La rentrée scolaire anticipée s'approchant pourrait être socialement chahutée. Plusieurs changements organisationnels découlant du Pacte d'excellence rendent celle-ci délicate pour plusieurs raisons.
Après sa traditionnelle trêve estivale, l'école francophone s'apprête à vivre dans une dizaine de jours une rentrée des classes appelée à entrer dans les annales. En effet, avec l'entrée en vigueur du nouveau calendrier scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles, les élèves et leurs enseignants reprendront le chemin de l'école non plus le 1er septembre comme le voulait la coutume depuis des décennies, mais dès ce lundi 29 août déjà.
Pour l'occasion, le ministre-président de la FWB, Pierre-Yves Jeholet et la ministre de l'Éducation, Caroline Désir, ont décidé cette année de faire ensemble leur rentrée politique de terrain. Ils ont convenu de se retrouver en ce jour historique à l'école d'enseignement spécialisé IRSA, à Uccle, où ils seront dès 8h30.
Marquée par plusieurs changements organisationnels importants découlant du Pacte pour un enseignement d'excellence, cette nouvelle année qui s'ouvre pour l'école francophone s'annonce également assez délicate politiquement. Et ce pour plusieurs raisons.
Cette rentrée scolaire n'intervient pas dans une paix sociale complète
Socialement d'abord. Début juillet, après des mois de négociations avec le gouvernement et trois grandes manifestations à Bruxelles, Mons et Liège, les syndicats enseignants avaient finalement rejeté d'une seule et même voix le projet d'accord sectoriel qui leur était soumis.
A leurs yeux, le paquet proposé contenait beaucoup de promesses, mais trop peu de mesures concrètes pour satisfaire leurs demandes. Et deux mois après cet échec, l'amertume est forcément toujours un peu présente côté syndical.
"Cette rentrée scolaire n'intervient pas dans une paix sociale complète", déplore Joseph Thonon, président de la CGSP-Enseignement. Celui-ci attend à présent du gouvernement qu'il amorce sans délai les débats promis sur la taille des classes et la charge de travail en lien avec les nouveaux plans de pilotage des écoles.
"On va voir ce qu'il se passe, mais on envisage des actions pour le mois d'octobre", avertit déjà le syndicaliste. "Nous aurons une réunion en front commun syndical la semaine prochaine pour faire le point".
Des réformes redoutées
Un autre dossier en chantier, à savoir la nouvelle procédure d'évaluation que le gouvernement souhaite appliquer aux enseignants, pourrait elle aussi rapidement rallumer le mécontentement dans les salles de profs.
Au printemps dernier, face aux milliers d'enseignants descendus dans les rues, le gouvernement avait consenti à repousser à janvier 2024 l'entrée en vigueur de la réforme redoutée, soit d'ici un peu plus d'un an à peine.
Si le dialogue n'est pas rompu avec les syndicats, celui-ci restera toutefois difficile dans les mois qui viennent, notamment concernant les sanctions à appliquer en cas d'évaluation négative d'un enseignant.
Promesse politique insérée dans l'accord de majorité et préoccupation de nombreux parents, la ministre Désir espère aussi pouvoir avancer cette année sur le dossier des frais scolaires. L'objectif affiché est d'étendre le décret "gratuité" -déjà appliqué aux trois années du maternel- à la 1re et 2e primaires et ce dès septembre 2023, mais "sous réserve bien entendu des possibilités budgétaires", précise-t-on prudemment dans son entourage.
A côté de cela, un autre gros chantier entame lui aussi sa dernière ligne droite. C'est celui de la réforme de l'enseignement qualifiant.
Avec l'allongement programmé du tronc commun d'une année (jusqu'en fin de 3e secondaire, ndlr), l'ensemble des humanités techniques et professionnelles se trouvent amputées d'une année. Celles-ci doivent dès lors être réorganisées, repensées, voire rationnalisées vu le faible succès de certaines filières.
Fait assez rare: en mai dernier, le CPEONS, l'organe qui représente l'ensemble des pouvoirs organisateurs des écoles techniques et professionnelles des communes et provinces, ne s'était pas privé pour crier haut et fort tout le mal qu'il pensait de la réforme annoncée. Un projet animé par une "logique comptable" et bien peu respectueux de l'autonomie des établissements, avait-il notamment dénoncé à l'époque.
Le cabinet Désir réagit
Le coup de gueule semble depuis lors avoir été bien entendu au cabinet Désir.
"Les discussions vont dans le bon sens. On cherche ensemble des solutions", se félicite aujourd'hui Sébastien Schetgen, l'administrateur délégué du CPEONS.
Du côté de la ministre, on confirme qu'une première version du projet sera officiellement présentée aux acteurs du Pacte d'excellence lors de leur réunion de septembre. Les choses avancent donc. Enfin, last but not least, au-delà de ces chantiers législatifs, le gouvernement de la FWB devra également trouver dans les toutes prochaines semaines une solution à une récente décision de justice pour le moins emblématique.
Saisie par le SeGEC en 2019, la Cour constitutionnelle contraint en effet depuis 2020 la FWB d'accorder aux établissements de l'enseignement subventionné -dont font partie les écoles catholiques- des moyens de fonctionnement équivalant à 75% des budgets alloués écoles du réseau WBE (ex-Communauté française), contre seulement 50% jusqu'à présent.
Ce rattrapage avait été négocié en 2001 déjà lors des accords intra-francophones dits de la Saint-Boniface, mais il n'avait jamais appliqué depuis.
Tout en faisant droit aux griefs du SeGEC qui s'estimait lésé, la Cour constitutionnelle avait toutefois, vu l'impact budgétaire de sa décision, laissé au gouvernement de la FWB jusqu'à décembre 2022 au plus tard pour régulariser la situation. Le décompte arrive donc à son terme.
Selon certaines estimations, la mesure devrait coûter chaque année plusieurs dizaines de millions d'euros supplémentaires à un budget de la FWB déjà largement déficitaire...
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