C'était un élément du procès des attentats de Bruxelles qui faisait débat: les boxes vitrés. Ce vendredi après-midi, la présidente de la cour d'assises, Laurence Massart, a rendu son arrêt sur la question. Selon sa décision, le boxe compartimenté représente bien une violation de l’article 6 de la convention des droits de l’homme (mais pas l’article 3). Les aménagements ne sont pas jugés comme proportionnels aux circonstances. La présidente ordonne le démontage du box dans sa configuration actuelle pour le 10 octobre 2022, date de la composition du jury.
C'est la question des boxes vitrés qui a animé les débats en début de semaine, lors de l'audience préliminaire du procès. Avant cette décision, la défense, unanime, avait demandé à la présidente de "démonter", "raser" ou encore "détruire" ce que tous les conseils percevaient comme des "cages". Estimant à la fois qu'elles contrevenaient à la présomption d'innocence mais aussi qu'elles empêchaient une communication directe avec leurs clients, les avocats de la défense avaient prévenu qu'il existait des risques que le procès ne puisse aller à son terme dans de telles conditions, les accusés n'étant pas disposés à comparaître dans ces boxes.
Les avocats des parties civiles étaient plus partagés, avançant tout de même la nécessité de trouver "un difficile équilibre" entre les droits de la défense et les mesures de sécurité. Le parquet, représenté par les procureurs Michel et Somers, avait défendu quant à lui ce qu'il considérait comme "la moins mauvaise des solutions".
La décision de la présidente de la cour d'assises était la "seule manière d'apaiser les choses et d'arriver à la vérité judiciaire", a réagi Me Vincent Lurquin, avocat de l'accusé Hervé Bayingana Muhirwa.
Le débat judiciaire n'aurait, sinon, pas eu lieu, estime-t-il, alors que celui-ci nécessite des réponses de la part des accusés. "La justice reprend la main sur le politique", a-t-il lancé, avant de qualifier l'arrêt de la présidente de la cour de "remarquable", et qui "réinsère les accusés à l'intérieur du débat judiciaire". Me Lurquin se réjouit donc déjà d'un procès "équitable" à venir pour son client.
"Dommage qu'il ait fallu en arriver là", a déclaré Me Virginie Taelman, avocate de Bilal El Makhoukhi. "Les autorités sont alertées depuis deux ans au sujet de ces boxes vitrés individuels et ont pourtant foncé tête baissée pour les construire", a déclaré Me Taelman. "J'espère au moins qu'ils ont prévu une alternative". "Il s'agit d'un message fort de la présidente de la cour", a estimé Me Stanislas Eskenazi, défense de Mohamed Abrini. "Elle a analysé chaque élément et estimé que les boxes actuels violent l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme".
"C'est un arrêt extraordinaire qui va marquer l'histoire judiciaire, parce que ça remet les choses en place", a réagi Me Michel Bouchat, conseil de Salah Abdeslam. "C'est un arrêt qui fait référence à la jurisprudence qui doit être appliquée mais c'est aussi un arrêt qui est très concret, et la conclusion c'est de dire qu'il faut que ce procès pénal doit se dérouler dans des conditions normales. C'est-à-dire permettre aux accusés de participer aux débats, supprimer l'isolement humain, sonore, visuel... Que ces cages de verre ne permettent pas. C'est aussi permettre aux accusés de pouvoir s'entretenir avec leurs défenseurs", a déclaré Me Bouchat.
Ali El Haddad Asufi sera bien jugé
La président devait aussi se prononcer sur une potentielle irrecevabilité des poursuites à l'encontre de Ali El Haddad Asufi. Son conseil, Me Jonathan De Taye, a plaidé le "non bis in idem", soit le fait de ne pas pouvoir être poursuivi pénalement pour de mêmes faits. Il a rappelé que son client avait été jugé à Paris, en juin dernier, dans le dossier des attentats du 13 novembre 2015. Il avait alors été condamné à dix ans de prison.
Aux yeux de Laurence Massart, la présidente de la cour d'assises, Ali El Haddad Asufi n'est pas jugé à Bruxelles pour les mêmes faits que ceux pour lesquels il a été condamné à Paris. Il ne peut dès lors être question d'une seconde condamnation pour les mêmes faits. De plus, l'arrêt de la cour d'assises de Paris n'a jamais été officiellement déposé à l'audience de la cour d'assises et ne l'a été qu'au greffe, relève-t-elle. "Or, il ne ressort pas des pièces versées au greffe que l'arrêt de la cour d'assises de Paris et la condamnation qui en résulte seraient définitifs", s'exprime la cour. L'accusé devra donc bien comparaître à partir du 10 octobre prochain, lors de l'audience de constitution du jury populaire.
Par ailleurs, les conseils des frères Farisi, accusés dans le cadre du procès, ont demandé leur libération lundi. La présidente a renvoyé la question à la chambre des mises en accusation, celle-ci a ordonné mercredi soir la libération de Smail Farisi. Elle s'est prononcée dans le même sens jeudi après-midi pour son frère, Ibrahim.
Jeudi prochain en matinée, la présidente de la cour rendra son arrêt sur la liste des témoins devant être entendus dans le cadre du procès. Une partie civile a notamment demandé à ce que plusieurs personnalités politiques soient entendues, dont Didier Reynders en sa qualité de ministre des Affaires étrangères à l'époque de la libération d'Oussama Atar, et Zoé Genot, pour déterminer son rôle dans sa libération. Oussama Atar est considéré comme le cerveau des attentats de Bruxelles et est jugé par défaut car présumé mort.
Le procès rentrera dans le vif du sujet le 13 octobre, après la constitution d'un large jury (12 jurés effectifs et 24 jurés suppléants) trois jours plus tôt.
Vos commentaires