Troisième et dernier volet de notre dossier sur la consommation et le recyclage du papier en Belgique. Le climat et l’environnement sont au centre des préoccupations aujourd’hui. Dès lors, plusieurs moyens sont mis en œuvre par les entreprises et organismes belges, pour tenter de diminuer leur consommation de papier au quotidien. De manière générale, ils optent pour la digitalisation. Mais est-ce efficace? Le procédé est en tout cas assez gourmand en électricité.
Les entreprises de télécommunications, qui consomment encore pas mal de papier en envoyant des contrats et des factures à leurs clients, l'assurent: elles font aujourd’hui des efforts et limitent leur utilisation du papier. "La réduction de la consommation de papier fait partie d’une stratégie plus large dans laquelle nous voulons réduire notre empreinte écologique", justifie Fabrice Gansbeke, porte-parole de Proximus. Selon ce porte-parole, l’entreprise a réduit son utilisation de papier de 60% entre 2013 et 2017. "Et on a consommé 20% de moins en 2017 par rapport à 2016".
On a réglé les paramètres de nos imprimantes pour que l’impression se fasse naturellement en recto-verso
Pour ce faire, Proximus propose notamment de passer à la facture digitale. "C’est le cas pour 40% de notre clientèle résidentielle. Nous incitons nos clients à opter pour la facturation électronique, en leur envoyant des mails". Les efforts se constatent aussi dans les habitudes quotidiennes. "On incite nos employés à adopter cet esprit digital. On a réglé les paramètres de nos imprimantes pour que l’impression se fasse naturellement en recto-verso".
On a supprimé les gobelets, chaque travailleur a reçu une bouteille recyclable et un mug
Du côté de VOO, on a aussi banni le papier au sein de l’entreprise. "Sur les 6 derniers mois, on a diminué notre consommation de papier 40%", explique Marie-Pierre Dinsart, la porte-parole. "Depuis peu, on travaille en open space, cela veut dire qu’on ne laisse plus rien sur les bureaux, il n’y a plus de place pour stocker des papiers, et donc, la consommation et l’addiction au papier disparaissent". Les communications se font via l’intranet, et on constate aussi les changements dans la cantine. "On a supprimé les gobelets, chaque travailleur a reçu une bouteille recyclable et un mug".
Les banques emboîtent progressivement le pas
Autre secteur où on consomme beaucoup de papier: les banques, avec leurs contrats de dizaines de pages, imprimés en plusieurs exemplaires. Ainsi, BNP Paribas Fortis se fixe des objectifs pour réduire cette consommation. "D'ici 2020, l'objectif du groupe est de diminuer la consommation de papier de 43% par rapport à 2012", détaille Jeroen Petrus, responsable presse. "Nous paramétrons par défaut le recto-verso et l'impression en noir et blanc". Les travailleurs reçoivent leur fiche de paie de façon électronique, et ces derniers sont encadrés par des EcoCoaches. "Ils montrent l'exemple et expliquent concrètement à leurs collègues comment faire". La banque veille aussi à utiliser du papier issu de forêts durables (label FSC ou PEFC).
Du côté de la banque ING, le traitement des déchets de papier fait l’objet d’une attention rigoureuse. "Il est externalisé, et tous nos déchets sont entièrement recyclés", relate la porte-parole Julie Kerremans. Etant donné que la plupart de ces déchets sont confidentiels, il y a une procédure bien précise à suivre. "Ils sont stockés dans des poubelles sécurisées. Ils sont ensuite collectés puis déchiquetés, avant d’être recyclés".
Selon la porte-parole, la banque a produit 56% de déchets papiers en moins en 2018, par rapport à 2014. Une diminution possible, à nouveau, grâce à l’utilisation croissante des supports digitaux (comme des ordinateurs portables), ou encore à la mise en place de codes sur les imprimantes.
"On évolue vers une stratégie digitale"
Vous recevez également pas mal de papier dans votre boîte aux lettres. Magazines, folders, publicités ou bons de réduction… Une pratique courante dans le milieu du marketing, pour appâter le client. Les grands magasins ont du mal à s’en passer. "C’est l’outil idéal pour atteindre la majorité de nos clients", admet Roel Dekelver, porte-parole chez Delhaize. "Mais on est en train d’étudier la situation et on évolue vers une stratégie digitale". La société commence ainsi à communiquer avec ses clients via les réseaux sociaux. La pression de la clientèle ne doit pas non plus être négligée. "On voit que les gens sont sensibles. On reçoit des signaux des clients, et cela nous pousse à évoluer".
