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Le couple, une des premières victimes du chômage: "Un jour, on n'a plus de projets et c'est fini"

Le couple, une des premières victimes du chômage: "Un jour, on n'a plus de projets et c'est fini"
 
 

"Le chômage a, à 75%, eu raison de mon couple", résume Esther, 29 ans, ex-compagne d'un chômeur. De fait, la perte d'emploi est synonyme de séisme pour beaucoup de couples, selon les experts. Mais, comme une bombe à retardement, c'est bien après les crises économiques que les divorces voient leur nombre augmenter.

Plus de 3,5 millions de chômeurs en France, 350.000 séparations par an. Y a-t-il un lien de cause à effet? Expérience douloureuse pour l'individu, "le chômage accroît le risque de ruptures conjugales", comme l'ont montré des études micro-économiques menées dans plusieurs pays européens, répond Anne Solaz, chercheuse à l'Institut national d'études démographiques (Ined), interrogée par l'AFP.


"Entre perte d'emploi et séparation, démêler les causes des effets reste très compliqué"

Selon elle, en France, "il semble que le chômage qui intervient dans les premières années de la vie de couple augmente davantage le risque", tout comme les licenciements individuels - les plans sociaux étant davantage vécus comme "une malchance que comme une remise en cause des compétences". "Toutefois, entre perte d'emploi et séparation, démêler les causes des effets reste très compliqué", nuance la démographe.


Esther: "Un jour, on n'a plus de projets et c'est fini"

Esther (prénom modifié) vient de se séparer de son amoureux après sept années de vie commune. "On m'avait dit: Tu verras, le chômage ça éreinte le couple, ça s'immisce discrètement et un jour c'est la crise. Je n'y croyais pas et c'est exactement ce qui s'est passé: un jour, on n'a plus de projets et c'est fini", raconte la jeune femme, usée de s'être battue des années durant au côté de son compagnon, toujours en recherche d'emploi.


"Les conséquences sont beaucoup plus sévères quand c'est l'homme qui est touché par le chômage"

Déjà, en 1845, le philosophe allemand Friedrich Engels s'interrogeait sur les répercussions du chômage sur la vie familiale, s'étonnant de la révolution qui voit un homme se retrouver à assumer les tâches ménagères. De fait, "les conséquences sur les unions sont beaucoup plus sévères quand c'est l'homme qui est touché par le chômage, car il est encore souvent investi du rôle de pourvoyeur de ressources et que son statut social est remis en question", note Didier Demazière, sociologue, directeur de recherche au CNRS.

"Le chômage a des conséquences psychologiques et financières, mais les effets sont aussi tangibles sur le rythme de la famille, le comportement: plus rien n'est comme avant. Les tentatives des proches pour en parler, même bienveillantes, apparaissent souvent comme une demande de comptes", selon le sociologue.

Didier Lebret, 63 ans, accompagne des chercheurs d'emploi pour l'association Solidarités nouvelles contre le chômage (SNC). "La perte d'un emploi, qui implique un sentiment de grande solitude et de perte de confiance, a forcément un impact fort sur l'intimité", dit-il.


Elle cachait son chômage

Le bénévole cite le cas de cette femme de 50 ans, employée toute sa vie dans un magasin de jouets, qui se retrouve au chômage pour la première fois: "Elle était en conflit avec son mari car elle voulait que personne ne le sache. Elle quittait son domicile le matin, marchait dans la rue ou allait dans des cafés. Aujourd'hui il y a des millions de chômeurs, on a l'impression que la parole est libérée, mais pas du tout".

A en croire des études macro-économiques américaines, le divorce décline pendant les premières années d'une récession économique, et augmente ensuite. "La séparation coûte cher, c'est d'ailleurs pour cela que beaucoup de couples séparés continuent dans un premier temps à vivre sous le même toit", souligne la démographe Anne Solaz.


Dans certains cas, le couple en ressort conforté

Il est toutefois des cas où le chômage, en bouleversant le rythme du foyer, produit, paradoxalement, des effets bénéfiques. Laurent, 43 ans dont trois de chômage, se réjouit de pouvoir aller chercher sa fille à l'école, s'investir comme parent d'élève. "C'est finalement davantage ma compagne qui souffre de la situation", dit-il. Et les couples qui survivent en sortent "consolidés", pointent les experts.

Caroline, 35 ans, vit depuis six ans avec Sébastien, qui a connu trois pertes d'emploi consécutives dans le secteur de la communication. "Au début, je ne voyais pas comment l'aider, je me sentais sombrer avec lui, confie-t-elle. Et puis, un jour, j'ai décidé de me concentrer sur le rôle de la conjointe avec laquelle il peut rire, profiter de son temps libre. In fine, on se sent plus fort comme couple".


 

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