Après la pose d'un pacemaker, Jeannine, la maman de Maryse, a rencontré des difficultés à trouver un centre de convalescence près de chez elle, dans la province de Namur. En cause, l'absence de ce type de centre spécialisé dans la province même s'ils sont permis dans des maison de repos.
Avec la période liée au Covid-19, de nombreux chamboulements traversent notre société. Le domaine des soins de santé n'est pas épargné. Maryse (prénom d'emprunt car elle veut garder l'anonymat) habite la province de Namur. Elle a joint notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous pour pousser un "coup de gueule", dit-elle.
Après l'effort, le réconfort
Sa maman, âgée de 90 ans, a subi une opération début juin. La pose d'un pacemaker. La chirurgie, assez courante, nécessite un séjour en convalescence, selon le corps médical en charge des soins de sa maman. En d'autres termes, à 90 ans et après une opération de ce type, Jeannine - la maman de Maryse - a besoin de repos, de récupérer calmement dans un centre adapté. "Elle a un bras en écharpe à la suite de l'opération. Pour cuisiner par exemple, ce n'est pas possible", rapporte Maryse. Quinze jours en convalescence ont été recommandés par le corps médical. Problème: trouver un endroit pour accueillir Jeannine n'a pas été chose facile.
La convalescence, c'est se ressourcer
Chaque mutualité offre la possibilité à ses affiliés de séjourner dans un centre de convalescence à conditions d'être en ordre de cotisation et d'être éligible aux critères d'admission. Le principal étant d'avoir subi une hospitalisation récemment.
Ces centres ou séjours en convalescence proposent un moment durant lequel les patients vont pouvoir se remettre d'aplomb après une hospitalisation mais pas seulement. De nombreuses personnes atteintes de maladies chroniques peuvent également en bénéficier.
Alain Langer est le directeur du centre 'Séjour et Santé de Spa-Nivezé'. Son centre accueille chaque année plus de 2.000 patients, soit l'équivalent de 50.000 nuitées par an. Il nous en dit plus: "La convalescence, c'est se ressourcer, retrouver des forces et se reposer. Les personnes admises sont dans une période de perte d'autonomie temporaire. Le but du séjour est de rendre les patients autonomes pour qu'ils puissent rentrer chez eux."
Valery Gobelet, lui, est le directeur du centre "la Maison de Mariemeont", à Morlanwelz dans la province du Hainaut. Son établissement possède aussi des lits de convalescence. Il définit la convalescence comme "un temps de repos supplémentaire par rapport à des structures hospitalières qui doivent parfois faire sortir assez rapidement les patients. Les patients ne sont pas encore capables de rentrer à leur domicile, mais moyennant 10 ou 15 jours de convalescence ça leur permet de rentrer ensuite tranquillement."
Une formule plus 'light'
Les hébergements en centre de convalescence ont la particularité d'être limités dans le temps. Vous ne trouverez pas – à l'inverse d'une maison de repos – des résidents permanents. Durée moyenne d'un séjour: 3 semaines. Selon Alain Langer, 93% des patients qui passent dans son centre rentrent ensuite chez eux. Pour les 7% restant "une solution en maison de repos est souvent envisagée". Le public des centres de convalescence est en grande partie âgé. Les personnes plus jeunes seront généralement dirigées vers un centre de revalidation.
La revalidation est un programme assez intense
Quelle différence entre centre de convalescence et centre de revalidation ?
Justement, quelle différence majeure avec un centre de revalidation ? "Pendant le séjour de convalescence, l’accent est mis sur le repos et le rétablissement du patient, et pas sur le traitement spécifique et intensif de la pathologie", explique PartenaMut qui propose à ses affiliés les deux formules. Alain Langer poursuit: "Un centre de revalidation est considéré comme un séjour en hospitalisation. Ce qui n'est pas le cas chez nous en convalescence. La revalidation est un programme assez intense, tandis que pour le centre de convalescence, on parle d'une revalidation plus légère. Le public n'est pas le même d'ailleurs", rappelle-t-il. On retrouve en convalescence un public généralement d'un certain âge et qui n'a pas ou plus la condition physique de faire une revalidation classique.
Des personnes viennent également chercher un moment de répit. "On a des patients qui ont subi une chimio durant des semaines, par exemple. Ils sont au bout du rouleau et ils viennent se reposer, se couper de leur bulle habituelle."
Un centre, des métiers
Différents corps de métiers travaillent dans les centres de convalescence: infirmier.e.s, aide-soignant.e.s, diététicienn.e.s mais aussi des kinésithérapeutes. "Les personnes en perte d'autonomie si elles veulent la regagner il y a quand même un minimum de 'revalidation' à faire même si nous ne sommes pas un centre revalidation", explique Alain Langer. Les kinés vont permettre de remettre tout l'appareil moteur du souffrant en route. "On est moins intense dans la prise en charge qu'un centre de revalidation." S'ajoutent aux métiers paramédicaux, ceux liés à l'hôtellerie: personnes d'entretien, serveurs, cuisiniers, etc.
