En mars 2017, Hélène Kahn a été tuée par son ex-compagnon, qu'elle venait de quitter. Un crime "invisible" selon sa mère, qui demande qu'on arrête de se cacher derrière des chiffres, pour ne pas "oublier les victimes".
Cent trente femmes ont été tuées en 2017 par leur conjoint, ex-conjoint, petit ami, amant ou ex-amant, contre 123 en 2016, a annoncé lundi le gouvernement, soit plus d'une tous les trois jours.
Parmi elles, Hélène Kahn, qui aurait fêté ses 30 ans le 8 novembre. Propriétaire d'un centre équestre en périphérie de Reims, elle a été tuée le 22 mars 2017 au petit matin près des écuries où elle débutait sa journée.
"Son ex lui a asséné deux coups de couteau dans le coeur, il ne lui a laissé aucune chance", témoigne à l'AFP sa mère Annick Gauthier, qui se bat aujourd'hui pour "une meilleure reconnaissance des victimes de féminicides".
Le féminicide, défini par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l'homicide volontaire d'une femme au motif qu'elle est une femme, "n'est pas qu'un chiffre annuel, c'est beaucoup de victimes, y compris collatérales, qu'on oublie", plaide cette Rémoise de 56 ans. "Quand est-ce qu'on va réagir au fait que 130 femmes sont tuées chaque année, l'équivalent de la tuerie du 13-Novembre ?", s'indigne-t-elle.
- "Petite bagarre d'amoureux" -
La blonde Hélène, grands yeux clairs, était passionnée de chevaux et avait racheté ce centre avec sa mère six mois plus tôt. Elle gérait les cours et la trentaine de chevaux et poneys, et sa mère l'administratif. "Notre magnifique rêve était devenu concret. Mais elle n'a pas eu le temps d'en profiter", regrette Mme Gauthier.
Le jour du drame, l'arrivée du palefrenier qui appellera immédiatement les secours n'y changera rien: elle succombe quelques minutes plus tard au côté de son employé tandis que son agresseur prend la fuite.
Interpellé peu après, cet homme de 45 ans au casier vierge a été mis en examen pour "assassinat" et placé en détention provisoire. Son procès est prévu en 2019.
Selon la mère d'Hélène, jamais pendant leurs trois années de relation il n'avait été violent. Mais depuis leur séparation, principal facteur déclenchant des homicides conjugaux, son comportement avait changé et elle en avait peur.
Quinze jours avant sa mort, elle avait déposé plainte pour violation de domicile car il s'était introduit chez elle en brisant une vitre. "Cela n'a pas vraiment été pris au sérieux", regrette Annick Gauthier. "Les gendarmes y ont vu une +une petite bagarre d'amoureux+".
Au-delà de son "cas personnel", cette mère de famille, qui était présente en octobre au rassemblement parisien contre les violences conjugales organisé par Muriel Robin, veut agir pour "qu'il n'y ait pas d'autre Hélène".
"Une femme qui vient déposer plainte, c'est toujours parce qu'elle se sent en danger. Il ne faut plus qu'on la laisse repartir chez elle sans que quelque chose soit enclenché", plaide-t-elle, en appelant "à une action concertée des politiques, des magistrats et des forces de l'ordre".
Elle aimerait aussi qu'on bannisse les termes "dispute conjugale, drame passionnel ou familial" lors du traitement médiatique et judiciaire de ces faits.
"Moi la première, avant je lisais +il tue son ex et se suicide+ ou +elle rate les crêpes et se prend quatre baffes+ sans réagir. Aujourd'hui, je sais le mal que ça peut faire et à quel point ça minimise les faits", ajoute la quinquagénaire, qui a vu le visage de sa fille "placardé en Une du journal local trois jours de suite".
Annick Gauthier a revendu récemment le centre équestre: "Trop dur de continuer sans elle et de revoir tous les jours le lieu où elle a été tuée". "Elle nous manque atrocement", murmure-t-elle.
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