Impossible de passer à côté, on connait tous quelqu'un frappé par le cancer. Ce mardi 4 février, c'est la journée mondiale contre le cancer. Et parce que la prévention et le dépistage sont certaines de nos meilleures armes face à cette maladie, nous avons invité le chef de la clinique "dépistage et prévention" de l'institut Jules Bordet, Jean-Benoît Burrion.
Alix Battard (RTL) : Pour bien comprendre l’enjeu, quand on découvre très tôt un cancer, on le traite forcément mieux ?
Jean-Benoît Burrion : C’est clair. Pour la majorité des cancers il vaut mieux le trouver tôt. Les traitements sont moins lourds, plus efficaces. On observe une diminution de la mortalité, oui.
Donc ça, c’est général : quand on est pris à un stade le plus précoce, dans tous les cas, on a plus de chances de guérir ?
Exactement.
Il y a des cancers avec un dépistage organisé. Chez les femmes, c'est le cancer du sein et du col de l'utérus. Rappelez-nous, de quoi il s'agit et à partir de quand et à quelle fréquence on doit le faire ?
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. Il y a à peu près 10.500 cas par an en Belgique. Le dépistage qu’on préconise, c’est une imagerie tous les deux ans à partir de l’âge de 50 ans.
Ce que l’on appelle une mammographie…
Une mammographie, ou qu’on appelle le mammotest aussi dans le programme organisé. On le préconise à partir de 50 ans, parce que c’est à partir de ce moment-là que le risque devient vraiment préoccupant. Avant 50 ans, ça ne vaut pas vraiment la peine si on n’a pas de risque individuel.
Pourtant, on entend quand même souvent des femmes qui sont touchées beaucoup plus tôt par cette maladie. On a l’impression qu’il y en a de plus en plus. Ça ne vaut pas la peine, en tout cas, de s’auto-palper et d'être plus attentif plus tôt ? Vous ne conseillez pas même de faire le test autour de 40 ans ?
C’est une règle générale, il faut en tout cas rester attentif aux messages que notre corps nous envoie, c’est vrai. Mais le programme organisé concerne les femmes à partir de 50 ans. Même si on a l’impression qu’autour de nous, on observe qu’il y a des cas chez les dames plus jeunes. Quand on regarde les cas en Belgique, le cancer du sein n’augmente pas du tout dans la tranche de 40 à 50 ans. Encore une fois, si on n’a pas de risque personnel, c’est-à-dire si on n’a pas de cas dans la famille, notamment au premier degré, ça n’a pas beaucoup de valeur ajoutée de faire une imagerie deux fois par an à cet âge-là.
Chez les femmes il y a aussi le cancer du col de l’utérus qui se dépiste très bien ?
Tout à fait, c’est un dépistage qui est très efficace. Dans ce cas-là, par contre, le risque devient significatif à partir de 24-25 ans et il est donc conseillé de commencer le dépistage à ce moment-là. Il consiste à un examen, donc un frottis tous les trois ans. Ce dépistage va évoluer puisqu’on sait aujourd’hui que le cancer est associé au virus HPV, le papillomavirus. Il est donc très probable que dans les années qui viennent, le dépistage se base là-dessus.
Chez les hommes, c'est le cancer du côlon qui est très bien dépisté. Ça consiste en quoi ? C'est douloureux ?
Il y a plusieurs moyens de dépister le cancer colorectal. Le plus courant est le test immunologique de recherche de sang dans les selles. Lorsqu’il y a une lésion au niveau de l’intestin, très souvent, il y a des petits saignements qu’on ne voit pas, qui sont occultes. Il existe des systèmes de détection de ce sang. C’est le dépistage qui est proposé à la population générale qui n’a pas de risque particulier. Cette recherche de sang dans les selles est un test très facile à faire. Il est conseillé de le faire tous les deux ans à partir de 50 ans.
Pour les autres cancers, je pense au cancer de la peau, de la prostate, du poumon qui sont aussi fréquents. Il n’y a pas de dépistage spécifique organisé, que conseillez-vous ? Des visites fréquentes chez le généraliste, tout simplement ?
Oui, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de dépistage organisé uniquement au niveau individuel, ça n’a pas de valeur ajoutée de faire un dépistage, en particulier si on a des risques. Je reviens toujours au risque familial parce que c’est le risque le plus important…
C’est vraiment l’élément sur lequel vous insistez, c’est l’élément qui doit nous alerter ?
Oui, c’est ça qui doit nous mettre la puce à l’oreille. Par exemple, s’il y a des cancers de la prostate dans la famille, au premier degré, le père, la mère, les frères ou les sœurs, ça vaut la peine d’en parler à son médecin généraliste pour voir ce qu’il faut faire.
On a l’impression que ce sont les mêmes depuis des années et pour tout le monde. Est-ce qu’ils sont amenés à évoluer ? Comment les choses évoluent-elles dans ce domaine-là ?
Jusqu’à présent les dépistages organisés dont nous avons parlé se basaient sur un seul facteur de risque qui est l’âge. On se rend compte cependant de plus en plus que nous ne sommes pas égaux devant le cancer et que chaque individu a un risque spécifique. On dispose aujourd’hui d’outils qui peuvent évaluer ces risques de manière relativement précise. Quand je parle de risques, je parle aussi de risques génétiques. Le bagage génétique joue un rôle là-dedans. Il y a fort à parier que dans l’avenir, on effectuera un dépistage basé plus sur le risque individuel. Par exemple, l’étude « My PEBS », My Personal Breast Screening qui s’est mise en route au niveau européen et à laquelle la Belgique participe. Elle va tester une stratégie de dépistage du cancer du sein basé sur un risque individuel.
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