L'écrivain et homme de théâtre français vit depuis plusieurs années à Bruxelles. Il explique à Alix Battard comment il vit cette période de confinement imposé par la pandémie de Covid-19.
L'écrivain Eric-Emmanuel Schmitt répondait aux questions d'Alix Battard pour le RTLINFO 13H.
On sait que vous vivez en Belgique depuis plusieurs années. Vous habitez Bruxelles mais vous avez aussi une maison de campagne chez nous. Vous avez choisi la ville où la nature pour votre confinement ?
Puisque j'ai eu la possibilité de choisir, j'ai filé à la campagne parce que si le monde s'arrête, la nature elle ne s'arrête pas et je peux la regarder dans mon jardin, je peux la regarder de ma fenêtre et ça me remplit de bonheur.
Jusqu'ici, comment vous vous occupez ? Vous écrivez ?
Et bien vous savez un écrivain, c'est habitué au confinement. C'est-à-dire que quand j'écris un livre, je me retire du monde pour le réinventer. Alors en même temps, j'ai besoin d'aller dans le monde pour pouvoir le découvrir, l'analyser, le ressortir. Donc là je suis dans une période de retrait mais faudrait quand même pas que ça dure trop longtemps d'autant que ça y est, j'ai fini le roman que j'écrivais.
Vous l'avez fini grâce à l'inspiration de cette quarantaine forcée vous pensez ?
Franchement, ouais c'est bien pour un écrivain parce que moi je fais un peu double. C'est-à-dire que j'aime aussi le théâtre, j'adore voyager, j'aime monter sur scène. Je vais beaucoup à l'étranger pour la promotion de mes livres. Donc je suis quand même un nomade. Je suis quand même un agité. Alors là, tout d'un coup, ce confinement ça a favorisé l'intellectuel, l'écrivain. Mais il y a à l'intérieur de moi quelqu'un qui demande à repartir dans le monde, aller retrouver les gens, les rencontrer, à avoir le public en face de moi.
Est-ce que vous faites partie de ceux qui se réjouissent de la réouverture des pépinières ? Est-ce que vous avez la main verte ?
Moi j'ai la bouche verte. C'est-à-dire que je parle aux plantes et je parle aux jardiniers qui s'occupe de mes plantes.
Et la cuisine vous aimez cuisiner puisque nous sommes tous obligés de se remettre aux fourneaux ?
Ce confinement, ça a été la façon pour moi de vérifier que j'étais vraiment une nullité absolue. C'est-à-dire que plusieurs fois j'ai annoncé à mes proches que 'oui j'allais faire la cuisine, un gâteau, etc.' Et là j'ai vraiment découvert que ce que les autres font en une demi- heure il me faut deux heures pour le faire et c'est même pas bon à l'arrivée.
Est-ce que ces virus vous agace, il vous inquiète ?
Non, il m'attriste parce que parce que j'ai déjà perdu des proches à cause de ce virus. En autre quelqu'un que tout le monde connaît en Belgique, Jacques De Decker, l'écrivain qui dirige aussi l'Académie royale de Belgique. C'est un départ prématuré, c'est une grande tristesse. Je trouve ce virus bête, injuste, sournois. En même temps ce virus, il faut en avoir peur et il ne faut pas être angoissé. La différence entre l'angoisse et la peur, c'est que la peur, ça a un objet précis. Alors que l'angoisse, c'est général. Au début de notre confinement, nous avons tous éprouvé de l'angoisse, c'est-à-dire tout d'un coup une espèce d'inquiétude sur la vie. Pourquoi on vit ? Pourquoi la vie est si courte ? Pourquoi c'est si fragile ? Et puis finalement, la peur ça permet de guérir de l'angoisse. Tout d'un coup, la peur, c'est précis. C'est la peur d'être contaminé et c'est la peur quand on fait ses commissions, quand on fait ses courses, quand on touche une poignée de porte. Mais la peur, elle a des remèdes. C'est-à-dire qu'il y a des choses précises à faire. Donc finalement, je trouve que ce confinement, ça m'a guéri de l'angoisse en me donnant des peurs très précises.
Je sais que vous étiez très proche de votre maman. Votre dernier livre lui était d'ailleurs dédié. Vous racontiez combien vous aviez eu du mal à se remettre de sa mort. Vous pensez beaucoup à elle dans cette crise qui frappe particulièrement les personnes plus âgées ?
Tout le temps. Je me dis une chose terrible, c'est que je suis content qu'elle n'ait pas connu ça. Et puis après je pense à ceux qui sont en train de connaître ça et en ce moment la condition des personnes âgées, avec une extrême solitude, un confinement c'est une épreuve supplémentaire. Déjà que la vieillesse est une épreuve, que la maladie est une épreuve, mais alors en plus cette solitude. Je suis très déchiré en fait.
La première chose que vous ferez après le déconfinement pour pour donner le sourire et un peu d'espoir ?
C'est vraiment voir des amis, voir des proches, la famille parce qu'on voit les limites quand même d'Internet et du téléphone. C'est-à-dire qu'être avec quelqu'un, c'est simplement être à côté, respirer le même air, sentir la présence de l'autre, la chaleur de l'autre. Pas forcément parler. Il y a des magnifique échanges qui sont juste être côte-à-côte et ça me manque énormément. Donc sortir du confinement, ce sera rencontrer les proches, les amis et ne pas parler du confinement.
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