Des recherches infructueuses
Revenons un instant à Maryse et sa maman. Comme le veut la procédure et après son opération, le service social de l'hôpital où Jeannine séjournait – le CHU Mont-Godinne – a complété un formulaire d'admission suite à la recommandation médicale. Les recherches ont alors commencé pour trouver un centre de convalescence pour la maman de Maryse. Mais surprise, les deux femmes n'ont trouvé aucun centre de ce type dans leur région. Et pour cause, il n'en existe pas. Nous y reviendrons plus tard. A l'heure d'écrire ces lignes, la situation est désormais réglée pour Maryse et sa maman. La mutualité chrétienne (MC) - à laquelle est affiliée Jeannine - lui a proposé un séjour dans l'un des trois centres agréés par la mutualité. Son séjour s'est récemment achevé à Spa au centre 'Séjour et Santé de Nivezé'.
Des entrées réduites suite au Covid-19
En pleine crise coronavirus, les opérations non urgentes avaient été supprimées durant de nombreuses semaines. Résultat, les centres de convalescence ont été forcément impactés comme nous l'explique Alain Langer à Spa: "A partir de fin mars-début avril, nous avons senti la diminution des opérations en milieu hospitalier. Ensuite à partir d'avril, nos activités ont fortement diminué. Maintenant, les hospitalisations ont repris et on voit des dossiers 'classiques' arriver chez nous", explique-t-il.
Même constatation dans la province voisine du Hainaut. Valery Gobelet, directeur de 'La Maison Mariemont', confirme l'impact logique du coronavirus sur les séjours "Nous sommes surtout liées aux sorties d'hôpital. Comme les programmes hospitaliers ont été mis à l'arrêt, il est clair que le centre de convalescence a été fortement impacté. On a eu beaucoup moins de demande à ce niveau-là. Malgré cela, on a continué à faire des entrées, mais c'était très limité."
Deux structures intermédiaires de décontamination
Dans les deux centres, les admissions ont pu se poursuivre malgré la crise liée au coronavirus. Pas de restrictions à ce niveau-là des autorités. Mieux encore, pour celui de Spa-Nivezé, les autorités ont mis en place courant du mois d'avril une aile spéciale pour les patients atteints du coronavirus. En avril, en pleine crise, la Wallonie a ouvert deux structures intermédiaires de décontamination, à Spa et à Charleroi, pour soulager les maisons de repos et les hôpitaux face à l'afflux de résidents et de patients atteints du coronavirus.
Au total, 50 places sont encore disponibles: vingt lits au centre de Séjour et Santé de Spa-Nivezé et trente lits sur le site de l'hôpital Vincent Van Gogh à Charleroi. "Les patients étaient dans un étage bien séparés de notre bâtiment. Nous avions mis en place une quarantaine à l'arrivée. On a pu donc éviter que le virus ne se répande dans notre structure", fait savoir Alain Langer.
Selon Mme Morraele, la ministre wallonne de la Santé, ces premières structures permettent de maintenir une capacité hospitalière sous contrôle tout en évitant des contaminations complémentaires dans les maisons de repos et les structures d'hébergement (handicap, soins psychiatriques).
Pas de cadre légal pour les centres de convalescence en Wallonie et à Bruxelles
En nous alertant sur sa situation, Maryse ignorait que la problématique soulevée - l'absence de places pour un séjour de convalescence dans le namurois - n'est pas liée au Covid-19. Il existe en réalité peu de centres de convalescence en Wallonie. Exemple: la mutualité chrétienne propose à ses affiliés trois endroits pour tout le territoire belge: deux en Flandre et un seul en Wallonie. Solidaris, la mutualité socialiste, suggère à ses affiliés deux en Wallonie et un seul en Flandre. Pourquoi si peu d'endroits où suivre une convalescence ?
Contrairement à la Flandre, en Wallonie et à Bruxelles les centres de convalescence ne sont ni reconnus, ni subsidiés. Nous sommes face à une absence totale de cadre légal.
Ca se complique
Un vide juridique "anormal" selon la Mutualité chrétienne qui dit avoir alerté la Région wallonne sur la situation à de multiples reprises. "De notre côté, c'est notre cheval de bataille", nous explique le service communication de la mutualité. "Ces centres contribuent à la réduction de durée d'hospitalisations. C'est très important avec le vieillissement de la population et l'augmentation des maladies chroniques", explique encore la mutualité chrétienne.
Avec cette absence de cadre légal et de conventions, les frais liés aux séjours dans ces centres sont compris dans ceux des assurances complémentaires et non dans l'assurance obligatoire. Seuls les frais liés aux soins sont repris dans l'assurance obligatoire. Exemple : si vous devez suivre des séances de kinésithérapie dans le centre de convalescence, ils vous seront remboursés (fédéral). Les frais liés au séjours (nuit, nourriture), eux, dépendent de votre assurance complémentaire.
Résultat, la note peut vite monter si vous ne bénéficiez pas d'assurance complémentaire. Pour 14 jours à Spa-Nivezé comptez 1.400 euros environ. Avec l'intervention de la mutualité, et en fonction de votre profil, le prix peut diminuer jusqu'a 200 euros pour deux semaines.
On compare des pommes avec des poires
Profitant de ce vide juridique, certaines maisons de repos proposent proposent des séjours de convalescence. Une situation que regrette Alain Langer: "On compare des pommes avec des poires. L'encadrement n'est pas le même. Dans un centre de convalescence, personne ne reste à demeure. Chacun, avec maximum 60 jours, retourne chez lui. Ce n'est pas la même dynamique que dans une maison de repos. L'objectif d'une maison de repos, à la base, ce n'est pas de la convalescence."
Concernant l'existence d'un cadre légal comme en Flandre à l'avenir, le directeur de Nivezé estime que ce serait une bonne chose: "Ça valoriserait notre expertise", conclut-il.
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