Dans sa chronique économique ce matin sur Bel RTL, Bruno Wattenbergh a développé le thème du jour : les agriculteurs. "Je n’en parle probablement pas assez souvent, mais là difficile de ne pas aborder le sujet : c’est la 3ème crise grave en moins de 10 ans." D'où vient le problème et comment y remédier?
Comment résumer simplement la crise agricole actuelle ?
Si l’on fait une photo aujourd’hui, les causes de cette crise sont claires. Il existe des raisons conjoncturelles, comme par exemple l'embargo russe. Un tiers des exportations de fromage de l'Union européenne se faisait à destination de la Russie, de même qu'un quart des exportations de beurre. Ou encore comme la Chine, qui achète mois de poudre de lait.
Mais il existe aussi des raisons structurelles ?
Oui, comme le coût du travail, le poids de la fiscalité, la petite taille des exploitations et l'inadaptation de beaucoup de bâtiments d'élevage et d'abattage nécessitant un plan de modernisation. Mais difficile de moderniser quand les marges sont actuellement inexistantes ou presque et quand personne ne sait vraiment quelles vont être les conditions du marché dans les prochains mois, dans les prochaines années.
La question, c’est comment en est-on arrivé là ?
D’abord, historiquement, les agriculteurs ont toujours eu un poids politique très important, nourrir les citoyens étaient un enjeu économique, social et politique. Mais ce poids s’est lentement érodé avec l’ouverture des marchés domestiques et la pléthore qui en a découlé. Aujourd’hui, la distribution achète non seulement des aliments dans d’autres pays européens, mais aussi un peu partout dans le monde. Et pour beaucoup de produits alimentaires, c’est moins cher qu’en Belgique.
Mais il y a eu les aides européennes quand même …
Oui, pendant plus d’un demi-siècle, les agriculteurs ont bénéficié de la PAC, la Politique Agricole Commune, avec des prix largement rémunérateurs. Un système qui a poussé les fermiers à augmenter leur productivité pour rester concurrentiel tout en masquant le manque de compétitivité. Mais aujourd’hui, les agriculteurs sont livrés aux règles du marché. Mais il ne fallait pas être Madame Irma pour comprendre que c’était un emplâtre sur une jambe de bois car nous ne jouons pas dans la même catégorie en matière de coût, même comparés aux Allemands.
Où sont les solutions alors ?
A mon sens, d’abord conserver temporairement les mécanismes européens d’amortissement de la surproduction pour préserver autant que faire se peut le tissu agricole productif. Ensuite, aider les agriculteurs à adapter leur production pour sortir des produits de moyenne ou faible valeur ajoutée et évoluer vers des produits plus hauts de gamme, comme le bio, qui aujourd’hui n’atteint que 5% de la production. Mais cela ne fonctionnera qu’à deux conditions. D’abord que l’ensemble de la distribution évolue, nombre de producteurs de bio doivent reclasser leurs produits, notamment bovins, en produit classique car le marché ne parvient pas à les distribuer. Et ensuite, éduquer le client et les filières pour que les consommateurs comprennent comment mieux manger, comment mieux valoriser ce qu’ils ingurgitent et qui déterminera fortement leur santé de demain. Et donc, pourquoi payer un peu plus pour manger moins mal. Enfin, n’oublions pas l’absolue nécessité de développer des liens plus étroits entre agriculteurs et distributeurs.
Bruno Wattenbergh
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