Jeudi la N-VA a débuté une campagne choc appelant les juges à appliquer la loi. Le président du Conseil supérieur de la Justice (CSJ) Christian Denoyelle met en garde contre une dérive à la turque.
Malgré un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles assorti d'une astreinte, le secrétaire d'État à l'Asile, Theo Francken, a maintenu son refus d'accorder ce visa et annoncé qu'il irait en cassation. La N-VA a lancé jeudi une campagne sur les réseaux sociaux appelant "les juges à respecter strictement la loi" et à "ne pas ouvrir nos frontières" après que le secrétaire d'Etat Theo Francken a annoncé à la Chambre qu'il persistait à ne pas octroyer de visa humanitaire à une famille syrienne malgré un arrêt de la Cour d'appel assorti d'une astreinte. La décision et la campagne de soutien ont suscité une vive polémique.
Le président du Conseil supérieur de la Justice (CSJ) Christian Denoyelle a mis en garde vendredi contre le risque d'une dérive sur le modèle de la Turquie, en réaction à la campagne de la N-VA incitant les citoyens à s'opposer à un arrêt de Cour d'appel en matière d'asile.
"On parle parfois de la situation en Turquie, où la ligne séparant le pouvoir exécutif du pouvoir judiciaire est en train de s'estomper. Nous devons être attentifs à ne pas nous engager sur la même voie", a commenté M. Denoyelle dans l'émission "De Ochtend" (VRT-Radio 1).
"Les juges sont présentés comme déconnectés du monde"
Il n'y a, à ses yeux, aucun problème à ce qu'un parti mette en avant sa politique et émette des critiques sur des décisions judiciaires. Mais "ce qui est gênant, c'est que les juges soient rejetés en étant présentés comme déconnectés du monde". Or, le récent arrêt de la Cour d'appel qui a condamné l'État belge à octroyer un visa humanitaire à une famille syrienne et est contesté par le secrétaire d'État à l'Asile et la Migration Theo Francken (N-VA) "comporte plus que quelques pages". "Ces gens y ont réfléchi avec sérieux", souligne Christian Denoyelle, en insistant encore sur la séparation des pouvoirs.
La N-VA a lancé jeudi une campagne controversée sur les réseaux sociaux où elle appelle les citoyens à soutenir l'opposition de secrétaire d'État à cet arrêt de la cour d'appel, dénonce des juges "coupés des réalités" et réclame qu'ils appliquent la loi de manière "stricte" en n'accordant pas de papiers à "chaque demandeur d'asile dans le monde".
"Francken doit négocier avec la partie adverse"
"Dans un cas comme celui-ci, la sagesse, c'est de négocier avec la partie adverse sur l'astreinte", a souligné le ministre de la Justice, Koen Geens, lors de son arrivée au conseil des ministres vendredi. A ses yeux, deux possibilités sont ouvertes: soit payer l'astreinte, qui s'élève à 4.000 euros par jour d'inexécution, soit consigner celle-ci en attendant la cassation.
M. Geens n'a pas voulu se prononcer sur la campagne lancée par les nationalistes flamands sur les réseaux sociaux, qui attaque frontalement le pouvoir judiciaire. Il a toutefois livré quelques considérations à propos de la séparation des pouvoirs. "L'indépendance d'un pouvoir veut qu'un pouvoir ne s'arroge pas le pouvoir de l'autre", a-t-il déclaré. "Dans un cas concret, un juge a toujours raison jusqu'à ce qu'un juge d'un degré supérieur lui donne tort", a-t-il ajouté.
Le ministre de la Justice a fait remarquer que si l'on contestait une jurisprudence, comme le fait le secrétaire d'État, il est toujours possible de changer la loi. Il a aussi rappelé qu'il fallait exécuter les décisions de justice. "Ce que je sais, c'est que les décisions de justice doivent être exécutées. Nous sommes pour l'exécution des peines, et donc aussi des décisions judiciaires", a-t-il encore dit.
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