Le gouvernement a annoncé jeudi de nouvelles aides aides aux milliers d'agriculteurs venus avec plus de 1.500 tracteurs à Paris pour exprimer leur désarroi face à la chute constante de leurs revenus, sans tout à fait réussir à les convaincre.
Le Premier ministre Manuel Valls a promis en début d'après-midi une nouvelle série d'aides aux agriculteurs en difficulté, permettant selon lui de répondre aux besoins d'investissement de la filière. "C'est un message d'amour, c'est un message fort et sincère: vous avez le soutien de la Nation", a lancé le Premier ministre.
L'exécutif a prévu une rallonge de 85 millions d'euros par rapport au plan d'urgence dévoilé en juillet, sous forme d'effacements et d'allègements de cotisations et charges sociales.
Il a aussi promis une "pause" dans les normes, notamment environnementales, imposées aux agriculteurs, ainsi qu'une "année blanche" en 2015 pour le remboursement des dettes bancaires des agriculteurs en difficulté qui en feront la demande.
Enfin, les aides versées par l'État, les régions et l'Union européenne seront portées "à 350 millions d'euros par an pendant trois ans". En intégrant un effet de levier financier, cela doit permettre selon le gouvernement d'atteindre un milliard d'euros d'investissement par an, donc trois milliards sur trois ans.
- Xavier Beulin satisfait -
Ces annonces correspondent assez précisément aux grandes revendications détaillées par la FNSEA, 1er syndicat agricole, à l'origine de la mobilisation.
Son président Xavier Beulin, reçu à l'Assemblée nationale puis à Matignon, a d'ailleurs estimé que le gouvernement avait "entendu" le message des agriculteurs et leur "demande de considération".
Mais son compte-rendu de la réunion avec Manuel Valls, depuis le podium installé place de la Nation, a suscité les huées de manifestants, surtout des plus jeunes agriculteurs (des opposants syndicaux, d'après M. Beulin), très remontés et déçus.
"Vendu!", "Démission!", "On va mettre le feu!", ont réagi certains d'entre eux, surtout bretons.
"On n'a rien obtenu, pas de prix, aucune garantie", s'est énervé auprès de l'AFP, Christophe Le Tyrant, éleveur de porcs dans les Côtes-d'Armor. "On a une +année blanche+, mais ça ne résout rien. A la fin de l'année, on devra bien les payer, les traites."
Malgré tout, les agriculteurs, parfois en larmes, ont progressivement commencé à lever le camp à partir de 17H30, sur leurs tracteurs et dans des bus, dans un grand concert de klaxons. Les derniers tracteurs ont ainsi quitté la place de la Nation peu avant 19H00, a constaté l'AFP.
- 'J'en pleure' -
"On a fait le job mais on n'a pas été respecté. Regardez, j'en pleure. Mais il faut rentrer maintenant" pour s'occuper des fermes après plusieurs jours d'absence, a lâché Sébastien Laouzouen, le responsable des Jeunes agriculteurs du Finistère, pour calmer les troupes échauffées et fatiguées.
Voix cassée et yeux rougis, Emmanuel Enaud, ne cache pas son chagrin: "Oui je pleure. On n'a rien obtenu. Rien. Des allègements de cotisations? Qu'est-ce que ça peut faire, on n'a plus de revenus!".
Certains sont repartis avec les drapeaux de la FNSEA en berne sur leurs tracteurs, symbole de leur désaccord avec les dirigeants du syndicat.
En montant dans son tracteur pour repartir vers la Bretagne, Fabrice, éleveur laitier de 43 ans confiait: "j'étais motivé en partant. Je repars déçu. On voulait une augmentation des prix, parce que des aides c'est éphémère".
De nombreux jeunes agriculteurs étaient venus du Grand Ouest, très touché par les crises laitière et porcine, rendues particulièrement aiguës cette année par la fin des quotas laitiers et l'embargo russe sur la viande européenne.
La préfecture de police de Paris a recensé 1.580 tracteurs, 4.500 manifestants et 91 bus sur le cours de Vincennes. Selon la FNSEA, près de 1.800 tracteurs ont participé au mouvement.
Alors que des embouteillages monstres étaient redoutés, les automobilistes semblaient avoir anticipé en prenant les transports en commun. Le trafic est resté assez fluide, voire meilleur que d'habitude.
- Empilement des normes -
Après plus de 500 actions syndicales cet été, FNSEA et JA exigeaient un "engagement de la part des pouvoirs publics" en faveur des exploitants aux trésoreries exsangues.
Ils demandaient aussi un moratoire sur les normes, environnementales notamment, dont ils dénoncent l'empilement bureaucratique. Au grand dam des ONG comme Greenpeace, pour qui "la protection de l'environnement ne doit pas être la victime expiatoire du chantage fait par la FNSEA".
"Ce ne sont pas les normes environnementales mais la dérégulation des marchés qui est à l'origine de cette crise", a dénoncé pour sa part France Nature Environnement.
Les agriculteurs dénoncent aussi la guerre des prix entre les enseignes de la grande distribution, qui tire toute la chaîne de production vers le bas.
Vos commentaires