Ce mercredi, c'est la journée mondiale de la BPCO: cet acronyme ne vous dit peut-être rien, mais selon les prévisions de l'Organisation mondiale de la santé, cette maladie qui touche les fumeurs sera, en 2030, la troisième cause de décès dans le monde.
"Si vous m’aviez dit il y a trois ans que j’allais écrire un livre, je ne vous aurais pas cru": voilà comment Marianne Wéry, une mère de famille de Chapelle-lez-Herlaimont, désormais devenue auteure, entame le récit de son aventure. Elle a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part de l’existence de son livre-témoignage sur la maladie qui a emporté sa maman en mai 2015. Cette maladie, c’est la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), dont l’apparition et l’aggravation sont directement liées au tabagisme. Malgré le diagnostic et le danger, la maman de Marianne, fumeuse invétérée, n’a jamais lâché sa cigarette.
"Elle a reçu la première cigarette en cadeau de ses parents"
Dans son livre, intitulé "Fumer à tout prix", Marianne explique, outre la maladie, le contexte familial et le lien indéfectible qui existait entre sa maman, Claudine, et sa cigarette. Elle l'a toujours connue fumeuse: "Elle avait 14 ans quand elle a commencé. Elle a reçu la première cigarette en cadeau de ses parents, parce qu’elle avait fait une bonne action. Ça parait un peu loufoque comme ça mais elle est née juste avant la guerre. Sa famille a eu faim, et quand ils ont pu acheter le superflu, ça voulait dire qu’ils avaient l’essentiel pour vivre. Maman n’a jamais associé l’effet négatif à la cigarette, puisque pour elle c’était un plaisir, c’était un cadeau".
Lorsqu'elle est enfant, Marianne subit l’odeur de cigarette: "Je trouvais ça déplaisant. Les vêtements sentaient, et puis quand on partait en voiture avec maman, la première chose qu’elle faisait, dès qu’on était dans la voiture, c’est qu’elle allumait une cigarette. Moi, ça me dérangeait, j’entrouvrais la fenêtre de la portière, et elle me disait ferme la porte, tu vas être malade".
"Cette bronchite qui ne guérissait pas"
Toutes ces années, Claudine, la mère de Marianne, fume un paquet par jour, excepté lors de sa grossesse, où elle arrête totalement le tabac. Le diagnostic ne tombe qu’en 2006, la maman de Marianne a alors 69 ans. "Il y a eu cette bronchite qui ne guérissait pas", explique Marianne, qui détaille les symptômes: "On tousse, on crache. A un certain moment, lorsque la prise de médicaments traditionnels ne marche pas, les médecins envoient chez un pneumologue, qui fait une radio pour voir s’il n’y a pas une tache aux poumons. La radio n’a pas laissé planer la moindre ombre de cancer. Par contre, quand le pneumologue a fait une épreuve respiratoire, il a dit, ce n’est pas un cancer, vous êtes atteinte de BPCO".
"Ca débute par une toux, une expectoration matinale"
La bronchopneumopathie chronique obstructive est longtemps peu symptomatique, ce qui signifie qu’on peut vivre avec sans s’en rendre compte, car on prête peu attention aux symptômes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on estime que 2/3 des patients atteints de cette maladie… ne sont pas diagnostiqués, explique Silvia Pérez Bogerd, pneumologue au Centre de la BPCO et de la Réadaptation Respiratoire à l’Hôpital Erasme. "Ça débute par une toux, une expectoration matinale, des plaintes souvent négligées par le fumeur et attribuées aux conséquences "normales" du tabagisme. Progressivement s’installe un essoufflement à l’effort, pouvant gêner les activités de la vie courante, le patient va donc bouger de moins en moins, il se déconditionne et l’essoufflement va s’aggraver". La pneumologue insiste: "Tousser ou cracher, ce n’est pas normal".
Le diagnostic tombe: "Elle était toute guillerette"
Lorsque le diagnostic lui a été annoncé, la mère de Marianne n’a pas mesuré le danger: "Elle n’a retenu que trois mots, "pas un cancer". Bronchite est un mot qui ne fait pas peur, puisque tout le monde a déjà eu une bronchite". "Elle était toute guillerette", se souvient Marianne.
Pourtant, il ne s’agit pas d’une "simple bronchite", mais bien d’une maladie respiratoire mortelle et non guérissable: "Elle se caractérise par une obstruction persistante et lentement progressive des voies aériennes. Cette obstruction est causée par l’association, variable selon les patients, d’une diminution du calibre des voies aériennes due à une inflammation chronique (la "bronchite chronique") et d’une destruction des alvéoles pulmonaires (l'"emphysème")", détaille la pneumologue.
Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 3 millions de personnes sont décédées d’une BPCO en 2005. En 2002, la BPCO était la cinquième cause de mortalité dans le monde. D’ici 2030, elle deviendra la troisième cause de décès, selon les prévisions de l’OMS.
La première chose à faire: arrêter de fumer
Lorsque le diagnostic est établi, la première mesure à envisager est l’arrêt pur et simple du tabac: cela permet de stabiliser la maladie, de freiner son évolution.
Car elle comporte plusieurs stades, qui correspondent au degré d’obstruction mais aussi à la gravité des symptômes. Aux stades les plus avancés, le patient peut être relié à l’oxygène, ou subir une transplantation pulmonaire.
"L’arrêt du tabac est le meilleur moyen d’influer sur l’histoire naturelle de la BPCO: ça va permettre l’arrêt du déclin de la fonction respiratoire", précise la pneumologue. Mais lorsque le médecin annonce à la maman de Marianne qu’elle doit arrêter la cigarette pour ne pas aggraver son cas, elle refuse. "Je suppliais maman d’arrêter de fumer, je pleurais, je lui disais, mais maman, tu as la possibilité de continuer à vivre, en famille, avec nous, avec ta fille, tes petits-enfants, et toi, tu décides de continuer à fumer en sachant que tu vas mourir plus vite", se souvient-elle.
"Une somnolence qui évolue vers le coma"
Arrêter de fumer aurait permis d’éviter les exacerbations, ces poussées d’aggravation des symptômes. "A chaque fois, vous perdez des plumes", commente Marianne. A deux reprises, la fille de Claudine détecte à temps un gros souci. "Je la trouvais de plus en plus fatiguée, un jour je l’ai appelée le matin, et elle avait une voix rauque, complètement endormie. Je trouvais dans sa voix, dans sa manière d’être, quelque chose qui n’est pas normal. J’ai quitté mon boulot, je suis arrivée en trombe, j’ai prévenu le médecin traitant, et elle sombrait dans le coma". Sa maman était alors admise en soins intensifs: elle avait fait une carbonarcose, un processus durant lequel le poumon, malade, s'épuise et n'arrive plus à ventiler correctement. "C'est une somnolence qui évolue vers le coma, et qui engage le pronostic vital du patient", commente la pneumologue de l’Hôpital Erasme.
Malgré tout, Marianne a un jour cessé de supplier sa mère d'arrêter de fumer. "Un jour elle m’a dit, Marianne, j’ai toute ma tête, je prends mes décisions pour moi. Est-ce que tu aimerais que je décide de ta vie à ta place? J’ai dit non. Et bien c’est comme ça, ne décide pas pour moi. Tu as envie que j’arrête de fumer, mais moi c’est mon plaisir, je veux continuer à fumer", relate la fille de Claudine.
"C’est la lutte contre une addiction, et c’est un combat qu’elle n’a pas voulu mener"
La maman de Marianne décèdera à 78 ans, et le deuil passera, pour sa fille, par l’écriture. "Ce livre m’a permis d’être sereine, parce qu’une question me hantait : pourquoi préfère-t-elle la cigarette à sa fille ? Vous allez trouver peut-être que c’est idiot, mais j’avais ça en tête. C’est une maladie mortelle, non guérissable, il n’y a pas de remède, mais si on arrête de fumer, le processus destructeur ne va plus évoluer. J’ai écrit puis j’ai relu, et quand j’ai relu, je me suis dit, mais non, c’est une addiction. Il n’y a pas dans la balance, sa fille d’un côté, sa cigarette de l’autre. C’est la lutte contre une addiction, et c’est un combat qu’elle n’a pas voulu mener".
"11 personnes ont arrêté de fumer après avoir lu mon livre, et à chaque fois, j’en pleure"
Marianne a montré son récit à un pneumologue, qui l’a encouragée à le publier, nous dit-elle: "Vous ne pouvez pas garder ça pour vous", lui aurait-il intimé. Aujourd'hui, Marianne nous explique qu’elle se rend dans des écoles pour sensibiliser sur les effets du tabac, elle donne également des conférences. "Au jour d’aujourd’hui, 11 personnes ont arrêté de fumer après avoir lu mon livre, et à chaque fois, j’en pleure", confie-t-elle. Mais elle tient à le faire sans discours moralisateur, assure-t-elle, en exposant simplement la réalité de ce qu'elle a vécu.
Après ce premier livre, Marianne Wéry s'est lancée dans une carrière d'écrivaine et a publié le premier roman d'une trilogie, intitulé "Chloé, l'indésirable exceptionnelle", aux éditions du Rapois.
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