Depuis le 15 mars, de nouvelles mesures de déconfinement s'appliquent au profit de l'enseignement et des jeunes générations, particulièrement touchées par la crise sanitaire. Malgré cela, Laura, étudiante à Mons, déplore ne pas voir de changement. Comment l'expliquer?
Laura (prénom d'emprunt par souci d'anonymat) est inscrite en année passerelle au sein de l'Université de Mons. Elle suit un parcours en Sciences de l'Education. Depuis le début, son année d'études est rythmée par l'évolution du Covid-19 sur notre territoire. "C'est très difficile", souffle l'étudiante.
Loin des bancs de l'université, son kot est désormais son principal lieu de travail. "Je m'impose un rythme pour pouvoir tenir et continuer à étudier. Mais c'est très dur", nous confie-t-elle.
Entre septembre et octobre, la jeune femme a pu bénéficier d'une trêve. Enfin presque. La rentrée s'est faite en code jaune. Un maximum d'apprentissages en présentiel étaient alors organisés.
Dans ma classe, il y a des personnes que je n'ai jamais rencontrées.
Puis, compte tenu de la situation épidémiologique, le code rouge a fait son apparition, entraînant avec lui, toute une série de restrictions. Dès lors, les cours devaient se tenir à distance sauf pour les laboratoires, travaux pratiques et activités artistiques qui ne peuvent se dérouler à distance. Pour Laura, c'est le retour à une vie d'étudiante compliquée. "Dans ma classe, il y a des personnes que je n'ai jamais rencontrées. En fait, je n'en ai rencontrées que quelques unes avant de retourner en code rouge", désespère la jeune femme.
Alors quand Laura apprend, lors du dernier comité de concertation, que des mesures de déconfinement sont possibles, l'espoir renaît. À partir du 15 avril, l'enseignement supérieur repasse en code orange.
Plusieurs restrictions sont néanmoins établies. Le taux de présence des étudiants sur les campus et dans les écoles ne peut jamais dépasser le seuil de 20% des inscrits. L'occupation des auditoires est par ailleurs limitée à 200 personnes maximum. Le port du masque sera obligatoire pour tous, tout comme le respect d'une distance physique de 1,50m entre les personnes. Un sens de circulation devra être observé dans les bâtiments, qui devront être nettoyés, désinfectés et aérés régulièrement. "J'attendais beaucoup de ce retour en présentiel", se souvient Laura.
Je suis en décrochage. C'est très dur
Pourtant, quand elle découvre son nouvel horaire, c'est la désillusion. Sur une période 15 jours, elle ne peut revenir sur les bancs de l'université que durant 2 h. "On nous a expliqué que c'était trop compliqué à organiser", nous rapporte-t-elle.
Aujourd'hui, la jeune étudiante tente de poursuivre cet enseignement à distance autant que possible. "Je suis en décrochage. C'est très dur", soupire-t-elle. Avant d'ajouter: "Les interactions avec les professeurs sont nettement différentes depuis un ordinateur. Je n'ose même pas poser mes questions".
Comment expliquer que certains étudiants n'aient pas retrouvé les bancs des auditoires malgré les mesures de déconfinement énoncées? Afin de comprendre, nous contactons Philippe Dubois, recteur de l'Université de Mons. Depuis le début, ce recteur et enseignant jongle avec les protocoles sanitaires. Code jaune, code orange, code rouge puis à nouveau code orange. "Il a fallu s'adapter", résume-t-il.
Plusieurs raisons évoquées par le recteur de Mons
L'Université de Mons compte 10.000 étudiants (9.000 à Mons et 1.000 à Charleroi) et 1.025 enseignants. "Je comprends tout à fait le constat de cette étudiante. Ce matin encore, j'enseignais à distance. On est face à des difficultés", explique Philippe Dubois.
Pourtant, les règles sanitaires ne permettent pas de fonctionner autrement, précise le recteur. Ce dernier nous dresse trois raisons majeures qui expliquent pourquoi le retour de tous les étudiants sur le campus, via un système de tournante par exemple, n'est pas possible:
- Certains étudiants ne veulent pas revenir pour des cours en présentiel. L'évolution de la maladie inquiète des jeunes qui préfèrent, limiter leurs interactions.
- Certains ne peuvent pas. "Des étudiants ont dû rendre leur kot et résilier leur bail pour retourner vivre chez leurs parents. La distance ne leur permettrait pas de revenir étudier", affirme le recteur.
- Enfin, la jauge de 20% en présentiel complique la donne.
1.800 étudiants maximum sur le site de Mons
Il est important de comprendre en quoi consiste cette jauge. En clair, les autorités interdisent que le taux de présence des étudiants présents soit supérieur à 20%. Si on fait le calcul, cela veut donc dire le site de Mons ne peut accueillir que 1.800 étudiants en même temps contre 200 à Charleroi. Dans ce cas-ci, un système de tournante peut-il instauré? Peut-on estimer qu'un élève pourra se rendre à l'école 1 jour sur 5? Eh bien non, nous informe Philippe Dubois.
Car dans ces 20% admis, on compte ceux dont l'enseignement ne peut (en aucun cas) se faire à distance. Cela concerne les étudiants qui suivent des travaux pratiques ou dont l'apprentissage se fait dans des laboratoires par exemple. Pour ces élèves, impossible d'imaginer un enseignement en distanciel. Preuve en est, même en code rouge, leur présence était autorisée sur le campus. Alors quand on retire ces élèves des 20% autorisés, il ne reste pas beaucoup de place pour les autres.
Il n'y a pas de solution universelle.
De plus, une difficulté matérielle se présente. Une distance d'1m50 doit être respectée entre les sièges. Autrement dit, un siège sur 6 peut être occupé dans les auditoires. Pour les cours dont la promotion atteint 500 élèves, il devient impossible de tous les accueillir. "Mon plus grand auditoire a 720 places", justifie Philippe Dubois.
Aujourd'hui, le recteur dit comprendre parfaitement les besoins et tourments de ses étudiants. Malheureusement, il en convient: "La situation épidémiologique est telle que l'on ne peut pas faire autrement. Il n'y a pas de solution universelle". Ce dernier n'est d'ailleurs pas dupe. Il s'attend, d'un moment à l'autre, à devoir repasser en code rouge. Et en assumer les difficiles conséquences.
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