Malgré certaines craintes de voir Apple être victime de la guerre commerciale entre Pékin et Washington, la firme ne devrait pas trop en pâtir, grâce aux fondations solides que le géant américain a su bâtir en Chine et à l'interdépendance des deux pays.
Le fabricant de l'iPhone connaît certes depuis quelques mois un repli de son chiffre d'affaires en Chine (10,2 milliards de dollars sur les trois premiers mois de l'année contre 13 milliards un an plus tôt), mais selon plusieurs analystes interrogés par l'AFP, cela est d'abord dû au ralentissement économique dans le pays plutôt qu'à la guerre commerciale.
Cette guerre à coups de droits de douane réciproques se cristallise en grande partie autour de la technologie, domaine dans lequel les deux puissances sont en concurrence frontale, mais aussi très interdépendantes.
Le ralentissement économique chinois, c'est aussi l'explication donnée par le patron d'Apple, Tim Cook, pour expliquer la baisse des ventes en Chine, qui était sur le premier trimestre son troisième marché, derrière les Amériques et l'Europe.
Apple est dans une situation malcommode, tant il est dépendant de la Chine, où il fabrique une partie de ses appareils et où il écoule des millions d'iPhone chaque trimestre.
Et à l'heure où le président Donald Trump multiplie les attaques contre le géant chinois des équipements télécoms Huawei, les autorités chinoises pourraient être tentées d'agir contre Apple en représailles.
"C'est toujours délicat quand il s'agit de sociétés vues comme des trésors nationaux", relève l'analyste spécialisé Rob Enderle (Enderle Group).
"Il y a certainement un risque que les choses dégénèrent au-delà du raisonnable", poursuit-il, car "à mesure que les Etats-Unis tapent sur Huawei, Apple est une cible logique pour des représailles chinoises".
Pour l'heure, les experts sont plutôt d'avis que la taille d'Apple, son image de marque et les années passées à entretenir des relations commerciales avec la Chine devraient le prémunir de ripostes directes de la part de Pékin, qui défend bec et ongles Huawei, accusé par Washington d'espionnage au profit des autorités chinoises.
Les Etats-Unis ont placé la firme --qui dément ces allégations-- sur une liste noire. Ce qui va l'empêcher de facto d'utiliser des technologies américaines et donc la couper des composants électroniques, systèmes d'exploitation ou logiciels "made in USA".
Même si Pékin attise le patriotisme face aux Etats-Unis, la direction même d'Huawei a cependant indiqué récemment qu'elle était contre l'idée de boycott des produits Apple en Chine.
- L'iPhone plutôt démocrate? -
Autre point crucial: Pékin serait d'autant plus hésitante à se venger sur Apple que le pays en pâtirait économiquement.
L'entreprise de Cupertino, en Californie, affirme en effet représenter quelque 5 millions d'emplois directs et indirects en Chine.
Et si ce sont deux entreprises taïwanaises, Foxconn et Pegatron, qui fabriquent iPod, iPhone ou iPad, leurs usines d'assemblage sont situées en Chine, où le coût de la main-d’oeuvre est très bas. Selon la presse chinoise, la moitié des iPhone ont été en 2017 fabriqués par l'usine Foxconn de Zhengzhou, dans le centre-est du pays.
"Au bout du compte, Apple fait beaucoup économiquement en Chine", résume l'analyste Carolina Milanesi, de Creative Strategies, qui ne voit pas "la Chine se servir d'Apple pour riposter".
Elle rappelle de plus le savoir-faire en la matière de Tim Cook, qui fut chargé des questions d'approvisionnement avant de succéder à Steve Jobs en 2001.
Il "connaît" la Chine et s'est attelé à comprendre comment travailler là-bas et à y cultiver des liens commerciaux solides, avance-t-elle.
Quant à l'intérêt politique de prendre Apple pour cible, il est limité pour les Chinois, explique Frank Gillett, analyste chez Forrester.
Empêcher Apple de produire en Chine entraînerait une hausse des prix des iPhone, note-t-il, mais cela devrait laisser le gouvernement américain de marbre.
"Les autorités chinoises sont plus susceptibles de cibler la base (électorale) de (Donald) Trump, qui n'est pas nécessairement très friande d'iPhone", relève M. Gillett. "Il est plus logique de s'attaquer à l'agriculture ou aux produits du quotidien".
Pour autant, la guerre commerciale entre Washington et Pékin fait peser des risques sur la croissance mondiale, ce dont Apple pourrait indirectement faire les frais, comme bien d'autres entreprises.
Enfin, il reste un atout majeur dans la manche des responsables chinois: les terres rares, des métaux essentiels aux technologies de pointe, que l'on retrouve notamment dans les smartphones.
Si les Chinois n'en sont qu'aux menaces sur ce sujet, un moindre accès à ces métaux pourrait être dommageable à tous les fabricants.
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