C'est une première en France: les futurs parents d'un bébé sur le point de naître, confrontés dans leur famille à plusieurs cancers foudroyants, vont pouvoir congeler son cordon ombilical à des fins thérapeutiques pour lui-même, une démarche contestée et dont l'intérêt scientifique n'est pas prouvé.
Le couple, qui attend la naissance de son premier enfant "dans les heures ou jours à venir" a obtenu du tribunal de Grasse l'autorisation de confier à une société privée la conservation des cellules de son cordon, a annoncé à l'AFP son avocat Me Emmanuel Ludot, confirmant une information du Parisien et de RTL.
Normalement, le cordon est considéré comme un déchet médical
En France, le cordon ombilical est considéré comme un déchet médical, sauf dans le cas où la femme enceinte décide d'en faire don après son accouchement. Le don est anonyme et gratuit, et est fait à la collectivité. La loi Leonetti relative à la bioéthique prévoit, par dérogation, un don dédié à l'enfant né ou aux frères ou soeurs de cet enfant en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement.
"C'est peut-être un futur cadeau que je fais à mon enfant"
"Ce qui est une première, c'est d'agir par anticipation. Le cancer n'est pas là mais on sait qu'il y a un risque avéré", a expliqué à l'AFP Me Emmanuel Ludot, l'avocat du couple d'une quarantaine d'années. Les parents redoutent de transmettre à leur enfant "un patrimoine génétique lourd". Selon leur avocat, la famille de la mère a connu plusieurs cas de cancers foudroyants du pancréas, tandis que du côté du père, lui-même "en mauvaise santé", des cancers du foie ont été rapportés.
"C'est peut-être un futur cadeau que je fais à mon enfant de pouvoir demain se soigner grâce à ça (...): j'aurais regretté de ne pas le faire, même si demain ça ne fonctionne pas", a témoigné la mère sur RTL lundi matin.
La méthode divise les scientifiques
Cette démarche "n'a pas de sens médicalement parlant", a toutefois réagi auprès de l'AFP Luc Douay, professeur d'hématologie à l'Université Pierre et Marie Curie à Paris: "Il n'existe aujourd'hui pas d'éléments scientifiques permettant de penser que le cordon ombilical contient des cellules qui pourront un jour traiter n'importe quel type de pathologie, notamment cancéreuse ou régénérer des tissus".
L'Agence de biomédecine, qui supervise le don de sang de cordon et les banques dans laquelle ce sang est conservé, rappelle également sur son site web que "conserver le sang du cordon de son enfant dans une banque pour le soigner avec ses propres cellules au cas où il serait malade plus tard ne repose actuellement sur aucun fondement scientifique validé par un consensus d'experts".
"La loi privilégie l'intérêt collectif à l'intérêt particulier", déplore pour sa part Emmanuel Ludot, qui rappelle qu'"il n'y a pas de statut juridique du cordon, par défaut la loi estime qu'il appartient à la mère, le père en est totalement écarté". "L'enfant, alors que c'est son corps, se trouve dépourvu de son cordon à peine a-t-il vu le jour", juge-t-il.
"On essaie de calmer l'angoisse des parents en leur donnant l'illusion…"
Interrogé par l'AFP, le député-maire d'Antibes (LR) Jean Leonetti, auteur de la loi relative à la bioéthique, s'est de son côté inquiété "d'une transgression éthique et d'une illusion scientifique". "On essaie de calmer l'angoisse des parents en leur donnant l'illusion qu'en gardant le cordon ils vont pouvoir le sauver de toutes les pathologies possibles", a-t-il commenté.
Le parlementaire a ajouté que les voies de recherche actuelles sur les cellules souches ne portaient pas sur le sang de cordon. "J'espère que ça ne donnera pas l'idée à d'autres et que ça ne fera pas jurisprudence", a-t-il conclu.
Le sang de cordon est actuellement utilisé pour traiter des malades atteints de maladies du sang (leucémies, lymphomes) et remplace la greffe de moelle osseuse dans certaines indications.
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