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72% des Belges pensent que l'Etat n'en fait pas assez en faveur du climat: qu'ont fait nos gouvernements depuis 30 ans? (vidéo)

72% des Belges pensent que l'Etat n'en fait pas assez en faveur du climat: qu'ont fait nos gouvernements depuis 30 ans?
 
 

Selon notre grand sondage "La Voix des Belges", plus de 72 % des Belges pensent que nos gouvernements n'en font pas assez pour lutter contre le réchauffement climatique. L'occasion de vérifier cette impression. La Belgique en fait-elle suffisamment en faveur du climat? Qu'ont fait les gouvernements depuis 30 ans? RTLINFO tente de faire le point.

RTLINFO a rencontré des citoyens wallons, bruxellois et flamands ayant choisi de participer à une action citoyenne surprenante: avec 55.000 autres co-signataires, ils ont introduit une demande en justice afin de forcer l'Etat belge à agir en faveur du climat. La demande a été introduite devant le tribunal de première instance francophone de Belgique et est en cours d'analyse. Aux Pays-Bas, la même affaire (Affaire Climat, ndlr) a porté ses fruits: suite au verdict, l'Etat néerlandais a été obligé de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. "Je considère avoir porté plainte contre l'Etat", estime Marc, un informaticien d'une quarantaine d'années. Ce Liégeois trouve que les différents gouvernements ne font rien pour lutter contre le réchauffement climatique et il en a assez. "L'Etat ne respecte pas ses engagements, il a fallu agir", dit-il. Il est rejoint en ce sens par Anne-Sophie, jeune Montoise vivant à Bruxelles: "Les choix éco-responsables ne sont pas les plus faciles ni les plus accessibles, ils doivent être rendus moins chers par nos états afin que tout le monde puisse suivre le mouvement", dit-elle.


Tout a commencé avec le protocole de Kyoto

La Belgique fait-elle suffisamment d'efforts pour sauvegarder l'environnement? Pour répondre à cette question, il faut d'abord remonter à la fin des années 90. À l'époque et pour la première fois, le pays s'engage à mesurer ses émissions de gaz à effet de serre et à les réduire. C'est le fameux protocole de Kyoto (décrit par certains comme étant le "protocole des pollueurs", tant les mesures qui y ont été décidées étaient insuffisantes). Depuis, la population belge a vu naître plusieurs mesures. L'une des plus emblématiques est sans doute le tri des déchets. C'était il y a 20 ans déjà. "Je suis tout à fait d'accord avec le fait de trier, disait une dame interrogée par nos journalistes en février 1999. On amasse tellement de déchets... Je ne sais pas quelle planète on va laisser à nos enfants si on continue". Vingt ans plus tard, cette phrase semble étrangement actuelle.


La fermeture des sites sidérurgiques a fait baisser les émissions de CO2

Depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 20% en Belgique. Mais gare à ne pas se réjouir trop vite: à y voir de plus près, les raisons de cette chute sont multiples. "C'est en partie grâce à des politiques qui ont été menées, c'est grâce au développement du renouvelable, par exemple, mais c'est aussi du fait de la fin de grandes activités industrielles qui étaient encore là il y a 30 ans, nuance Nicolas Van Nuffel, président de la "coalition climat". La fermeture des sites dans la sidérurgie par exemple a entraîné une baisse des émissions de gaz à effet de serre de la Belgique. Une baisse qui n'était pas voulue et qui a simplement été délocalisée".


La Belgique a fait quelques efforts, mais reste un gros pollueur 

En 2019, on peut souligner le fait que les bâtiments sont mieux isolés qu'auparavant et les appareils électroniques moins énergivores. On peut aussi relever le fait que l'Etat distribue des primes aux citoyens et entreprises qui rénovent dans le but d'économiser de l'énergie. Ces initiatives sont bien là, mais elles sont jugées trop timides au regard des enjeux climatiques existants. Jusqu'ici, la Belgique a respecté ses obligations européennes sans jamais aller plus loin. Résultat: chaque Belge émet encore aujourd'hui 10 tonnes de CO2 par an. C'est au-dessus de la moyenne européenne (8,69 tonnes par habitant selon la European Environment Agency), très au-dessus de la moyenne mondiale (4,97 tonnes en ce qui concerne le CO2 uniquement, sans les autres gaz polluants). Comment se fait-il que les gouvernements n'en aient pas fait davantage?

