A travers sa plateforme 'Arts & Culture', Google continue d'enrichir sa collection d'œuvres d'art numérisée et de musée accessible en visite virtuelle. Dernièrement, le géant du web a posé son appareil photo très spécial à Gand, avant qu'une partie fraîchement restaurée de l'Agneau Mystique ne regagne sa chambre forte. Le résultat: des détails qui ressurgissent grâce à une image de 8 milliards de pixels, accessible à tous via une simple page web. Explications.
L'Agneau Mystique est une œuvre d'art qu'on ne présente plus. Peinte par les frères Van Eyck en 1432, c'est l'une des premières œuvres magistrales (environ 4 mètres sur 5 mètres lorsque les panneaux du polyptique sont ouverts) marquant les débuts de la Renaissance artistique et l'âge d'or des 'primitifs flamands'.
Si on en parle cette semaine, c'est parce que la moitié de la nouvelle restauration (une précédente a eu lieu en 1952) s'est achevée récemment. Les panneaux extérieurs (ceux visibles quand le retable est fermé) ont été rafraichis durant ces 4 dernières années, tandis que ceux de l'intérieur devraient être rajeunis entièrement d'ici à 2019 (ils sont actuellement au Musée des Beaux-Arts de Gand pour restauration).
Google, dans le cadre de son programme 'Arts & Culture', a planté son appareil photo devant les 8 panneaux extérieurs de l'Agneau Mystique, avant que ceux-ci soient réinstallés dans la Cathédrale Saint-Bavon.
La 'Art Camera' en pleine action devant un des panneaux de l'Agneau Mystique (©Google)
Comment fonctionne la 'Art Camera' de Google ?
Mais pas n'importe quel appareil photo. La 'Art Camera' de Google est active depuis environ un an, et a accéléré la 'supernumérisation' des grandes œuvres d'art dans le monde entier. Il s'agit d'un appareil photo robotisé, créé par et pour Google. En réalité, un mécanisme très précis déplace l'objectif au fur et à mesure, pour que celui-ci prenne des milliers de clichés en gros plan (en zoomant au maximum sur quelques centimètres carrés).
Pour être certain que la mise-au-point soit correcte sur chaque coup de pinceau, la 'Art Camera' est équipée d'un laser et d'un sonar qui, comme chez la chauve-souris, utilise des sons en très haute fréquence pour mesurer la distance très précise de l'œuvre d'art.
Lorsque tous les détails du tableau sont capturés, c'est l'expertise logicielle de Google qui entre en scène et assemble les milliers de clichés numériques, comme un puzzle, pour en faire une immense image dans laquelle on peut se déplacer et zoomer où bon nous semble.
Pour les panneaux extérieurs de l'Agneau Mystique, 4.000 photos en super zoom ont été prises et assemblées en une image de… 8 milliards de pixels ! A titre de comparaison, si vous faites une photo avec un bon appareil de l'ensemble des panneaux extérieurs, vous ne capturez "que" environ 20 millions de pixels (5.568 x 3.712). Le résultat peut être apprécié sur cette page rassemblant les différentes numérisations de Google liées à cette œuvre.
L'incroyable puissance du zoom sur les panneaux extérieurs...
Objectifs: rendre accessible, dévoiler des détails, préserver
Depuis que Google a commencé son travail de supernumérisation avec ses 'Art Camera', c'est près de 2.000 œuvres qui peuvent désormais être analysées dans les moindres détails graphiques par n'importe qui. Un simple navigateur web (ou l'application d'un smartphone) suffit…
"L'objectif est double et est lié à la mission de Google Arts & Culture: donner accès au patrimoine culturel de manière spectaculaire, et préserver les œuvres de nos plus grands artistes", nous a confié Michiel Sallaets, Communications Manager de Google Benelux.
L'intérêt principal, en effet, est de pouvoir contempler des œuvres d'art présentes dans les musées du monde entier, sans devoir s'y rendre.
L'autre avantage de cette technologie, c'est que l'on peut désormais observer de très près les œuvres, comme si on collait son nez dessus. Ce qui est heureusement interdit avec la grande majorité d'entre elles, car, datant de plusieurs siècles et sensibles à la lumière et à l'humidité, elles sont souvent protégées par un présentoir, un cordon, une vitre, etc…
C'est le cas du gigantesque Agneau Mystique des frères Van Eyck, qui, peint sur bois au 15e siècle, est carrément protégé dans une chambre forte. Les visiteurs sont situés à plus de deux mètres et ne peuvent pas distinguer les détails du tableau.
Enfin, une telle numérisation promet une sauvegarde intemporelle des œuvres d'art, à l'épreuve du temps et des incidents.
Dans la Cathédrale Saint-Bavon, il faut se contenter d'une vue lointaine de l'Agneau Mystique (panneaux intérieurs)
Derrière la fenêtre, une vision du Gand médiéval
Avec la supernumérisation des panneaux extérieurs fraichement rénovés du retable, on découvre par exemple le Gand de l'époque médiévale à travers la fenêtre de l'intérieur d'une habitation. Un petit détail qui était à peine visible avant la restauration, et qui nécessite le zoom puissant de l'appareil photo de Google pour qu'on l'apprécie à sa juste valeur.
Impossible de voir, si on se tient debout derrière la vitre dans la Cathédrale Saint-Bavon, que les Van Eyck ont pris la peine de placer des personnages discutant au pas de la porte de certains immeubles. Ils ne représentent que quelques coups de pinceaux très adroits dans un recoin…
Sur le site Google Arts & Culture, une "exposition" (un genre de présentation faisant défiler image, zoom et texte) consacrée à la numérisation de cette restauration rassemble et commente les détails les plus intéressants sur les panneaux extérieurs.
On ne peut qu'apprécier cette nouvelle manière d'observer des œuvres d'art, même si les puristes évoqueront l'importance de l'atmosphère et de la spiritualité (dans le cas d'une œuvre d'art située dans une église, par exemple) qui encadrent certaines œuvres. Les couleurs, également, sont très variables d'un écran d'ordinateur ou de smartphone à l'autre.
La seule manière de les voir telles qu'elles sont, et d'apprécier une œuvre aussi grande et impressionnante que l'Agneau Mystique dans sa globalité, c'est encore et toujours (et heureusement…) de se rendre à la Cathédrale Saint-Bavon.
Le vieux Gand, à apprécier de la fenêtre d'un des panneaux extérieurs rénovés
La 'Art Camera' vue de face
Vos commentaires