En éclatant dans le secteur automobile, c'est l'un des centres névralgiques de l'économie allemande que l'affaire des moteurs diesel de Volkswagen touche, tant la branche pèse lourd dans le pays, économiquement et politiquement.
L'industrie automobile regroupe les constructeurs que tout le monde connaît - le mastodonte Volkswagen, par qui le scandale arrive, les fabricants haut de gamme Daimler (Mercedes-Benz) et BMW, les émanations des américains Opel (General Motors) et Ford -, mais aussi les équipementiers, dont des grands noms comme Bosch, Continental, ZF Friedrichshafen et une myriade de PME.
Le secteur a réalisé l'an dernier 385 milliards d'euros de chiffres d'affaires, soit 14% du Produit intérieur brut (PIB).
D'ores et déjà certains, comme les experts du courtier CMC Markets, s'inquiètent des "répercussions du drame autour de Volkswagen sur l'économie allemande dans son ensemble dans les semaines et les mois qui viennent".
Plus de cinq millions de voitures ont été produites en Allemagne l'an dernier. Après la Chine, les Etats-Unis et le Japon, le pays est le quatrième producteur automobile du monde, et le premier européen.
La chancelière Angela Merkel a évoqué il y a quelques années le fait qu'un emploi sur sept dans le pays étaient "de près ou de loin" lié au secteur auto, une estimation à la louche toujours volontiers reprise aujourd'hui, même si elle paraît très généreuse.
Au sens strict, le secteur employait l'an dernier près de 770.000 personnes, sur plus de 40 millions d'actifs.
Les revenus de la branche sont générés pour un tiers en Allemagne, et pour deux tiers à l'étranger. Les voitures sont le premier bien exporté par l'Allemagne, avec une part de 18% en valeur des exportations totales l'an dernier. La Chine notamment est très friande voitures allemandes.
- Cajoleries -
Les Allemands adorent les voitures, et surtout les voitures allemandes, qui ont représenté l'an dernier deux tiers des nouvelles immatriculations dans le pays.
Les liens entre le secteur et la politique sont également très forts, et Volkswagen en est la meilleure illustration. L'Etat régional de Basse-Saxe (nord), qui abrite son siège de Wolfsburg, est actionnaire à 20% du groupe. Le chef du gouvernement de ce Land et son ministre des Finances siègent tous les deux au conseil de surveillance de l'entreprise.
Peter Hartz, l'inspirateur des réformes de l'Etat-providence allemand du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, dans les années 2000, était ami avec ce dernier... et directeur du personnel de Volkswagen.
Plus récemment, un conseiller de Mme Merkel à la chancellerie, Eckart von Klaeden, est passé lobbyiste en chef chez Daimler. Le saut brusque d'un poste à l'autre a conduit la justice à se pencher dessus, sans résultat.
Consciente de son poids économique, Mme Merkel est très respectueuse des intérêts du secteur automobile, trop même, pour beaucoup. Celle qui se voit volontiers en "chancelière du climat" s'est mise en travers de normes européennes d'émissions de gaz polluants trop strictes, ce qui lui vaut jusqu'à aujourd'hui les critiques acerbes des ONG.
"On sait depuis des années en Europe que les modèles diesel de presque tous les grands constructeurs émettent bien plus de polluants qu'autorisé dans des conditions de test réelles, sans que la politique n'entreprenne quoi que ce soit", a regretté mercredi Daniel Moser, expert de Greenpeace Allemagne. "Les cajoleries entre la politique et l'industrie automobile se font sur le dos de la santé de la population", a-t-il dénoncé.
D'autres critiques à l'intention de l'industrie automobile allemande ont souligné ces dernières années la lenteur des constructeurs à se mettre à l'électrique, encore marginal dans le pays.
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