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Une journée dans une maison de repos: les résidents luttent contre la maladie et la solitude, le personnel affronte le danger au quotidien

 
CORONAVIRUS
 

Le coronavirus en Belgique frappe de plein fouet les maisons de repos. De nombreux résidents sont décédés du covid-19, les autres luttent tant bien que mal contre l'isolement et la solitude, tandis que le personnel surmonte la fatigue et le danger chaque jour. L'une de nos équipes a passé une journée en immersion dans une maison de repos de Jette, en région bruxelloise. Des journées sont désormais rythmées par la maladie, l'inquiétude et surtout... la solitude.

Comme tous les jours à la même heure, les infirmières passent en revue l’état des résidents étage par étage. Une réunion ordinaire qui depuis trois semaines pourtant est parfois redoutée. "Inconsciemment oui, je crois qu'on a peur tous les matins, quand on arrive, qu'est-ce qu'on va encore apprendre. Est-ce qu'il y a encore eu des décès ou pas?", nous confie une employée.

Ce matin-là, la crainte se confirme: une résidente s’en est allée durant la nuit. Un nouveau drame, mais il faut continuer car plus les semaines passent, plus les résidents ont besoin d’attention. "C'est vrai que la dame a dit qu'elle voulait partir. Mais ça passe très vite et elle revient", explique une salariée à une de ses collègues.

Voir la vie qui continue à l'extérieur

A l’étage, notre équipe accompagne Sylvie et Jean-Pierre. Ils ont 78 ans. Ils vivent dans l'établissement à deux. Le moral est bon. Leur place favorite, c'est la fenêtre. C'est la seule ouverture sur le monde extérieur. "C'est voir la vie qui continue, et avoir des repères extérieurement. Je vois une dame qui passe avec son petit chien. Elle ne me connait pas mais je la vois tous les jours avec son petit chien. Ce sont des petits exemples, c'est de voir la vie qui continue à l'extérieur. Même si je ne peux pas y participer, mais j'espère y participer un jour", indique Sylvie.

Chacun son astuce pour chasser la solitude

Se projeter dans un avenir meilleur pour tenir... Chacun à son astuce pour garder le sourire. Pool est dans la maison depuis 4 ans. Elle a 81 ans. "Ce que j'aime bien, c'est le petit apéro. Parce qu'il ne faut pas se laisser aller. Sinon le moral, vous vous rendez compte? Et ici, vous avez tout ce que vous voulez", commente-t-elle.

La solitude, une autre maladie invisible qui touche de plus en plus de résidents. Louise a du mal à cacher sa peine. "Faut bien l'accepter monsieur. On n'a pas le choix. Mais ma fille me manque. C'est triste vous savez. C'est déjà quatre semaines", nous dit-elle, les larmes aux yeux.

Des appels vidéo pour tromper l'isolement

Pour aider à garder le contact avec les familles, la direction de l’établissement met en place des appels vidéo avec les enfants et petits-enfants. A presque 92 ans, c'est une première pour Marcelle. "Je suis heureuse de mon entourage et de mes enfants qui m'aiment", nous confie-t-elle avant de fondre en larmes. "Je suis fort émotionnelle", ajoute-t-elle.

Ils refusent de manger quand ils nous voient comme ça, bien protégés

Malgré la présence, l’énergie et le dévouement total du personnel, le moral de certains pensionnaires vacille. "J'essaie de voir s'ils ont compris pourquoi leurs proches ne peuvent pas venir pour le moment, et pourquoi ils doivent davantage se reposer sur nous pour l'instant. Et puis, avec ceux qui comprennent bien la situation, essayer de voir s'ils ont peur pour leur santé ou leurs enfants. Mais voilà, c'est surtout la solitude qui les pèse", explique Angélique, psychologue à la résidence Christalain.

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Aujourd’hui, des résidents ne veulent plus manger. Une dame a les symptômes du coronavirus. Notre équipe reste à l'extérieur de la chambre. L’infirmière prend toutes les précautions et tente de la stimuler. "C'est pas toujours facile. Ils refusent de manger quand ils nous voient comme ça, bien protégés. Quand on met des masques, des gants, vous voyez bien, ça fait peur. Ça ne leur donne pas envie de manger et de continuer", nous indique une employée.

Au moment du déconfinement… on va se rendre compte que les voisins, la dame qu'on aimait bien… aura disparu

Dans la résidence, en 3 semaines, 13 des 122 pensionnaires sont décédés. Les chambres restent alors inoccupées, et rien n'est déplacé à l’intérieur. Le temps s’est arrêté. "C'est ce que je dis: au moment du déconfinement on va se retrouver à table. Il va y avoir beaucoup de places de libres à certaines tables. C'est là qu'on va se rendre compte de l'ampleur des dégâts. On va se rendre compte que les voisins, la dame qu'on aimait bien… aura disparu", explique Shirley Doyen, responsable des soins.

Louise vient d’apprendre le décès d’une de ses amies. Elle était aussi résidente. "Je ne suis pas triste. C'est ce qu'elle voulait. C'est ce que moi je voudrais aussi. Je le demande tous les jours. Elle a eu une belle mort, dans son sommeil", nous confie-t-elle.

Le soir de notre passage, tous les résidents et le personnel de la maison de repos ont effectué le test de dépistage. Une étape primordiale dans l’optique d’un jour reprendre une vie presque normale.


 

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