Alain Mathot, le député-bourgmestre de Seraing, a-t-il touché 700 000 euros de pots-de-vin pour la construction d'un incinérateur à Herstal ? Le principal intéressé nie les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels il est inculpé. Alors que la Chambre doit décider si elle lève ou non son immunité parlementaire pour permettre son jugement au tribunal, deux responsables liégeois habituellement antagonistes sont venu donner leur point de vue dans l’émission C’est pas tous les jours dimanche. Et ce qui les rapproche a visiblement été plus fort que ce qui les divise.
Ces deux politiciens forts de Liège étaient d’un côté Willy Demeyer, bourgmestre de Liège, président de la fédération liégeoise du PS et ami d’Alain Mathot. De l’autre, Christine Defraigne, présidente du Sénat et élue liégeoise. Face à la question posée par Christophe Deborsu dans le thème de ce débat (Les pots-de-vin, serait-ce une pratique courante dans la principauté ?), cette dernière a résumé le sentiment général sur le plateau : "Je ne peux pas laisser dire que Liège serait une zone de non-droit, une république bananière."
Les fuites dans la presse pourront servir Alain Mathot pour sa défense
Quant à l’affaire Mathot, tous deux ont rappelé les principes du respect de la présomption d’innocence. Willy Demeyer n’est pas inquiet par la composition de la commission qui va décider de lever ou non l’immunité d’Alain Mathot, commission formée par 4 Flamands dont 2 N-VA et 2 francophones dont un MR. "Je laisse travailler la commission. (…) Ce qui m’inquiète, c’est que les violations systématiques du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence sont de nature à un moment ou à un autre poser problème parce que les juges du fonds vont devoir aussi les constater", a-t-il déclaré. Et les avocats de M. Mathot, s’il son immunité est levée, ne manqueront pas de mettre ce problème sur la table.
Même son de cloche du côté de Mme Defraigne : "Je ne suis pas une amie de M. Mathot mais je suis extrêmement interpellée parce que je pense que, qu’on soit homme ou femme politique, joueur de foot, rock star ou Germaine de la Place Saint-Lambert, on a le droit à la présomption d’innocence, et elle repose aussi sur le secret de l’instruction. Je pense que les 3 piliers présomption d’innocence, secret de l’instruction et procès équitable doivent être respectés pour tout le monde. Je respecte le travail de la presse, mais je me dis, quand je lis 'les enquêteurs disent ceci cela', qu’il y a des fuites. Elles viennent d’où ?" : s’est demandée Christine Defraigne.
Les fuites vers la presse posent donc problème, même si c’est le travail du journaliste d’investiguer et de protéger ses sources, d’autant qu’"un journaliste n’est pas tenu au secret de l’instruction", a tout de même rappelé Alain Raviart.
Un politicien ne doit pas démissionner parce qu'il est inculpé, mais seulement s'il est condamné
Quant à la question de savoir s’il y aurait lieu pour les politiciens de se mettre d’accord pour qu’un élu doive démissionner à partir du moment où il est inculpé, tous deux ne le conçoivent pas. Willy Demeyer rappelant "deux exemples : M. Detremmerie (PS, ndlr), qui vient de se suicider il y a quelques jours et qui a été blanchi le jour après. Et M. Fournaux (MR, ndlr) est un autre exemple, mais lui a fait front et est resté en place." Conclusion : "C’est quand quelqu’un est condamné qu’il doit faire un pas de côté."
Rappel des accusations portées sur Mathot et de sa défense
Et si vous n’avez pas suivi l’affaire, le journaliste indépendant David Leloup, qui connait parfaitement le dossier, l'a résumée pour vous:
Alain Mathot est inculpé de corruption passive dans l’affaire Inova depuis 2011. 700.000 euros auraient abouti dans ses mains via des pots-de-vin en cash. Pour le journaliste, c’est crédible car "le corrupteur actif, M. Leroy, de la société Inova, est en aveux. Il a affirmé à plusieurs reprises aux enquêteurs avoir remis des enveloppes de cash à Alain Mathot lors de séjours à Paris dans des hôtels." Mais pour Alain Mathot, il s’agit là pour M. Leroy de couvrir ses propres vols. Pour le politicien, l’homme d’affaire "a gardé les 13 millions l’argent pour lui et, pour pouvoir camoufler son larcin, a dit qu’il avait donné 700.000 euros" au bourgmestre de Seraing pour obtenir l’affaire. Quant à tous les paiements importants étrangement effectués avec du cash par Alain Mathot après cette affaire, il ne les nie pas. Il avoue avoir dépensé cet argent dans une nouvelle cuisine, en voyages, etc., mais il prétend avoir gagné l’argent au casino, en France et à Las Vegas. Pour le journaliste, c’est également crédible : "Une commission rogatoire a été réalisée au casino de Mandelieu près de Cannes. Il y a une commission rogatoire qui a été réalisée. Mais il y a perdu de l’argent. Ça pourrait venir de Las Vegas", note M. Leloup qui explique que les voyages d’Alain Mathot à Las Vegas peuvent être prouvés.
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