571 chevaux, le 0 à 100 km/h en 4 secondes... ces chiffres n'ont rien d'étonnants quand on conduit une Porsche, symbole allemand de l'automobile sportive. Mais cette efficacité légendaire est-elle compatible avec le principe de la voiture électrique, qui repose (aux yeux de certains dont les miens) sur l'optimisation de la consommation pour maximiser l'autonomie ? Réponse après un essai de la Taycan 4S, et une petite discussion avec un responsable local.
La dernière voiture électrique que j’ai essayée, la VW ID.3, me semblait être l’un des meilleurs compromis actuels entre prix, confort et autonomie. Et j’insiste souvent sur ce dernier point, car selon moi, le succès de la voiture électrique est directement lié à sa capacité de rouler des centaines de kilomètres avec une seule charge.
Dès lors, j’étais plutôt sceptique en prenant le volant de la Porsche Taycan 4S. Vraie Porsche, elle est dotée d’une puissance de 571 chevaux qui lui permet de faire le 0 à 100 km/h en... 4 secondes. Et la précieuse autonomie, alors ?
Des coups dans le dos...
Je pensais qu’elle allait fondre à vue d’oeil, que des 463 km d’autonomie (norme WLTP, comme d’habitude) théorique, il ne m’en resterait que 200 après quelques accélérations bien senties.
Il n’en fut rien, vous allez le voir. Or cette Taycan est assurément une vraie Porsche. Elle a beau avoir troqué le V6 (ou le V8) de la Panamera contre deux moteurs électriques (un sur chaque essieu), cette berline est une sportive qui colle à la route, notamment grâce à une hauteur de caisse très faible (on peut la régler pour avoir moins peur sur les mauvais revêtements) et un dessin digne des Porsche...
En mode Normal ou Sport, la pédale d’accélération devient sensible, vous assénant des coups dans le dos si votre pied la chatouille. Et la puissance disponible, directe bien que maîtrisée pour être progressive, semble inépuisable. Très vite, il faut lever le pied car le compteur s’affole. Je n’ai bien sûr jamais été jusqu’à la vitesse maximale limitée électroniquement à 250 km/h, mais ça ne doit pas prendre bien longtemps.
Magie ?
Et malgré tout, donc, l’autonomie ne fond pas. C’est que cette Porsche a été conçue pour une telle conduite, pour de telles accélérations. Et surtout, même si j’ai du mal à le croire, c’est la plus “petite” des Taycan. Effectivement, les modèles Turbo (680 chevaux) et Turbo S (761 chevaux !) sont nettement plus puissants, et sollicitent donc logiquement plus les batteries.
Dès lors, surtout avec l’option appelée ‘Performance Plus’ qui comprend 93 kWh de batterie, la 4S affiche une autonomie très confortable de 463 km maximum, ce qui est un peu au-dessus de la moyenne des électriques que j’ai essayées en 2020. J’ai roulé environ 200 km, avec quelques minutes de conduite légèrement sportive, et je l’ai rendue avec 220 km d’autonomie. Bref, on peut s'amuser de temps en temps tout en gardant une voiture capable de rouler une bonne semaine.
Confirmation lors de la mesure de la consommation moyenne lors de mon test: 22,9 kWh / 100 km. C’est nettement moins que la lourde Mercedes EQC (29), et c’est à peine plus que la sage Polestar 2 (21,7). Seule l’excellente ID.3 de VW fait nettement mieux avec 16,3 kWh pour 100 km. Pour y parvenir, il vaut mieux utiliser le mode 'Range', via le sélecteur rond sur le volant, et qui limite la vitesse maximale à 110 km/h, tout en rendant la pédale moins sensible.
Au niveau de la recharge, la Taycan est équipée d’un système de 800 volts. Si vous trouvez une borne ultrarapide (Porsche en construisait 2 pour son siège à Drogenbos au moment de mon essai), vous atteignez une capacité de recharge de 270 kW: “En 5 minutes, vous gagnez 100 km d’autonomie”, dit Porsche. Hélas, le réseau de recharge rapide étant ce qu'il est en Belgique, il est plus que probable que tombiez, au mieux, sur une borne 50 kW: comptez alors 2h pour passer de 0% à 100% (mais personne ne fait ça). Effectivement, comme pour toutes les autres voitures, l'idéal est de la recharger dès que c'est possible : en faisant des courses, au travail, chez vous même si c'est très lent, etc...
Détail amusant: il est possible d'activer, via le menu de l'écran tactile ou via un bouton sur le volant, un amplificateur du bruit des moteurs. Il s'agit du vrai bruit des moteurs électriques, mais décuplé pour être plus audible. Surtout utile pour se faire entendre des piétons, car ça n'a rien d'enivrant.
Plus étonnant: Porsche ne semble pas fan de la conduite mono-pédale, activée au maximum par défaut dans la Polestar 2. J'ai effectivement du cocher cette option à chaque démarrage de la voiture, pour avoir une récupération d'énergie (et donc un freinage 'moteur') digne de ce nom quand je levais mon pied de la pédale d'accélération :
Evoquons tout de même le prix de cet envoutement mécanique et électrique: 110.000€ prix de base, 170.000€ avec les options de mon modèle d'essai dont vous aurez sans doute remarqué les incroyables roues 'Aurum' (Gold).
Toutes les Porsche vont-elles devenir électriques ?
A l’issue de mon essai, j’ai discuté avec Bernard Van Bellingen, responsable presse pour Porsche Belgique.
Pour lui, voiture électrique et sportivité ne sont pas du tout incompatibles. “Chez Porsche, on vise toujours la performance. Et ce n’est pas qu’une question de puissance, car pour gagner les 24h du Mans comme on l’a fait plusieurs fois, il faut des voitures légères et puissantes évidemment, mais aussi économes en carburant: c’est aussi dans les stands que se gagnent les courses”. Donc à Stuttgart où est développée et construite la Taycan, les ingénieurs ont beaucoup travaillé sur l’autonomie de la voiture. Et c’est dans ce domaine qu’il reste beaucoup de progrès à faire. “Faire une Taycan, ça nous a pris 4 ans. On a déjà atteint un tel niveau de puissance avec les moteurs électriques, que c’est surtout l’autonomie qu’on va attaquer désormais”.
Au niveau compétition aussi, Porsche prend l'électrique très au sérieux: il a quitté la catégorie LMP1 (24h du Mans, etc) pour se lancer dans la Formula E. L’idée est toujours la même: développer de nouvelles technologies pour la compétition, et ensuite s’en servir pour les voitures commerciales.
Pour autant, Porsche ne compte pas abandonner les moteurs thermiques. Même si après la Taycan, “le prochain Macan (SUV de taille moyenne) sera électrique”, pas question de toucher à l’icône, au mythe: “la 911, elle, restera avec des moteurs thermiques: il y a encore beaucoup de progrès à faire dans le domaine”.
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