Plusieurs pays d'Europe commencent à engager ou esquisser un timide déconfinement de la population à la faveur d'un ralentissement de la pandémie, un débat qui bat aussi son plein aux Etats-Unis, mais la convalescence d'une planète frappée par une récession historique s'annonce très longue.
L'Autriche a permis mardi la réouverture prudente de ses petits commerces et jardins publics. La veille, l'Espagne, l'un des pays les plus endeuillés par le nouveau coronavirus, avec 18.000 morts, avait autorisé certains travailleurs à reprendre le chemin des usines et chantiers, à condition de porter des masques distribués à grande échelle.
A Vienne, près de la gare de Westbahnhof, Anita Kakac, une retraitée de 75 ans, a enfilé son masque et assure n'avoir "pas peur de sortir". "Je me réjouis de pouvoir acheter à nouveau des fleurs. Quand on voit ces couleurs, ça fait du bien à l'âme", dit-elle.
Le restaurateur Yvan Savic, dont le chiffre d'affaires est "en baisse de 90%", espère pouvoir faire revivre son établissement, même si les conditions sont strictes: les clients doivent porter un masque et respecter les distances de sécurité.
"La vente à emporter permet juste de donner encore un peu de travail aux employés", explique-t-il.
En Autriche, la mortalité est jusqu'ici restée inférieure à celle des pays en première ligne comme les Etats-Unis, l'Italie, l'Espagne, la France ou le Royaume-Uni.
L'Allemagne, également relativement épargnée, doit annoncer mercredi un allègement des mesures coercitives, qui varient d'une région à l'autre.
Le président de l'Académie des sciences Leopoldina a toutefois déjà averti que les stades et salles de concert pourraient, dans le pire des scénarios, rester vides pendant 18 mois.
La République Tchèque a elle présenté un plan de déconfinement par étapes, à partir du 20 avril.
- Des librairies italiennes rouvrent -
La France a été le premier des grands pays les plus touchés (avec plus de 15.700 décès) à donner une date pour le début du déconfinement: le 11 mai. Ce jour-là, les écoles commenceront à rouvrir progressivement, mais pas les bars, ni les restaurants ou les cinémas, a annoncé lundi Emmanuel Macron.
Mais si "l'épidémie commence à marquer le pas", comme l'a estimé le président français, l'embellie est encore fragile: la France a enregistré mardi un grand nombre de morts du Covid-19 (762), même si le nombre de patients en réanimation, un indicateur crucial, a continué à décroître.
La reprise sera donc très graduelle. La plupart des grandes manifestations culturelles de l'été dans le pays sont annulées, le départ du Tour de France cycliste a été reporté au 29 août et les organisateurs du Festival de Cannes envisagent de "nouvelles formes" pour l'édition 2020.
A Rotterdam, la salle de concert où devait se dérouler en mai le concours Eurovision de la chanson a été transformée en hôpital de campagne, avec 88 lits.
Egalement à l'arrêt depuis plus d'un mois, l'Italie (21.000 morts) a autorisé des réouvertures localisées et très limitées de certains commerces.
Dans sa librairie de Syracuse, en Sicile, Marilla Di Giovanni se réjouit de voir revenir les clients: "C'est une fête. Les gens entrent un par un, je leur demande de garder la distance de sécurité, mais c'est la dimension humaine qui revient".
Le débat sur la fin du confinement et la relance de l'activité s'est aussi intensifié aux Etats-Unis, qui, avec désormais plus de 25.000 décès et près de 600.000 cas de contamination enregistrés, sont le pays le plus touché de la planète.
Le président américain Donald Trump doit en principe dévoiler mardi son "comité sur la réouverture" du pays.
- Polémique américaine -
Mais dans la première puissance mondiale, cette perspective s'est aussitôt teintée d'une polémique politique, entre un président qui veut dicter le tempo et les gouverneurs des Etats les plus exposés, New York en tête, qui redoutent un déconfinement précipité et mal coordonné.
Or dans l'Etat de New York, justement, le bilan est reparti à la hausse mardi avec 778 nouveaux décès dans les dernières 24 heures, pour un total de plus de 10.800 morts, même si le ralentissement de la pandémie semble de confirmer.
La reprise du travail, bien entamée en Chine, où l'épidémie avait fait son apparition en décembre avant d'y être en grande partie endiguée, est loin d'être à l'ordre du jour dans de nombreux autres pays.
Un exemple parmi d'autres: en Inde, le Premier ministre Narendra Modi a annoncé la prolongation au moins jusqu'au 3 mai du confinement de son pays de 1,3 milliard d'habitants.
Quatre mois après l'apparition du virus, la pandémie a fait plus de 123.000 morts dans le monde.
Le déconfinement est attendu avec impatience par plus de la moitié de l'humanité, cloîtrée chez elle à la demande des autorités, avec une exacerbation des inégalités sociales.
Dans une banlieue pauvre du Cap, la police sud-africaine a dispersé par des tirs à balles en caoutchouc des habitants confinés, furieux de ne pas recevoir de nourriture.
- "Pire récession" depuis un siècle -
Mais la fin des restrictions est aussi nécessaire pour limiter les dégâts économiques.
Le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi prévenu mardi que cette crise "qui ne ressemble à aucune autre" provoquerait une récession mondiale d'au moins 3% cette année, voire beaucoup plus si les mesures de confinement ne sont pas levées d'ici fin juin.
"Il est très probable que cette année, l'économie mondiale connaîtra sa pire récession depuis la Grande Dépression" des années 1930, a estimé l'économiste en chef du FMI Gita Gopinath.
Mais le ralentissement de la propagation du virus en Europe et aux Etats-Unis ne doit pas provoquer de relâchement incontrôlé, a mis en garde pour sa part l'Organisation mondiale de la santé.
"Le risque de réintroduction et de résurgence de Covid-19 va continuer", a averti son patron, Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant que la maladie constituerait une menace jusqu'à "la mise au point et la distribution d'un vaccin sûr et efficace".
Dans cette course qui mobilise chercheurs et laboratoires du monde entier, la Chine a annoncé mardi que deux vaccins expérimentaux supplémentaires passaient à la phase d'expérimentation sur l'homme.
Un premier avait déjà franchi mi-mars cette étape cruciale, mais le délai estimé avant une mise sur le marché est traditionnellement de 12 à 18 mois.
burx-mm-fff/sdu
Vos commentaires