Vous en avez assez de cette pile de vieux GSM (ou smartphones) qui encombre un tiroir ? Alors portez-les au parc à conteneur. Ils y commenceront un fameux voyage, pour terminer en poudre ou en granulés. RTL info n'a pas du quitter la Belgique pour découvrir le cycle étonnant du recyclage d'un des "déchets électroniques" les plus abondants…
Après deux ou trois années de bons et loyaux services, votre smartphone, devenu très lent, sait à peine faire une photo correcte et ne parvient plus à installer certaines applications. Il est donc temps de changer. Selon des chiffres récents de l'entreprise de recherche Gartner, 446 millions de personnes de par le monde, durant le deuxième trimestre de l'année 2015 (d'avril à juin), se sont fait le même genre de réflexion et ont acheté un nouveau téléphone.
Mais qu'advient-il de nos chers compagnons digitaux une fois que vous avez retiré la carte SIM ? Si – hélas – la grande majorité d'entre nous préfère le laisser dans un tiroir "au cas où" durant quelques années, des dizaines de milliers de téléphones sont recyclés chaque année en Belgique.
RTL info a retracé le parcours d'un téléphone hors d'usage :
2. Le centre de transbordement
3. Le centre de démantèlement (Galloo)
4. L'extraction de métaux précieux (Umicore)
1. LE PARC A CONTENEURS OU LE MAGASIN
Pour l'utilisateur, il est très simple de donner une seconde vie aux composants d'un smartphone. Il suffit de le déposer "au parc à conteneurs, ou dans un magasin vendant des smartphones (même si vous n'en achetez pas, mais alors uniquement s'il s'agit d'un grand magasin)", nous a expliqué Katrien Verfaillie, responsable de la communication de Recupel, l'asbl qui se charge de la collecte et du traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) dans toute la Belgique depuis 2001.
Hélas, il n'y a que très peu de gens qui prennent la peine de déposer leur ancien smartphone au moment d'en acheter un nouveau. En extrapolant des chiffres que nous avons obtenus lors de notre enquête, on estime à environ 200.000 le nombre de GSM/smartphone recyclés en 2014.
Mais selon des chiffres de Gfk (une entreprise de recherche sur la consommation) il s'est vendu en Belgique, sur la même année, 3,8 millions de téléphones (dont 2,8 millions de smartphones). Il n'y a donc que 5% des acheteurs de téléphones qui prennent la peine de faire recycler leur ancien modèle (peut-être un peu plus, car il faut tenir compte de ceux qui achètent leur premier téléphone).
Or, vous allez le voir, recycler contribue à préserver notre planète et notre économie.
2. LE "CENTRE DE TRANSBORDEMENT"
Des camions viennent chercher les smartphones déposés au parc à conteneur. Alors qu'il est l'un des appareils électroniques les plus vendus dans le monde, le smartphone ne fait pas l'objet d'une catégorie à part dans la chaîne de recyclage. "Il fait partie de la fraction (la catégorie, NDLR) 'Autres appareils', qui englobe le petit électroménager, l'outillage, les écrans, les appareils de soins, etc".
Plutôt logique, à bien y regarder, car on trouve souvent dans cette catégorie les mêmes matériaux: plastique, circuit imprimé, métal et verre.
Ces petits appareils, dont les smartphones, passent d'abord par un centre de transbordement. Un premier tri y est effectué, basé sur le potentiel de réutilisation des appareils. Typiquement, une machine à laver qui semble en bon état va être mise de côté et rafistolée par une asbl, un "centre de réutilisation", employant généralement des personnes en réinsertion. Ces appareils restent donc sur le marché.
C'est rarement le cas d'un GSM. S'il est déposé au parc à conteneur, c'est qu'il ne s'allume plus ou qu'il est inutilisable. Il est donc considéré comme un appareil "usagé", un DEEE (Déchet d'Equipements Electriques et Electroniques), et est retiré de la circulation. Son recyclage concret peut alors commencer.
3. GALLOO, LE CENTRE DE DEMANTELEMENT
Recupel est l'asbl qui gère la complexe chaîne de recyclage des appareils. "Tous les trois ans, nous devons renouveler les contrats avec les sociétés" qui interviennent dans cette chaîne. "Cela se fait sur base d'un marché public", avec des critères de qualité bien précis, et des contrôles externes réguliers commandités par Recupel.
L'entreprise Galloo (située à Menin, une ville flamande voisine de Mouscron) a signé un nouveau contrat de 3 ans en juillet dernier. C'est un acteur historique (depuis 1939…) de la région en termes de récupération de matériaux. "Galloo traite la moitié des appareils de plusieurs fractions, dont le gros blancs (machines à laver, frigo) et 'autres' (qui comprend les téléphones portables)", nous a expliqué Katrien Verfaillie de Recupel.
Il est établi sur 27 hectares à Menin, et 250 personnes travaillent sur plusieurs sites rapprochés.
