Au lendemain du spectaculaire incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, qui n'a pas fait de victime, les inquiétudes demeurent sur les conséquences sanitaires et écologiques de cet accident industriel, et la dangerosité du site.
"Je comprends cette inquiétude car c'était extrêmement impressionnant. La préfecture était dans l'axe du panache" qui a mesuré jusqu'à 22 km de long, a déclaré vendredi matin le préfet de Normandie Pierre-André Durand sur France Bleu Normandie Seine-maritime/Eure, répétant que cette fumée ne présentait "pas de toxicité aiguë".
Déclenché jeudi vers 2h40, "maîtrisé" vers 11h, le feu était éteint vendredi matin, mais les pompiers restaient sur place pour surveiller les points chauds, ce qui "va prendre plusieurs jours", a précisé le haut fonctionnaire. Cette catastrophe industrielle n'a fait aucune victime, selon les autorités.
Alors qu'une odeur d'hydrocarbure "déplaisante", selon le préfet, persistait vendredi matin à Rouen et qu'une fumée blanche émanait encore de l'usine, nombre d'habitants ou de personnes qui étaient à Rouen jeudi se plaignaient d'irritation à la gorge. Mais "au-delà du côté irritant pour les yeux ou les muqueuses respiratoires", liées aux "odeurs d'hydrocarbures", "il n'y a pas de toxicité aiguë. On n'est pas confronté à un nuage de chlore", a confirmé le médecin généraliste Stéphane Pertuet interrogé par la radio.
Les établissement scolaires restent fermés dans 12 communes de l'agglomération de 500.000 habitants jusqu'à lundi matin. Et il est recommandé aux personnes fragiles de rester à l'abri jusqu'à vendredi soir dans ces villes et demandé aux agriculteurs de veiller à ce que leurs animaux "ne consomment pas d'aliments souillés".
Les "quelques" habitants d'un périmètre de 500 mètres autour de l'usine évacués jeudi matin ont pu regagner leur domicile jeudi soir, selon la préfecture. Après le déploiement de barrages, la pollution de la Seine a été évitée, selon les autorités.
- "Scandaleux" -
Ce deuxième accident grave en moins de sept ans dans cette usine, où ont brûlé jeudi hydrocarbures et additifs d'huile de moteur, suscitait vendredi matin indignation et questions.
"Il est scandaleux pour l'Etat de dire que le groupe Lubrizol respecte la réglementation dans son usine de Rouen alors qu'on vient d'avoir un tel incendie", a estimé Gérald Le Corre, responsable de l'union départementale CGT, interrogé par l'AFP.
L'usine qui appartient au groupe de chimie américain Lubrizol Corporation, lui-même propriété de Berkshire Hathaway, la holding du milliardaire et célèbre investisseur américain Warren Buffett ,"est aux normes telle que nous l'avons vue en 2019", a déclaré le préfet jeudi, même si "elle ne l'a pas toujours été".
"Il y a cette clémence avec les industriels parce que derrière, il y a de l'emploi. Il faut défendre l'emploi mais de haute qualité", a poursuivi le syndicaliste.
En janvier 2013, après une fuite de gaz malodorant, Lubrizol France avait été condamné à une amende de 4.000 euros en 2014, une somme aussi faible que "de l'argent de poche", aux yeux de M. Le Corre qui réclame des contrôles indépendants et regrette que Lubrizol n'ait pas été poursuivi pour mis en danger de la vie d'autrui dans cette affaire.
Concernant l'incendie de jeudi, le parquet a annoncé l'ouverture d'un enquête pour destructions involontaires, qualification qui "pourra éventuellement évoluer".
L'association de défense de l'environnement Robin des bois a elle aussi réclamé vendredi que "des usines comme Lubrizol soient beaucoup plus surveillées" et que le préfet déclenche un enquête environnementale.
Pour lui, il faut également surveiller les réseaux de l'usine "complètement saturés" car "il y a risque de migrations des hydrocarbures et des autres déchets toxiques dans les nappes phréatiques".
En janvier 2013, la fuite de gaz, du mercaptan sur le site avait provoqué un nuage nauséabond qui s'était répandu jusqu'en Ile-de-France et en Angleterre incommodant des millions de personnes.
Vos commentaires