Des emballages plus durables
La qualité et l’origine du papier sont souvent prises en compte pour les emballages. "Toutes les denrées papier ou produits à base de fibre de bois doivent porter le label FSC, et dans quelques cas exceptionnels, le label PEFC", relate Nathalie Roisin, responsable presse au sein du groupe Colruyt. Le chaîne tente autant que possible de recourir à la pulpe de papier de recyclé. "Il est plus rude. Mais par exemple, pour le papier toilette trois couches, nous avons remplacé la couche du milieu par du papier recyclé".
L’entreprise le reconnait, les déchets de papiers et cartons sont très nombreux. "Ils sont acheminés vers les centres de retour à Hal, Ghislenghien et Ath. Ils sont alors compressés en ballots à destination des sociétés de recyclage. Chaque année, nous recyclons quelque 30.000 tonnes de carton". Colruyt espère mettre en place un affichage électronique du prix de ses produits en rayon fin 2019, de quoi économiser de nombreuses étiquettes.
"On encourage la dématérialisation"
Les mêmes évolutions sont également constatées dans les administrations."Les processus se passent de façon électronique", relate Jan Eyckmans, porte-parole du SPF Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement. "Toutes nos archives ont été classées, et on peut en avoir une copie digitale sur notre ordinateur. Tout cela demande bien sûr des investissements au niveau informatique, mais sur le long terme ça facilite le travail".
Chaque équivalent temps plein consommait une cinquantaine de kilos de papier
Même discours en Wallonie. "On a des chiffres de 2012 et 2013 qui étaient assez impressionnants. Chaque équivalent temps plein consommait une cinquantaine de kilos de papier", évoque Stéphanie Ernoux, porte-parole du SPW. Ce constat a impliqué plusieurs changements. "Concrètement, on encourage la dématérialisation, et on réduit le nombre d’impressions. On récupère le papier imprimé sur une face pour en faire du brouillon". Ces nouvelles pratiques n’ont pas encore été évaluées, mais les premières constatations montrent que la consommation de papier est en baisse.
"On consomme beaucoup moins d'énergie"
La digitalisation semble donc devenir la solution à tous les problèmes. "Il faut compter environ 10 à 15 kilowatts pour produire un kilo de papier", détaille Damien Ernst, spécialiste en questions énergétiques à l’Université de Liège. "Si on estime qu’un journal pèse 250 grammes, on en est à 3 kilowatts. Mais si on décide de le lire sur un ordinateur ou une tablette c’est seulement 40 watts. Et si on le lit durant trois heures, c’est 120 watts. On consomme donc beaucoup moins d’énergie que si on l’imprimait sur du papier", estime le spécialiste.
Même si la digitalisation fait de plus en plus d'adeptes au sein des entreprises, on remarque que dans la pratique quotidienne, il est parfois difficile de se défaire des vieilles habitudes. "On envoie de plus en plus d’emails, pour limiter la consommation de papier. Mais certaines personnes ont encore l’habitude de les imprimer, alors que ce n’est pas nécessaire", déplore Jeroen Verhoeven, chargé de mission écosystème chez Greenpeace. De plus, l'envoi d'un mail a aussi une empreinte écologique. Cela représente une émission d’environ 20 grammes de CO2. Rajoutez 10 grammes supplémentaires si vous gardez ce mail dans votre boîte électronique pendant un an.
Ce qu'il faut surtout, c'est consommer de manière responsable. Et consommer responsable, c'est en fait consommer moins
"Tout dépend du fournisseur d'électricité"
Cette pratique du "tout au numérique" a aussi un impact environnemental. "Il faut prendre en compte l’impact des minéraux qu’on doit utiliser pour construire des matériaux électroniques", poursuit Jeroen Verhoeven. De plus, tout cela entraîne une consommation accrue d’électricité par les fermes de serveurs (l’ensemble des serveurs informatiques qui tournent en continu pour répondre à la demande croissante de ces pratiques digitales). "Bien entendu, tout dépend aussi du fournisseur électricité, s’il s’agit d’énergie renouvelable ou pas".
Ce n’est pas pour autant qu’il faut arrêter la numérisation selon lui, car le progrès est en marche, et on ne sait pas l’arrêter. "Ce qu'il faut surtout, c'est consommer de manière responsable. Et consommer responsable, c'est en fait consommer moins".
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