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"On renvoie ces migrants gravement malades à la mort": les régularisations pour raisons médicales de plus en plus refusées

 
 

Les régularisations pour raisons médicales sont de plus en plus refusées dans notre pays. C'est en tout cas le constat de nombreux professionnnels de la santé et d'avocats. Ensemble, ils dénoncent dans un livre blanc cette situation. Selon eux, beaucoup de ces patients mourront s'ils sont renvoyés.

Des médecins, avocats, juristes et assistants sociaux du pays ont réalisé ensemble un Livre blanc pour dénoncer le caractère "toujours plus restrictif" de la procédure d'autorisation de séjour pour raisons médicales, la comparant à un "permis de mourir" sur le territoire belge. Le document a été présenté ce jeudi dans les locaux de Médecins du Monde à Bruxelles. Les auteurs dénoncent "de nombreux dysfonctionnements", après avoir constaté ces dernières années une importante diminution des régularisations pour raisons médicales. En 2013, seules 148 autorisations de séjours ont été délivrées sur base de cet article 9 ter, soit 1,6% des demandes clôturées par l'Office de étrangers (OE). La tendance pour 2014 n'est pas plus encourageante. Ce nombre a même chuté de moitié après l'instauration en 2012 d'un "filtre médical" visant à "éviter les abus".


"Soit des hypocrites, soit des menteurs"

Face à une situation particulièrement préoccupante de "migrants gravement malades", "il n'est plus tolérable que l'Office des étrangers fasse de l'article 9 ter un 'permis de mourir'", s'insurgent les travailleurs de terrain. "Nous sommes face à des migrants malades, soit des personnes doublement fragilisées", souligne Alexis Deswaef, président de la Ligue des Droits de l'Homme. Or, la politique actuelle vise à "régulariser le moins de monde possible pour des raisons statistiques, au détriment des personnes que l'on renvoie à la mort". "Des aspects juridiques et médicaux analysés montrent que la déontologie médicale est violée par l'Office des étrangers. Certains avis sont davantage juridiques que médicaux et sont émis sans même consulter le patient", ajoute Céline Verbrouck, présidente de la Commission étrangers de la Ligue des droits de l'Homme. "Ceux qui renvoient des migrants gravement malades dans leur pays d'origine, en Afrique notamment", sous prétexte que leur suivi médical sera assuré comme il faut sont "soit des hypocrites, soit des menteurs", a déclaré le professeur Nathan Clumeck du Services des maladies infectieuses du CHU Saint-Pierre.

"Chez nous, la loi est appliquée dans le sens d'une idéologie politique. (...) Un médecin ne doit pas se soumettre à une décision qui n'est pas sa conscience, mais certains n'ont pas cette éthique, et sont soumis à une logique bureaucratique." On observe d'ailleurs une augmentation du nombre de plaintes à l'Ordre des médecins pour violation de la déontologie médicale, selon Céline Verbrouck. Jacques Machiels, président de l'Ordre des médecins du Brabant d'expression française, a par ailleurs évoqué la situation de quatre médecins qui ont récemment quitté l'OE "pour raisons de conscience".


Témoignage d'une patiente atteinte du sida

Plusieurs exemples de cas de patients ont été abordés lors de la conférence de presse, comme ce décès survenu en 2013, alors qu'une procédure 9 ter était en cours. "L'Etat a préféré indemniser la famille du patient plutôt que d'être condamné par la Cour européenne des droits de l'Homme" (CEDH). Un autre dossier a été plaidé en septembre, "engageant la responsabilité de l'Etat belge sur l'autorisation de séjour pour raisons médicales". Une patiente est également venue témoigner. Arrivée du Burkina Faso en 2013 avec son compagnon qui demandait l'asile politique a découvert en Belgique qu'elle était atteinte du sida. Sa demande 9 ter ayant été refusée, elle est actuellement en procédure de recours. "Il y a beaucoup de ruptures dans les traitement médicaux dans mon pays, et de nombreuses pannes des machines pour faire les examens. Si je rentre, je ne serai pas bien soignée", a-t-elle raconté.

A la suite de plusieurs plaintes reçues sur la manière dont l'administration traite les demandes 9 ter, le Médiateur fédéral a décidé de mener une enquête sur le fonctionnement de cette cellule de l'OE, dont les résultats sont attendus fin de cette année. Les signataires formulent plusieurs recommandations, dont une modification de la loi pour une procédure plus "rapide et garante des droits" des patients ainsi qu'une garantie de suivi des soins dans le pays d'origine du patient en cas de décision définitive d'éloignement du territoire. Les médecins de l'OE devraient aussi "être réellement indépendants et relever du ministère de la Santé".


 

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