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Pesticides: un agriculteur malade attaque l'Etat en appel

Pesticides: un agriculteur malade attaque l'Etat en appel
Dominique Marchal, un agriculteur qui demande à être indemnisé par l'Etat après avoir été intoxiqué par du benzène contenu dans des pesticides et herbicides, le 18 février 2016 à Serres, dans l'est dJEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN
 
 

La solidarité nationale doit-elle indemniser les agriculteurs malades des pesticides? C'est la question posée jeudi à la cour d'appel de Metz, saisie du cas de Dominique Marchal, atteint d'un cancer, qui a mis sa décision en délibéré au mois d'avril.

"C'est ma maladie, mon combat, mais c'est aussi le combat de tous ceux qui un jour seront malades à cause des pesticides", a lancé l'agriculteur de 58 ans, cheveux gris virant au blanc sur les tempes, avant d'entrer dans le tribunal.

Derrière lui, plusieurs dizaines de soutiens ont grimpé les marches, vêtus de T-shirts avec une tête de mort sur fond orange surmontée de l'inscription "Pesticides, les fabricants responsables".

Il s'agit de mettre fin à "un long chemin, un très long chemin, un trop long chemin judiciaire", a demandé au président de la cour l'avocat de l'agriculteur installé à Serres (Meurthe-et-Moselle), Me François Lafforgue.

Depuis le diagnostic en 2002 d'un syndrome myéloprolifératif, une pathologie du sang de type cancéreuse liée au benzène présent dans plusieurs pesticides et herbicides, Dominique Marchal n'a eu de cesse de faire reconnaître sa maladie.

Tout d'abord par la Sécurité sociale, chose faite en 2006: il devient alors le premier agriculteur français dont le cancer est reconnu maladie professionnelle.

Puis en 2011, après une aggravation des symptômes et la rencontre avec d'autres exploitants malades des pesticides, il porte son combat devant la justice et demande à la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (Civi) du tribunal d'Epinal de condamner l'Etat, via son Fonds de garantie, à l'indemniser.

Les juges d'Epinal lui donnent raison, décision confirmée en appel à Nancy en 2013.

Mais le Fonds de garantie se pourvoit devant la Cour de cassation, qui casse en décembre 2014 les décisions d'Epinal et de Nancy. Les magistrats estiment notamment que la cour d'appel a commis une faute en fondant sa décision sur une ordonnance de 1943 qui incriminait le défaut d'étiquetage, mais qui a selon eux été abrogée en 1999.

Jeudi, c'est autour de ces questions qu'ont tourné les débats.

-"Illusoire"-

"Je ne suis pas l'avocat des fabricants, je ne suis pas l'avocat de l'Etat, je suis l'avocat d'une organisation de la solidarité nationale", a dit le conseil du Fonds de garantie, Me Michel Welschinger.

"Oui il y a peut-être une infraction, oui il y a des personnes qui souffrent", a poursuivi l'avocat, mais "la Civi ne peut se substituer au juge d'instruction".

"Vous pouvez frapper à la porte de la solidarité nationale. Mais pénalement, portez plainte contre les vendeurs nommément désignés" des produits incriminés, a plaidé Me Welschinger.

"Illusoire", a balayé Me Lafforgue. "Avec une plainte pénale contre autant de fabricants, on aurait attendu 20, 30 ans", avant de dresser une longue et non-exhaustive liste de fabricants, dont certains n'existent plus. Et de citer l'amiante, "dont on attend encore le grand procès".

Sa consoeur, Me Capucine Darcq, a rappelé l'obligation faite d'inscrire sur "tout emballage de tout produit" les contenus et leurs effets, alors que la présence de benzène n'était pas mentionnée sur les produits dont usait M. Marchal.

"C'est de la désinformation volontaire, organisée pour éviter que les agriculteurs renoncent à acheter ces produits", a accusé Me Lafforgue.

Après deux heures de débats, l'avocate générale, Caroline Chope, n'a pris que quelques minutes pour demander à la cour de reconnaître le droit de M. Marchal à être indemnisé. Une décision mise en délibéré au 21 avril.

"Je pense que c'est en bonne voie", a déclaré l'agriculteur, très ému, à la sortie de l'audience, entouré de ses soutiens.

En attendant, "il faut que les agriculteurs se protègent, et trouver une autre forme d'agriculture. Aujourd'hui, on n'a aucune solution de rechange", a-t-il ajouté, avant de s'en prendre au "lobby chimique".

"D'un côté, ils fabriquent les produits, ils encaissent. De l'autre, les gens sont malades et ils font les médicaments derrière", a-t-il accusé.


 

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