Au lendemain de marches partout en France pour réclamer une "vraie loi climat", l'Assemblée nationale a démarré lundi l'examen d'un projet de loi "d'écologie pratique" et de "bon sens" selon le gouvernement, mais fustigé par les écologistes pour son "manque d'ambition".
La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a loué à la tribune une "véritable bascule culturelle globale", qui va modifier "nos modes de vie", avec des mesures comme la suppression des vols intérieurs en cas d'alternatives de moins de 2 heures 30 en train, ou l'interdiction de mise en location des passoires thermiques en 2028 (logements classés F et G).
La majorité espère rendre "crédible" l'objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.
"Pour une vraie loi climat Stop au blabla": les militants écologistes ont pourtant vivement critiqué le gouvernement dimanche dans les rues de nombreuses villes. Quelque 110.000 personnes au total ont défilé selon les organisateurs, 44.000 selon le ministère de l'Intérieur. Et le Haut Conseil pour le climat, une instance indépendante, avait auparavant pointé la "portée réduite" des mesures prévues.
Après le dépôt de plus de 7.000 amendements, trois semaines de discussions agitées démarrent au Palais Bourbon.
La droite, qui tente de bâtir son propre logiciel écologique de "terrain" en vue de 2022, a d'emblée attaqué une écologie de "multiplication des impôts et des taxes". Les LR réclament aussi un "moratoire sur les éoliennes" et s'opposent à la "judiciarisation" des enjeux environnementaux, avec le nouveau délit "d'écocide".
Des élus écologistes comme Delphine Batho et Matthieu Orphelin relayent à l'inverse la déception de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), dont les travaux ont inspiré le projet de loi, mais ont été "détricotés" selon eux.
Ces parlementaires ont lancé lundi sur internet leur propre "débat sans filtre" avec des experts ou des membres de la "société civile".
A gauche, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a défendu en vain une motion de rejet du texte. Il a critiqué les "dangereux" manques du projet de loi, notamment sur le "100% renouvelable", après avoir plaidé il y a quinze jours pour la sortie du nucléaire dès l'horizon "2030".
"Vous découvrez l'écologie maintenant, avez-vous lu cette loi ?", a rétorqué le rapporteur général Jean-René Cazeneuve (LREM), pendant que Valérie Petit (Agir Ensemble) dénonçait "les soliloques personnels pseudo révolutionnaires" du député LFI.
- "Acceptabilité sociale" -
Les socialistes Guillaume Garot et Dominique Potier ont déploré quant à eux une loi "d'affichage", avec "des petits bouts de choses", réclamant des "propositions concrètes" comme un "prêt à taux zéro +Roulez propre+" pour acheter des véhicules non polluants.
A l'extrême droite, Marine Le Pen (RN) a défendu sa "vision localiste" de l'écologie, renvoyant dos à dos les "mondialistes avec "traités de libre échange" et "éoliennes", et les "idéologues antitout" de l'écologie.
En commission, les députés ont renforcé certaines dispositions, dont le développement du vrac dans les grandes surfaces, et en ont édulcoré d'autres, comme l'article suggérant de recourir à un système de consigne pour les bouteilles en verre.
La majorité promet des "avancées" sur la rénovation thermique des logements avec une "trajectoire financière" et un "accompagnement" des ménages. Le rapporteur Mickaël Nogal a indiqué que l'interdiction de location des logements mal isolés serait étendue à ceux classés E en 2034.
Des mesures en faveur du vélo, dont l'élargissement de la prime à la conversion, sont aussi attendues. Quant au volet publicité, les députés pourraient définir plus précisément le "greenwashing" (verdissage) des entreprises, afin de mieux le sanctionner.
Pour les menus végétariens dans les cantines, sujet qui a fait récemment polémique, Matignon ne souhaite visiblement pas aller au-delà de la simple "expérimentation" d'un choix végétarien quotidien dans les collectivités volontaires, prévue dans le texte, d'après des sources parlementaires.
Au sein d'une majorité tiraillée entre son aile libérale et une frange plus écolo-compatible, Barbara Pompili, ancienne d'EELV, promeut un chemin de "crête" entre "ambition" écologique et "acceptabilité sociale".
Les députés LREM gardent en tête la crise des "gilets jaunes", née d'une taxe sur les carburants, ou la fronde des "bonnets rouges" contre l'écotaxe poids lourds, sous François Hollande.
Cette prudence était visible en commission sur des mesures sensibles comme la mise en place éventuelle d'une écotaxe régionale pour les poids lourds dans les collectivités qui le souhaitent.
Ce n'est "pas une écotaxe", mais une "contribution spécifique" réclamée par certaines régions dans une logique de "différenciation", insiste-t-on dans la majorité.
A la tribune, le LR Julien Aubert a ironisé sur cette "quasi écotaxe" qui ne dit pas son nom: "pour le citoyen, c'est bonnet rouge et rouge bonnet".
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