Pour analyser la situation plus en détails, nous avons questionné Etienne Hannon, expert politique climatique au Service public fédéral Santé publique & Environnement. Avec son équipe, il est en charge des politiques de lutte contre le réchauffement climatique en Belgique, examine si elles portent leurs fruits et conseille nos gouvernements.

Il ressort notamment de cet entretien que l'un des défauts de la Belgique réside dans sa lenteur à prendre des décisions. "C'est ce que les scientifiques disent et je pense que c'est incontournable comme fait: on a trop tardé à prendre des décisions stratégiques importantes dans le domaine de l'énergie, explique Etienne Hannon. On sait qu'on doit aller beaucoup plus loin dans le déploiement des énergies renouvelables. On est à 10% d'énergies renouvelables en Belgique, c'est bien, mais pas suffisant".

Certains observateurs pointent le manque de volonté politique et la lenteur administrative."On a quatre ministres de l'Environnement en Belgique et parfois, on perd du temps pour savoir si c'est telle ou telle entité fédérée qui doit payer pour telle ou telle mesure, critique Nicolas Van Nuffel. Nous devrions avoir une clé de répartition claire, pour gagner du temps!"


Les voitures utilisées chaque jour par les citoyens: l'énorme problème de la Belgique

Ce temps perdu a des conséquences aujourd'hui bien visibles. Notamment sur les routes. Le secteur des transports est devenu l'un des points noirs auquel il faut s'attaquer sans plus attendre. "C'est l'un des seuls secteurs qui a une situation aussi mauvaise en Belgique, reconnaît Stéphane Cools, président de l’Agence wallonne de l’air et du climat (AwAC). On a observé une évolution très négative de plus de 20% d'émission de gaz à effet de serre entre 1990 et aujourd'hui. Cette situation dégrade la situation climatique globale et les efforts qui sont faits dans d'autres secteurs, qui eux font des efforts, comme l'agriculture par exemple". 

"Au niveau des transports, on doit au minimum multiplier par deux le nombre de personnes transportées par les transports publics à la place de l'usage de la voiture individuelle, c'est indispensable pour atteindre nos objectifs de 2030, insiste Etienne Hannon. C'est gigantesque: on doit drastiquement augmenter et améliorer l'offre des transports publics dans le rail notamment".

C'est donc un important problème dans un pays qui, par ailleurs, soutient financièrement la voiture de société. "L'une des mesures fortes serait de démanteler cet avantage fiscal et de réinvestir l'argent dans le développement de transports en commun", propose Antoine Lebrun, administrateur délégué de l'association environnementale WWF Belgique.

 
Un autre point noir est le secteur des bâtiments: il va falloir rénover à la chaîne

Le secteur des bâtiments est aussi problématique: ses émissions de gaz à effet de serre sont relativement stables alors qu'elles devraient diminuer. "On a un parc immobilier assez ancien en moyenne avec des performances énergétiques qui sont loin du standard auquel on devrait tendre pour avoir des bâtiments peu énergivores, explique Etienne Hannon. C'est un gigantesque chantier car on parle de multiplier par deux voire par trois le taux annuel de rénovation des bâtiments". Pour obtenir un parc immobilier performant en terme d'énergie, il faudra donc que les gouvernements investissent ou trouvent des investissements privés. 

Ces immenses défis provoquent chez certaines personnes un sentiment de découragement. Chez d'autres, ils suscitent de l'impatience ou renforcent leur envie d'une vie de meilleure qualité, dans une société plus saine.

Sachez en tout cas qu'une Belgique dite "bas carbone", c'est-à-dire dont les émissions de gaz à effet de serre auront presque disparu, est tout à fait possible selon les experts. Cela nécessiterait "simplement" une révolution de nos modes de vie, qui engendrerait une mobilité durable et plus douce, une fiscalité verte, des logements éco-performants, une alimentation plus locale et plus saine,... notamment. 


 

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