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Bus, gendarmes, barbelés à Calais: la routine des migrants

 
 

Une petite dame s’agrippe à son sac à main dans le bus N.1 de Calais, celui qui mène au tunnel sous la Manche. Autour d'elle, des clandestins d'Erythrée, d'Afghanistan, du Soudan, qui s'apprêtent, ce mercredi comme chaque soir, à tenter de rejoindre clandestinement l'Angleterre.

Pour se rendre à Londres, quand on campe dans la "New Jungle", le bidonville des migrants de Calais, il faut longer, le soir, le chemin de fer, jusqu'à l'arrêt du bus N.2.

Une vingtaine de personnes sont souvent là, déjà, équipées pour la nuit: anorak pour le froid, keffieh pour la lacrymo, gants pour les barbelés.

Quand l'autocar arrive, deux agents s'assurent que les migrants règlent leur ticket, un euro, "parce que sans ça, ils se feraient un plaisir de pas payer", affirme l'un d'eux. La correspondance avec la ligne N.1 s'effectue en centre-ville. D'autres migrants, peut-être des Syriens, se joignent au groupe sans un mot.

Descente du bus dans une zone résidentielle en briques rouges. Il y a maintenant une bonne cinquantaine de personnes, qui longent en silence un Leader Price, sous le regard blasé des riverains. "Quand ils passent, ils nous regardent en se foutant de nous", affirme l'un d'eux devant son entrée, un moustachu en tongs et chaussettes, bras croisés, excédé.

Il faut ensuite traverser l'autoroute, une six-voies, à plusieurs reprises, en ignorant les coups de klaxon, mais en gardant toujours un œil sur les enfants.

A chacun son chemin pour rejoindre le site d'Eurotunnel: beaucoup se retrouvent de toute façon au même endroit, un champ face à la station Total, où l'on pénètre en enjambant une barrière en fil de fer.

C'est un espace accidenté, avec un vaste lac artificiel, d'où l'on aperçoit la gare et les trains, ceux où les migrants espèrent se cacher pour traverser la Manche de nuit. Un objectif hasardeux: l'un d'eux en est mort mardi.

- 'Go ! Go ! Go !' -

Les migrants, dont le nombre dépasse désormais la centaine, sont avachis dans l'herbe, face à une dizaine de gendarmes. Ils attendent quelque chose. La nuit, peut-être, ou alors un top départ.

"Go ! ! Go!", hurle soudain un homme en veste grise, entraînant dans son sillage des dizaines de personnes, qui se lèvent d'un bond et courent dans tous les sens.

Les gendarmes ne résistent pas longtemps avant de les laisser filer. "C'est bon, c'est bon...", grommelle leur chef. Le pschitt du lacrymo, le hurlement des sirènes et le bourdonnement de l'hélicoptère ne sont là qu'en gadget.

La progression se fait par à-coups: ils sprintent jusqu'à croiser de nouveaux gendarmes --qui crient mollement "Go bac !", mais renoncent toujours face au nombre.

Il faut maintenant se frayer un passage vers les rails, bordés par un fossé rempli d'une eau crasseuse et une clôture d'au moins 3m de haut ornée de fil barbelé. Le tout sous la lumière de puissants projecteurs.

Certains y parviennent, ponctuellement, à un endroit où le barbelé est endommagé, à la faveur d'un pont de fortune --des branches-- au-dessus du fossé, et d'une corde bricolée avec un pull-ove. Ils s'évanouissent ensuite dans l'obscurité.

Mais la plupart des migrants restent groupés sur la route principale, devant la sortie des véhicules qui ont traversé la Manche. Une grille leur bloque l'accès aux trains tout proches. "Open !", lance l'un d'eux, désespéré.

Ils s’assoient, bloquant ainsi la circulation pendant au moins une heure, avec l'espoir vain de contraindre les forces de l'ordre de les laisser passer. Puis ils renoncent, pour cette fois.

Certains vont rester la nuit. Tous retenteront leur chance demain.


 

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