C'est là que nous avons appris que le Belge ne prend pas (encore) la peine de recycler ses vieux téléphones ou smartphones. "En un an, on n'a trié que 8 tonnes de GSM. Si on se base sur un poids approximatif de 80 grammes le GSM sans batterie, ça fait 100.000 pièces", affirmé Vanessa Van Lierde, du service Marketing et Communication de Galloo.
"Cela ne représente que 0,05%" des déchets électriques et électroniques (DEEE) traités par Galloo, qui en engloutit 20.000 tonnes par an au total.
Mais que fait Galloo avec les smartphones récoltés ? En réalité, pas grand-chose… "Il y a d'abord la dépollution". Dans un immense hangar, de grands bacs en bois arrivent avec toutes sortes d'appareils, du taille-haies au GSM, en passant par la télévision, l'imprimante et le four à micro-ondes. Dans chacun de ses appareils, il y a des éléments dangereux pour l'environnement.
Dans le cas d'un GSM, il s'agit uniquement de la batterie, "mais on doit faire attention à ne pas briser l'écran, car il y a également des éléments nocifs à l'intérieur", nous a expliqué le responsable du site. Sur un tapis roulant, une vingtaine d'ouvriers "issus de l'économie sociale" retirent les batteries en les jetant dans un bac.
Les GSM sans batterie sont ensuite entreposés dans de grands bacs, puis revendus à Umicore, un acteur majeur du recyclage au niveau international, "car ils ont les technologies pour extraire les métaux précieux".
Pour autant, notre GSM ne quitte pas la Belgique: de Menin, il est envoyé à Hoboken, près d'Anvers.
4. UMICORE, L'EXTRACTION DE METAUX PRECIEUX
Vous l'ignorez probablement, mais la Belgique est à la pointe en matière de recyclage de métaux précieux. Elle doit cela à une entreprise, Umicore, dont l'histoire remonte à 1805, alors que Napoléon accordait à Jean Dony l'exploitation de la mine "Vieille-Montagne", à Moresnet, un endroit qui se situe aujourd'hui à la frontière de la Belgique et de l'Allemagne.
Mais c'est avec l'Union Minière, puis l'Union Minière du Haut Katanga avec laquelle la Belgique a exploité les ressources de sa colonie (le Congo), que cette société a pris son essor. Après plusieurs mutations, elle a changé de nom en 2001 pour devenir Umicore, concentrant ses activités sur le "raffinage" de métaux précieux.
Le siège de cette société belge est basé à Bruxelles, mais son site principal, où atterrissent notamment les GSM que l'on dépose au parc à conteneurs, est situé à Hoboken, près d'Anvers, sur les rives de l'Escaut. 1.600 personnes (dont 1.400 pour le recyclage des métaux précieux) y travaillent sur des infrastructures gigantesques réparties sur 116 hectares…
Umicore est désormais un groupe international, avec 73 sites sur les cinq continents. Ses activités principales sont le recyclage de métaux précieux, la production de pot catalytique et la fabrication d'un élément essentiel des batteries au Lithium.
"Umicore est le plus grand recycleur de métaux précieux au monde", nous a expliqué Thierry Van Kerckhoven, responsable de l'approvisionnement des produits recyclables. C'est lui qui se charge, entre autre, d'acheter les téléphones portables dont Galloo a retiré la batterie.
Des téléphones du monde entier à Hoboken…
Mais le site d'Hoboken est l'unique endroit où Umicore a les infrastructures imposantes lui permettant d'extraire les métaux précieux des "déchets électroniques": il y a donc des containers entiers en provenance des cinq continents qui trouvent une seconde vie en Belgique !
Ces déchets électroniques sont sélectionnés par Umicore, qui n'accepte pas n'importe quoi. "On cible les déchets contenant des métaux précieux, même si au final on extrait que 10 grammes d'or par tonne… Et on cherche également les extractions compliquées", laissant le recyclage 'simple' à d'autres acteurs du marché.
Et parmi les déchets électroniques contenant des métaux précieux, il y a les GSM, qui en contiennent beaucoup, du moins si l'on tient compte du rapport entre le poids de l'appareil, son encombrement et la quantité de métaux extraite.
Des téléphones portables précieux, mais rares… "Sur les 350.000 tonnes de résidus et déchets métalliques traitées actuellement par an, seulement 0,1 % était des téléphones portables, soit environ 350 tonnes". Monsieur Van Kerckhoven évoque des raisons similaires aux autres interlocuteurs: les gens se débarrassent vite d'un vieux téléviseur encombrant, mais laissent trainer un vieux GSM/smartphone dans le tiroir, "au cas où"…
Inutile cependant d'aller leur déposer le vôtre: "Nous sommes à la fin du cycle de recyclage, nous ne prenons que des livraisons en tonne!", a tenu à préciser notre interlocuteur. Il faut se rendre, comme on l'a écrit au début de cet article, au parc à conteneurs.
Les raffinages: une "soupe" magique d'Umicore
Lorsque des téléphones arrivent, par tonnes, en provenance de différents partenaires, des "contrats de raffinage" sont établis pour chaque livraison. "Les premières étapes sont donc l'échantillonnage et l'analyse des échantillons": les experts d'Umicore établissent, à l'aide d'un processus de plusieurs étapes qui dure quelques semaines, la valeur des déchets à partir d'un échantillon. "On sait alors qu'il y a, par exemple, 200 grammes d'or par tonne. On fixe alors le prix avec le fournisseur" des vieux GSM (voir encadré).
