Alors que le Giec, le groupe d’experts sur le climat de l’Onu, vient de sortir un dernier rapport alarmant, une autre étude récente fait également parler d‘elle. Elle a été réalisée par le Potsdam Institute for Climat Impact Research et publiée dans la revue Nature Climate Change le 5 août. Sa conclusion ? La dérive nord atlantique, dont le Gulf Stream fait partie et dont la vitesse diminue depuis un siècle, montre des signes d’effondrement et pour la première fois, l’éventualité d’un passage de celui-ci en phase faible, celle-là même qu’on retrouve lors des périodes glaciaires, est sérieusement envisagée.
La dérive nord atlantique, ou AMOC (Atlantic meridional overturning circulation) en anglais, régule le climat en diffusant la chaleur emmagasinée dans les Caraïbes vers les côtes européennes, rendant le climat européen bien moins froid en hiver que celui d’Amérique du Nord. A titre d’exemple, Madrid et New York sont à la même latitude, mais New York connaît des -25°C en hiver…
L'étude, disponible ici, explique que c’est la fonte des glaces en Arctique et au Groenland qui est responsable du dérèglement du système. En temps normal, l’AMOC transporte les courants chauds des Caraïbes en surface vers l’Europe du Nord où, en se refroidissant, cette eau plonge vers les profondeurs où le courant ramène l’eau froide vers les tropiques.
Le problème, c’est qu’avec la fonte des glaces, une énorme quantité d’eau douce arrive dans l’océan Atlantique. Et cette eau moins salée est plus légère et a donc tendance à moins descendre en profondeur en se refroidissant. C’est le moteur de l’AMOC et, perturbé, sa vitesse ralentit donc.
Une précédente étude avait déjà montré que le Gulf Stream était à son niveau le plus bas depuis plus de 1000 ans. Ce que l’étude du Potsdam Institute for Climat Impact Research démontre, c’est que tout le système pourrait s’arrêter, ou plutôt passer en phase dite "faible", ce qu’aucun modèle climatique n’avait jusqu’ici réellement anticipé.
"Les résultats présentés suggèrent que ce déclin pourrait être associé à une perte presque totale de stabilité de l’AMOC au cours du siècle dernier, et que l’AMOC pourrait être proche d’une transition critique vers son mode de circulation faible", conclut l’étude dirigée par Niklas Boers, professeur au département de mathématiques et d’informatique de l’Université libre de Berlin.
"Différentes sources d’information […] indiquent que les températures de l’hémisphère Nord ont brusquement varié à des échelles de temps millénaires, au cours des époques glaciaires précédentes, avec des changements correspondants de l’AMOC entre ses modes faible et fort", rappelle l’étude. En effet, et c’est la nouveauté de cette étude, l’AMOC ne fonctionne pas selon des demi-mesures. Soit son courant est fort, comme il l’était avant le réchauffement climatique et l’est toujours, même s’il est plus lent et perturbé, soit il est faible. Il y a donc un point de basculement entre les deux états.
Et ce qui se passe en ce moment, c’est que "les résultats confortent l'hypothèse que le déclin de l'AMOC n'est pas juste une fluctuation ou une réponse linéaire à l'augmentation des températures, mais signifie plutôt que l'on s'approche d'un seuil critique après lequel le système de circulation de l'eau peut s'effondrer".
Face à ces résultats, Niklas Boers appelle les climatologues à revoir "urgemment" les modèles pour tenter de déterminer où (et donc quand) se situerait ce point de bascule. Dans quelques mois, années, siècles ou décennies ?
La seule certitude, c’est ce qui arriverait si l’AMOC venait à basculer. Les hivers deviendraient plus froids en Europe avec des tempêtes plus fréquentes. L’Amérique du Sud et l’Afrique de l’Ouest recevraient moins de pluies, augmentant les épisodes de sécheresse, sans compter l’augmentation du niveau des océans puisque la fonte des glaces serait accélérée.
Pour les auteurs de l'étude, "la probabilité que cet évènement à l'impact extrêmement fort se produise augmente avec chaque gramme de CO2 que nous émettons dans l'atmosphère".
Mais les experts du GIEC se sont par le passé montrés peu alarmistes sur la question. "L’AMOC va très probablement s’affaiblir au cours du XXIe siècle [confiance élevée en la justesse de cette prévision], bien qu’un effondrement soit très peu probable (confiance moyenne)", avait plutôt conclu le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), dans son dernier rapport sur les océans.
Le problème d’un éventuel arrêt du Gulf Stream a été popularisé par le film catastrophe "Le jour d’après", de Roland Emmerich, sorti en 2004.
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