La crise des migrants a engendré un formidable élan de solidarité. Mais cette crise inquiète aussi de nombreux Belges. Sur les réseaux sociaux notamment, ils sont de plus en plus nombreux à exprimer leur crainte, voire leur opposition ferme à l’arrivée d’autant de réfugiés.
Paola vit à Woluwe Saint-Pierre depuis près de 30 ans. Il s'agit d’une des communes les plus riches de la capitale. Mais depuis une semaine, à la rue des Palmiers, un centre pour migrants a rouvert ses portes. 80 réfugiés y résident. Sur un même trottoir, la solidarité s'exprime entre autres par la livraison de vêtements chauds. Mais il y a aussi la peur ! "Ils parlent dans leur langue quand on passe, on ne sait jamais ce qu’ils disent. Voilà cette sensation de peur", a expliqué Paola à notre journaliste Alix Battard.
"Il y en a qui vont mal tourner"
Paola dit craindre pour sa sécurité. Elle vit très mal l’arrivée récente de ces réfugiés. "Moi je pense ça serait bien de les aider mais autrement. Forcer la sécurité chez eux. Envoyer la nourriture et tout ce dont ils ont besoin, mais chez eux. Ils ne vont pas s'adapter si facilement, et donc il y en a certains qui vont mal tourner, c'est sûr et certain", a-t-elle ajouté.
Ce témoignage est loin d’être isolé. Même lorsque notre équipe se déplace et qu'elle ne se trouve plus à proximité d’un centre d’accueil, on retrouve le même genre de réaction. "Je trouve qu’il y en a beaucoup, un peu de trop qui viennent", confie une passante.
Il y a d’abord la peur économique. Sauver son prochain est une chose, prendre son quotidien en charge en est une autre. "Nous avons nos SDF ici en Belgique aussi. Nous avons des gens qui ont 1.000 euros pour vivre. S'il faut encore prendre des gens de l'extérieur, comment est-ce qu'on va faire ?", se demande un témoin. "D'accord on va les aider. Mais après, les loger, le travail... les assister. Nous-mêmes on ne s’en sort pas. Ça me dépasse un peu", estime une autre personne interrogée.
L'Islam radical effraie, et pourtant...
Il y aussi une crainte purement religieuse. La peur de l’islam radical. "Je suis très inquiète, pour ma sécurité aussi évidemment. Moi je ne sais pas qui arrive non plus hein", admet une riveraine.
Comment analyser ces réactions ? Andréa Rea est sociologue, grand spécialiste des questions de migration. Il nous aide à décoder. "On se trouve dans une situation où il y a eu plusieurs événements en Europe, en particulier les attentats de Charlie Hebdo, mais aussi les meurtres au musée Juif de Belgique. Tout cela contribue à avoir peur de l'Islam et de certaines personnes qui disent agir au nom de l'Islam, alors que ces personnes (les réfugiés) quittent les lieux ou on observe une radicalisation de l'Islam et fuient d'ailleurs cette situation là", a expliqué Andrea Rea, doyen de la faculté des sciences sociales et politiques à l’université Libre de Bruxelles, spécialiste des questions d’immigration.
Déferlante de haine sur les réseaux sociaux
A un échelon supérieur, la peur bascule dans la haine! Sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook, la déferlante est impressionnante. Les commentaires qu'on y trouve parlent d'eux-mêmes.
"Chacun dans son pays et puis c’est tout !"
"Ils nous envahissent, ils nous gênent. On aimerait vivre tranquillement, avec moins d'étrangers"
"Qu’ils dégagent, on n’en veut plus !"
"Je pense que ceux qui expriment les discours les plus haineux sur les réseaux sociaux aujourd'hui sont ceux qui, avant même l'arrivée de ces réfugiés, avaient une opinion tout à fait négative des étrangers et avaient déjà une tendance plus réduite à la générosité", a ajouté Andrea Rea.
Pour ce spécialiste, aujourd’hui c’est au monde politique de prendre ses responsabilités: rassurer davantage les citoyens, proscrire les discours politiques ambigus, combattre les fausses idées reçues et placer la générosité au-dessus de tout.
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