Vient ensuite l'étape principale: le raffinage, ou l'extraction des métaux précieux. Le point de départ, c'est un énorme four, un "smelter" où tout est "fondu", pour faire simple. "Je compare souvent cela à une soupe, où les déchets électroniques seraient le sel, et d'autres déchets métalliques, comme des vieux pots catalytiques, seraient les carottes", nous a très bien expliqué Thierry Van Kerckhoven.
Il y a un côté magique dans cette étape qui est essentiellement chimique: "On a par exemple besoin de cuivre pour concentrer et récolter l'or contenu dans les déchets électroniques fondus ; et on a besoin de plomb pour isoler l'étain". Mais au lieu d'ajouter du cuivre et du plomb à l'état pur, Umicore sélectionne et utilise des déchets qu'il a récupérés contenant ces métaux, et les ajoute dans la fameuse soupe…
C'est là qu'Umicore est très fort: se concentrant sur l'extraction de 17 métaux précieux différents (à Hoboken), il est parvenu à intégrer tous ses "raffinages" les uns dans les autres, les uns servant les autres… Même les gaz et les scoires issus de cette fonte sont récupérés et revalorisés. Et même le plastique contenu par exemple dans les GSM: "incorporé dans notre soupe, il est fondu et augmente la chaleur: on fait donc des économies de carburant".
Tout cela rend cette société diablement efficace et concurrentielle.
Qu'advient-il finalement de notre téléphone ?
Quels sont finalement les métaux précieux qu'Umicore parvient à extraire d'un GSM ou d'un smartphone ? "Il y a quatre métaux qui nous intéressent dans les téléphones, qui sont en fait des petits ordinateurs avec des circuits imprimés assez riches: il y a de l'or, de l'argent, du palladium et du cuivre".
Sous forme de poudre, de granulés, de barre ou de plaquettes, ces métaux précieux sont récoltés par Umicore qui les remet ensuite sur le marché. Parfois, cela reste en interne, car Umicore est un grand groupe qui fabrique, entre autres, des pots catalytiques. Mais dans certains cas, les métaux récoltés sur nos smartphones sont revendus ailleurs, pourquoi pas à des fabricants… de smartphones. La boucle serait alors bouclée !
Quant aux batteries de nos téléphones, qui arrivent par une voie différente (Umicore ne s'occupe pas du démantèlement), elles sont traitées à Hoboken également, mais d'une manière distincte. "En 2011, on a construit notre propre infrastructure".
La matière récupérée est intégrée dans la fabrication de nouvelles batteries (mais ça n'est pas Umicore qui les produit).
Un GSM mort à de la valeur ! Ce n'est qu'un euro actuellement, d'accord, mais c'est un symbole et l'une des conclusions étonnantes de notre reportage: recycler rapporte de l'argent.
Nous avons également découvert que la Belgique est l'un des très rares pays au monde dont les téléphones portables (GSM, smartphone) sont recyclés sans quitter le territoire ! La raison principale, c'est la présence dans notre royaume de plusieurs acteurs incontournables du monde de recyclage.
Grâce à Recupel qui encourage et organise le recyclage de nos déchets électroniques, un vieux GSM récolté dans un parc à conteneur va être envoyé chez Galloo, à la frontière française. Il y sera uniquement démantelé (on lui retire simplement sa batterie, considérée comme un 'polluant').
Galloo va ensuite vendre ce GSM (par tonne…) à Umicore, fleuron de l'industrie belge, et l'un des plus grands acteurs du recyclage de métaux sur la scène internationale. Spécialiste de l'extraction de métaux précieux, Umicore n'a plus de mine, et puise donc ses matières premières dans le recyclage. Une étape essentiellement chimique, où l'or, l'argent, le palladium et le cuivre présents dans nos téléphones portables sont concentrés, isolés puis récoltés, avant d'être revendus et réutilisés.
Le tableau semble idyllique: recycler rapporte de l'argent, et a des vertus écologiques: on réutilise des métaux plutôt que de les extraire (de plus en plus difficilement) du sol. De plus, cela génère de l'emploi en Belgique: 250 personnes à Menin, 1.600 à Hoboken…
Mais hélas, pour l'instant, le peu de GSM que récupère Umicore ne sont que des vieux appareils ayant entre 5 et 10 ans. Peu de gens prennent la peine de déposer un smartphone hors d'usage, pourtant riche en métaux précieux.
Recupel va accentuer la sensibilisation pour le dépôt des petits appareils électroniques, afin d'augmenter leur récupération. L'idée est de placer davantage de "boites de dépôt" dans un maximum d'endroits accessibles au public, comme des magasins, des libraires, des bureaux de postes, etc.
"Pour le recyclage, tout commence au niveau du consommateur", martèle Umicore.
A bon entendeur.
Mathieu Tamigniau (@mathieu_tam)
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