions ont toutes été suspendues. Ou c’est ce que l’on croyait. Theo Francken, Secrétaire d’Etat N-VA à l’asile et la migration, aurait en effet menti au Parlement en cachant que des migrants soudanais devaient être expulsés de Belgique en janvier. Doit-il démissionner?
"Il doit démissionner car c'est une responsabilité politique qu'il doit prendre car il n'a pas respecté l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme qui dit qu'on ne peut pas rapatrier des réfugiés dans un pays où on pratique la torture, ce qu'il a fait. Donc rien que pour ça, il n'y a pas besoin d'enquête. Le principe n'a pas été respecté et c'est là que ça se joue. L'enquête n'aboutira de toute façon pas car c'est une dictature", estime le réalisateur Luc Dardenne. "L'Italie va avoir trois procès pour la même cause..."
"Ce qui me dérange est l'indignité de sa politique d'asile et le fait qu'il mente constamment et qu'il vienne l'avouer ", déclare Julie Fernandez-Fernandez, députée fédérale et échevine à la Ville de Liège (PS). "C'est un membre du gouvernement qui a menti et qui a fait mentir le Premier ministre. Il y a donc une responsabilité politique qui doit être prise par Charles Michel car sinon, c'est simplement la preuve que le Premier ministre est l'otage de la N-VA."
"Theo Francken a appliqué la loi"
En revanche pour Karl Vanlouwe, député flamand et sénateur N-VA, Theo Francken ne doit évidemment pas démissionner. "Il fait son travail, applique la loi et les règles internationales et européennes. Ce n'est pas seulement la Belgique qui fait des expulsions vers le Soudan. Il y a aussi le Royaume-Uni (90 expulsions), la France (65), l'Allemagne (60), les Pays-Bas (50). La Belgique est en 2016, seulement 5 personnes. Est-ce qu'on doit demander la démission de tous les gouvernements en Europe? Theo Francken a appliqué la loi et a le soutien du gouvernement belge."
Charles Michel clame, lui, prendre ses responsabilités et appliquer depuis 3 ans une politique migratoire humaine et ferme. Et sur le sujet délicat de la politique de retour vers le Soudan, il se défend d’adopter les mêmes mesures que le Royaume-Uni, la France, l’Italie et la Norvège. Mais même au MR, ce discours ne fait pas l’unanimité : “On ne peut pas se retrancher derrière le fait que d’autres Etats européens procèdent de la sorte: on ne collabore pas avec les services d’une dictature”, a déclaré l’eurodéputé libéral Gérard Deprez dans le journal L’Echo.
D'autres pays expulsent des Soudanais donc la Belgique doit nécessairement suivre l'exemple? a demandé Christophe Deborsu à Alexis Deswaef, le président de la Ligue des Droits de l'Homme. "Non et il faut mettre le sujet sur la table européenne. Il n'y a que les ONG qui ont réagi en 2015 en parlant d'un accord de la honte avec des pays comme le Soudan. Il y a un vrai problème au niveau européen qui doit être discuté. En Belgique, on parle beaucoup du mensonge de Theo Francken qui n'aurait pas parlé d'un rapatriement prévu en janvier mais il y a un deuxième mensonge: il a induit le Premier ministre en erreur en disant qu'il y avait un examen, article 3, pour chaque expulsion vers le Soudan. Mais l'article 3, c'est l'article de la convention de Droits de l'Homme qui interdit la torture et les traitements inhumains et dégradants. Même si le migrant ne demande pas l'asile, ça ne dispense pas l'Etat de faire cet examen de l'article 3. Sur Facebook, Theo Francken a déclaré que cet examen se faisait mais la Cour d'appel a constaté qu'il n'était pas effectué. Le Premier ministre a donc aussi été induit en erreur sur ce point-là. C'est une faute grave car la Belgique est complice de la violation de l'article 3", explique Alexis Deswaef. "Il ne faut pas nécessairement attendre le résultat de l'enquête."
"On utilise Theo Francken pour faire tomber Charles Michel"
"Une enquête va être faite de manière indépendante et de manière internationale qui va démontrer que ces personnes n'étaient pas en danger. Elle sera menée avec les ambassades, le CGRA, l'Office des Etrangers,...", répond David Clarinval, chef de groupe MR à la Chambre et bourgmestre de Bièvre. "Par rapport au mensonge de Theo Francken, le Premier ministre a été très clair en disant qu'il n'y aurait plus de rapatriements tant que l'enquête n'aura pas été menée à son terme, au moins jusqu'à fin janvier. Theo Francken s'est excusé pour les propos tenus à l'égard du Premier ministre qui a pris acte de cette excuse. Sur le fond, il n'y a eu aucune expulsion de programmée et il n'y en aura pas tant que cette enquête n'aura pas eu lieu. Le Premier ministre a imposé la ligne et le gouvernement a suivi".
Selon Jean-Marie Dedecker, "on utilise Theo Francken pour faire tomber le Premier ministre Charles Michel. On oublie l'essentiel. Si la vie des Soudanais qui viennent en Belgique est en péril, ils doivent demander l'asile. Sinon, elle n'est pas en péril. Ils veulent passer par la Belgique pour entrer en Angleterre. Et deuxièmement, ceux qui sont renvoyés ont une brochure et peuvent téléphoner à l'organisation internationale de la migration. Cela devient ridicule. C'est un jeu politique qui se fait. Theo Francken fait son boulot."
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